''Beams'' de Paul Verlaine, introduit par Sophus Claussen : 3 Liens 1) paperblog.fr pour l'illustration et le poème; 2) fabula.org pour ''Beams, romance de l'intertexte et poétique du silence'', un très éclairant article de Pascal Maillard; 3) persée.fr article de Jean-Louis Cabanés

Publié le par Claire Antoine

Introduction au poème par un extrait de Une nuit avec Paul Verlaine de Sophus Claussen, poète symboliste danois, traduit en français par le poète Guy-Charles Cros

''Beams'', pour Pascal Maillard :  ''un poème-énigme qui cache son sens et cache qu’il le cache''. Un texte équivalent dans l’œuvre de Baudelaire, pour ce qui est de l’énigmaticité, serait le poème ''Allégorie''cf. note 1

 

''(...) Pour ce qui est des autres espèces de symbolismes, Verlaine ne prend pas les choses très au tragique. Comme je m’entretenais avec lui d’un de ses beaux poèmes qui décrit une jeune fille qui se promène fièrement le long d’une plage ensoleillée, tandis que ses adorateurs la suivent en silence, il me demanda si j’avais compris que cette jeune fille représentait l’idéal.

« Je ne m’en étais pas avisé » lui répondis-je et je hasardai l’opinion qu’une chose, belle en elle-même, reste toujours belle, même si elle n’a pas de signification profonde bien arrêtée. Il sourit avec bonté ; et l’opinion hérétique qu’une jeune fille sur une plage pouvait en soi constituer un idéal suffisant me fut aisément pardonnée...(...)'', Sophus Claussen

 

 

Beams

 

Elle voulut aller sur les bords de la mer,
Et comme un vent bénin soufflait une embellie,
Nous nous prêtâmes tous à sa belle folie,
Et nous voilà marchant par le chemin amer.

Le soleil luisait haut dans le ciel calme et lisse,
Et dans ses cheveux blonds c'étaient des rayons d'or,
Si bien que nous suivions son pas plus calme encor
Que le déroulement des vagues, ô délice !

Des oiseaux blancs volaient alentour mollement
Et des voiles au loin s'inclinaient toutes blanches.
Parfois de grands varechs filaient en longues branches,
Nos pieds glissaient d'un pur et large mouvement.

Elle se retourna, doucement inquiète
De ne nous croire pas pleinement rassurés,
Mais nous voyant joyeux d'être ses préférés,
Elle reprit sa route et portait haut la tête.

Paul Verlaine, 

(Dernier poème de Romances sans paroles, et aussi dernier poème de la section ''Aquarelles'')

...  

 Deux autres passages d'Une nuit... où il est question de l'idéal

(...) Et, comme un homme qui sent qu’il est de son devoir de rendre témoignage dans une occasion solennelle, il se mit à nous parler longuement de Baudelaire, à nous dépeindre l’acharnement sauvage avec lequel ce précurseur admiré, à travers des rues fangeuses de la vie, s’est penché vers tous les éclats de l’idéal…Les mots venaient maintenant sans difficulté, malgré son grand abattement.

(...)mais, pourtant, au milieu de cette tristesse, dans l’obscurité et la pauvreté de laquelle il se plonge par amour de l’intime recueillement, son cœur guette toujours l’occasion d’éclater de rire, d’un rire frais et sonnant clair, heureux comme celui d’un enfant et étincelant comme l’espoir, comme un éclat retrouvé de l’idéal.

- Nous nous sommes retrouvés, reprend-il en souriant. Et nous voici en train de déambuler ensemble comme trois assassins ! (...)   

                                                                   --------------

Note 1 ) cf. lien   Note sur Beams, article ,   Année 2007, fait partie d'un numéro thématique :" Guy Goffette autour des romances sans paroles". 

Extrait de la conclusion

"C’est donc comme un Contre-Evangile d’essence rimbaldienne que je proposerai de lire ce poème conclusif, en suggérant que le « Elle », est la proue du désir, mais aussi son objet, sa muse, instaure une communauté, un « nous » incluant dans une même expérience poétique et existentielle, Verlaine et Rimbaud.

Appropriation de l’espace par le truchement d’une figure allégorique devenue réelle, mais aussi d’une féerie : «Je croyais à tous les enchantements ». Beams, c’est une poétique en acte qui fait être l’impossible tout en projetant dans le poème le bonheur transgressif d’une aventure poétique et érotique que l’on serait tenté d’assimiler à une révélation «païenne ». D’où l’inversion du récit évan¬ gélique. La poésie à venir est la bonne nouvelle annoncée par le miracle d’un poème dont la marche sur les eaux, rapportée, narrée, magnifiée comme féerie naturelle, assure la dynamique."

                                    

 

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