Extrait du poème ''Le désastre de Lisbonne, ou examen de cet axiome, tout est bien'', Voltaire 1756. 2 Liens : 1) illustration couverture arvensa éditions; 2) la-philosophie.com, sur Leibniz
Voltaire, ému et révolté, relate la tragédie dans le poème intitulé Le désastre de Lisbonne ou Examen de cet axiome : Tout est bien. En philosophe des Lumières il en profite pour étriller la philosophie ''optimiste'' de Leibniz (qu'il n'a pas très bien lu) et qu'il caricaturera 4 ans plus tard, en 1759, dans Candide ou l'Optimisme. ( Extrait du Chapitre 1 “Pangloss ( un leibnizien) enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. ... le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles. (...) Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. (...) tout est au mieux.'' )
Au début du poème il apostrophe l’humanité ( malheureuse) et les philosophes (''trompés'') devant tant de douleurs
O malheureux mortels ! ô terre déplorable !
O de tous les mortels assemblage effroyable !
D’inutiles douleurs éternel entretien ! Philosophes trompés qui criez : « Tout est bien »
Accourez, contemplez ces ruines affreuses
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés;
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours !
Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,
Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,
Direz-vous: « C’est l’effet des éternelles lois
Qui d’un Dieu libre et bon nécessitent le choix » ?
Direz-vous, en voyant cet amas de victimes :
« Dieu s’est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes » ?
Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants
Sur le sein maternel écrasés et sanglants ?
Lisbonne, qui n’est plus, eut-elle plus de vices
Que Londres, que Paris, plongés dans les délices ?
Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris.
Tranquilles spectateurs, intrépides esprits,
De vos frères mourants contemplant les naufrages,
Vous recherchez en paix les causes des orages :
Mais du sort ennemi quand vous sentez les coups,
Devenus plus humains, vous pleurez comme nous.
Croyez-moi, quand la terre entrouvre ses abîmes
Ma plainte est innocente et mes cris légitimes
Partout environnés des cruautés du sort,
Des fureurs des méchants, des pièges de la mort
De tous les éléments éprouvant les atteintes,
Compagnons de nos maux, permettez-nous les plaintes.
C’est l’orgueil, dites-vous, l’orgueil séditieux,
Qui prétend qu’étant mal, nous pouvions être mieux.
Allez interroger les rivages du Tage;
Fouillez dans les débris de ce sanglant ravage; Demandez aux mourants, dans ce séjour d’effroi
Si c’est l’orgueil qui crie « O ciel, secourez-moi!
O ciel, ayez pitié de l’humaine misère! »
Wilhelm Gottfried Leibniz , philosophe et savant allemand, surtout connu en France de manière négative, grâce à Voltaire et son célèbre Candide, comme représentant de la philosophie optimist...
''Ainsi, selon l’optimisme leibnizien, le mal n’est que l’ombre du bien. Leibniz, ce grand conciliateur et « harmonisateur », nous décrit un univers pétri de cohérence où le mal perd toute positivité. Résolument optimiste, Leibniz a tenté d’enseigner l’espoir dans une époque de guerre et de déchirement intellectuel et religieux.''