Sur le motif de la porte : notes de lecture (avec comme support Catherine Delyfer et Daniel H. Dugas ) dans « L’interminable seuil du regard », chapitre 10 de "Ce que nous voyons, ce qui nous regarde" de Didi-Huberman :. 2 Liens : 1) Podcast radiofrance.fr, ''Les chemins de la philosophie'', Adèle Van Reeth en compagnie de l'auteur ; 2) video Extrait du ''Procès'' de Kafka : La porte de la Loi

Publié le par Claire

                          1) Courts extraits pris dans les deux liens ci-dessous  

Catherine Delyfer, dans son article  "Visible/invisible/visuel : spectralité et hantologie dans The Gateless Barrier de Lucas Malet", (lien  https://doi.org/10.4000/polysemes.315), évoque G Didi-Huberman :

« Dans son chapitre sur le motif de la porte, « L’interminable seuil du regard », Didi-Huberman propose en effet que "Regarder, ce serait prendre acte que l’image est structurée comme un devant-dedans : inaccessible et imposant sa distance, si proche soit-elle – car c’est la distance d’un contact suspendu, d’un impossible rapport de chair à chair. Cela veut juste dire – et d’une façon qui n’est pas seulement allégorique – que l’image est structurée comme un seuil. Un cadre de porte ouverte, par exemple. Une trame singulière d’espace ouvert et clos en même temps. Une brèche dans un mur, ou une déchirure, mais œuvrée, construite, comme s’il fallait un architecte ou un sculpteur pour donner forme à nos blessures les plus intimes. Pour donner, à la scission de ce qui nous regarde dans ce que nous voyons, une espèce de géométrie fondamentale."

Sur son blog Daniel H.Dugas fait un compte rendu chapitre par chapitre de « Ce que nous voyons, ce qui nous regarde ». Ce que nous voyons, ce qui nous regarde – Georges Didi-Huberman « Daniel H. Dugas (basicbruegel.com). Je vous copie/colle quelques extraits de ce qu’il dit du chapitre 10   

« Le dernier chapitre du livre est étonnant à plusieurs égards. Didi-Huberman remet en scène les James Joyce, Tony Smith, Robert Morris, Walter Benjamin, Franz Kafka et réussit, comme dans un jeu de points à relier, à tracer les contours des « constellations » de l’inquiétude et de l’angoisse humaine.

Nous nous déplaçons alternativement entre la porte de Kafka et les boîtes de Tony Smith, entre le tombeau de l’un et le tombeau de l’autre. Après tout, voilà deux hommes reliés par la tuberculose et l’appréhension de la mort. (…)

Dans un dernier soubresaut d’illumination — portes tournantes, boucles du sens —, Didi-Huberman évoque à nouveau l’imago, le concept d’image qui est aussi une effigie funéraire romaine. Il serait difficile de ne pas superposer la multitude de sens de cet imago : l’image, l’effigie, mais aussi la transformation biologique — presque une réincarnation (insecte) —, la transformation psychologique et physique (la métamorphose de Kafka) et le sens que lui donne la psychanalyse (figure archétypale chez Jung et modèle chez Freud). Le texte, et toutes les couches de sens qu’il contient, semble gagner lui aussi en vitalité. En guise de conclusion, Didi-Huberman affirme, comme à la fin d’un long voyage : « [e]t tout cela, pour finir par être soi-même une image ».

                       2) Mes notes à moi, prises en 2008, dans le chapitre 10 

  Exemple de  Kafka la parabole de la porte ( CF. La lecture, lien 2) You tube

Sublime récit de l'inquiétante étrangeté
ironie tragique
Il attend des années devant une porte ouverte. Le gardien finira par dire :
..." Ici, nul autre que toi ne pouvait pénétrer, car cette entrée n'était faite que pour toi. Maintenant je m'en vais et je ferme la porte." 
La porte ouverte est trop évidente ; ce n'est la clé de rien.

Impossible d'en espérer une réponse.

Tout est ouvert et rien n'est résolu. Seul demeure l'homme qui cherche.
Tragique est l'ironie que suscite la reconnaissance du naufrage, en ce lieu jamais atteint.

Ironique est la situation de cette exégèse désespérée qui vise le dévoilement de la tradition.
Situation d'inaccessibilité produite par le signe d'accessibilité : une porte toujours ouverte.

 Il en est du "voir" comme de la loi "chacun y aspire", y est aspiré. Chacun devant l'objet du voir, du regard, se tient comme devant une  porte ouverte, dans le cadre de laquelle on ne peut pas passer, on ne peut pas entrer.
L'homme de la  croyance veut voir quelque chose au-delà (...misérable quête)
l'homme de la  tautologie se tourne dos à la porte et prétend qu'il n'y a rien à chercher puisqu'il croit représenter la loi et la connaître.

Regarder = prendre acte que l'image est structurée comme devant un dedans devant.
C'est la distance d'un contact suspendu, d'un impossible rapport de chair à chair.

Structurée comme un seuil. Le cadre d’une porte ouverte. Trame singulière d'espace ouvert et clos.

Brèche dans un mur, comme s'il fallait un architecte pour donner forme à nos blessures les plus intimes.
La porte kafkaïenne n'est qu'un pur encadrement spatial.

L’homme aura fini par être "mangé" par elle, par devenir quelque chose comme un cadre dessiné autour d'un vide. Porte ouverte trop évidente; seuil interminable.

Image = gardienne d'un  tombeau, du refoulement et de son ouverture ( autorisant le retour lumineux du refoulé)
Pétrificatrice et attirante à la fois.
Bouche de Gorgone.
Il se regardait mourir sous le regard de cette porte, redoutable psyché.


            Fonction originelle des images que de commencer avec la fin ?

Ulysse commence son chemin, interminable seuil où l'éloignement bat au rythme de quelque chose qui a déjà pris fin.
Entre deuil et désir. Mémoire et expectative. Seuil interminable. Entre ce qui un jour a pris fin et ce qui un  jour va prendre fin.
                       

                              Entre la boîte-berceau et la boîte-cercueil.

 

"Le lecteur ému par la conscience soudaine d’une zone d’intermittence, percée intérieure, éclaircie visuelle à un moment de crise. Comme pour Didi-Huberman, « l’image mieux que toute autre chose, probablement, manifeste cet état de survivance qui n’appartient ni à la vie tout à fait, ni à la mort tout à fait, mais à un genre d’état aussi paradoxal que celui des spectres qui, sans relâche, mettent du dedans notre mémoire en mouvement », Catherine Delyfer. 

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