Lien ''''Non Finito'': finir, c'est mourir un peu'' de Claudine Robillard. Le titre devient le point de départ d'une courte réflexion, bien entendu... inachevée
"Non Finito": finir, c'est mourir un peu
Claudine Robillard a créé un objet singulier avec "Non Finito".
https://www.ledevoir.com/culture/theatre/497435/theatre-non-finito-finir-c-est-mourir-un-peu
lien très intéressant qui fait réfléchir
Une ''esthétique de l’inachèvement'' : le "Non finito"
Peur/refus de la transparence, de l'évidence
Faire précéder du nom "esthétique" un mot ou une notion qui recouvre un "défaut" contre lequel - ceux de ma génération, en tous cas - luttent depuis l'enfance, que tous, parents, professeur·e·s, etc. stigmatisaient durement, est très libérateur, très rassurant pour moi. Sans doute parce que c'est devenu subrepticement une autre norme... un "savoir" autre, de celui qui doute des manifestations du pouvoir (celui-là s'étalant dans un espace/temps linéaire contracté qui spasmodiquement se referme ... et qui ainsi défend inlassablement ses positions).
Requalification de quelque chose de potentiellement honteux : "Tu n'iras pas loin...Tu ne finis jamais ce que tu as commencé... Tu es paresseu·se·x"
--- Pas faux ! J'aime les débuts.
J'ai des centaines de carnets, de cahiers dont je n'ai rempli qu'une vingtaine de pages et que dire des livres commencés et abandonnés, et même des thèses de doctorat ...j'en ai commencé 3 sur des sujets totalement différents... dans l'enthousiasme chaque fois ... ---
Cette requalification en positionnement philosophico-artistique permet de quitter le territoire de la culpabilisation et d'entrer dans celui de la réflexion sur fond de revendication bienfaisante des ratées.( L'inachèvement perdant alors, en fait, sa "qualité" d'inachevé.)
Abandonner, laisser tomber ce qui aurait dû être amené à son terme,
garder ouvert, incomplet,
abandonner négligemment en plein élan,
empêcher le plein développement, ( "frustrer", "castrer", "coitus interruptus" ?),
ne garder que l'ébauche d'un désir de réalisation.
Ce qui aurait pu venir à la vie dans sa totalité, passer sous le régime du temps et de la mort, reste encore à venir.
Tu n'es pas vraiment né, tu ne peux pas, vraiment, mourir.
Protection contre l'oubli, la désagrégation, l'obsolescence
Mais, à quel moment la main et l'esprit ont-ils, tous les deux, lâché prise,
empêchant "la suite" de se développer, d'aller à son terme, de se fixer, de se figer ?
A quel moment cet arrêt qui prive de la possibilité d'une reconnaissance critique ou même élogieuse s'est-il produit ?
Comme quelque chose qui s'effondre, s'affaisse, qui retourne dans l'ombre, dans le néant, désarçonné, rétracté dans l'avant naître, indifférent, involué, Pour ne laisser que des fragments, corps incomplets, béants, en devenir, fragilisés, en attente peut-être un jour de réalisation ou de collage, de suite, de jointure, de suture, de couture...
Et puis, est-il encore possible depuis la deuxième guerre mondiale en particulier de "raconter, construire une histoire" avec des effets de réel et tout et tout... avec en plus un enjeu "moral" de donneur de leçon patenté ? "d'aller au bout" d'un schéma narratif modèle qui exige une résolution, une fin, un résultat, un accomplissement ???
Concernant la poésie voilà ce que disait Paul Valéry, pour qui Idéalement, l’œuvre ne devrait jamais être achevée :
"Un poème n’est jamais achevé – c’est toujours un accident qui le termine, c’est-à-dire qui le donne au public.
Ce sont la lassitude, la demande de l’éditeur, – la poussée d’un autre poème. Mais jamais l’état même de l’ouvrage (si l’auteur n’est pas un sot) ne montre qu’il ne pourrait être poussé, changé, considéré comme première approximation, ou origine d’une recherche nouvelle.
Je conçois, quant à moi, que le même sujet et presque les mêmes mots pourraient être repris indéfiniment et occuper toute une vie.
« Perfection »
c’est travail "(Tel quel, Œ, II, 553)