Prise de notes sur Lecture/écriture, et ''virtualisation du texte'' - 4 liens : 1) editionsladecouverte.fr ''Qu'est-ce que le virtuel'', Pierre Lévy; 2) volubilis.org, le texte en pdf ''sur les chemins du virtuel'' de Pierre Lévy; 3) hisour.com, ''la virtualité, un concept philosophique deleuzien'', 4) claireantoine.com pour Eléni Mitropoulou

Publié le par Claire Antoine

                                                            ( Texte du   02/11/2018, réactualisé) 
 Quelques notes ( que je réduirai peut-être demain) prises dans le texte 2, en lien, super intéressant, avec un beau final lyrique, enthousiaste. Des idées à piocher et ...à actualiser 
                                                              
                                                           
                                            Lecture-Interprétation
Depuis l'hypertexte, toute lecture est un acte d'écriture.
Des millions de personnes et d'institutions dans le monde oeuvrent à la construction et à l'aménagement de l'immense hypertexte du World Wide Web.(...)
 Suivre les fils de divers univers subjectifs.
 
Tout texte, devient problématique textuelle, par couplage humain/machine, montage, "édition",  résultant d'une série de décisions
"Lire n’est pas une activité linéaire mais donne lieu à de multiples actions sur le texte : comparaisons, rapprochements, annotations, etc. nature intime de la lecture littéraire."
 
La lecture comme ''actualisation'' du texte
Le texte, objet virtuel, abstrait, indépendant  s'actualise en multiples versions, traductions, éditions, exemplaires et copies. En interprétant, en donnant sens au texte ici et maintenant,  le lecteur poursuit cette cascade d'actualisations et non de réalisation.
Le texte, stimuli, contraintes et tensions dont le problème du sens est résolu par la lecture, inventive et  singulière. L'intelligence du lecteur élève un paysage sémantique mobile et accidenté. 
Le texte est troué, caviardé, parsemé de blancs. Ce sont des mots, des membres de phrases que nous n'entendons pas, des fragments de texte que nous négligeons.
Lire, écouter, c'est commencer par négliger, par délire ou délier le texte, le déchirer, le replier sur lui-même, recoudre ensemble des signes épars, étalés, dispersés, pour ouvrir un milieu où se déploie le sens rapporté à d'autres textes, à nos affects.
 Texte pulvérisé vers un sujet espace, interface avec lui-même. Qui résonne avec des mots enfouis. 
Activité épistolaire, actualisée tant bien que mal.
Voyage aidé par des balises ou désobéissant, chemins de traverse,  plis interdits, réseaux secrets.
 
 "Hypertexte"
Hiérarchiser, tisser des liens entre des zones, le connecter à d'autres documents,
l'arrimer à une mémoire, fond sur lequel il se détache et auquel il renvoie :
L'arrivée de l'écriture a accéléré un processus d'artificialisation, d'extériorisation et de virtualisation de la mémoire qui a sans doute commencé avec l'hominisation.
 
Virtualisation et non simple prolongement
détachement partiel d'un corps vivant,
mise en commun, hétérogénèse.
 
On ne peut réduire l'écriture à l'enregistrement de la parole.
En revanche, ayant fini par nous faire concevoir le souvenir comme un enregistrement, elle a transformé le visage de Mnémosyne.
 
La semi-objectivation de la mémoire dans le texte
a sans doute permis le développement d'une tradition critique.
 
En effet, l'écrit creuse une distance entre le savoir et son sujet. 
                   
Virtualisante, l'écriture désynchronise et délocalise. 
Elle a fait surgir un dispositif de communication dans lequel les messages sont bien souvent séparés dans le temps et dans l'espace de leur source d'émission, et donc reçus hors contexte.
Du côté de la lecture, il a donc fallu raffiner les pratiques interprétatives.
Du côté de la rédaction, on a dû imaginer des systèmes d'énoncés autosuffisants, indépendants du contexte,
qui ont favorisé les messages répondant à un critère d'universalité, scientifique ou religieuse.
Avec l'écriture, et plus encore avec l'alphabet et l'imprimerie, les modes de connaissance théoriques et herméneutiques ont donc pris le pas sur les savoirs narratifs et rituels des sociétés orales.
L'exigence d'une vérité universelle, objective et critique n'a pu s'imposer que dans une écologie cognitive largement structurée par l'écrit, ou plus exactement l'écrit sur support statique.
le texte contemporain, alimentant correspondances en ligne et conférences électroniques, courant dans les réseaux, fluide,
déterritorialisé, plongé dans le milieu océanique du cyberespace, ce texte dynamique reconstitue, mais autrement et à une échelle infiniment supérieure, la coprésence du message et de son contexte vivant qui caractérise la communication orale. 
De nouveau, les critères changent. Ils se rapprochent de ceux du dialogue ou de la conversation : pertinence en fonction du moment, des lecteurs et des lieux virtuels ;  brièveté, grâce à la possibilité de pointer immédiatement sur les références ; efficience, car rendre service au lecteur (et notamment l'aider à naviguer) est le meilleur moyen d'être distingué sous le déluge informationnel. Un hypertexte est une matrice de textes potentiels, dont seuls quelques-uns vont se réaliser sous l'effet de l'interaction avec un utilisateur. 
Aucune différence ne s'introduit entre tel texte possible de la combinatoire et tel texte réel, qu'on lira sur l'écran.  les images numériques, images possibles affichées.
Le virtuel n'éclot qu'avec l'entrée de la subjectivité humaine dans la boucle,  lorsque surgissent du même mouvement l'indétermination du sens et la propension du texte à signifier, tension qu'une actualisation, c'est-à-dire une interprétation, résoudra dans la lecture. 
             L'ordinateur  fait apparaître de nouveaux genres liés à l'interactivité.
Nouvelle plasticité du texte. Contre le texte sur papier déjà complètement réalisé. L'écran nouvelle "machine à lire", le lieu où une réserve d'information possible vient se réaliser par sélection, ici et maintenant, pour un lecteur particulier. 
                      Toute lecture sur ordinateur est une édition, un montage singulier.
 
L'acte de lecture est une actualisation des significations d'un texte. L'interprétation comporte une part inéliminable de création.
                                                          L'hypertextualisation
est le mouvement inverse de la lecture, au sens où elle produit, à partir d'un texte initial, une réserve textuelle et des instruments de composition grâce auxquels un navigateur pourra projeter une multitude d'autres textes.
  Alors, on peut parler de virtualisation et non plus seulement de potentialisation. 
              En effet, l'hypertexte ne se déduit pas logiquement du texte-source.
Il résulte d'une série de décisions : réglage de la taille des noeuds ou des modules élémentaires, agencement des connexions, structure de l'interface de navigation, etc.
 
la potentialisation et la virtualisation du texte ne sont pas des phénomènes homogènes.
 
Extrême diversité qui tient à trois facteurs entremêlés :
la nature de la réserve numérique initiale,
celle du logiciel de consultation
et celle du dispositif de communication.
De nouveaux types de lectures (et d'écritures) collectives. Un continuum varié s'étend donc entre la lecture individuelle d'un texte précis et la navigation dans de vastes réseaux numériques au sein desquels une foule de personnes annote, augmente, connecte les textes les uns aux autres au moyen de liens hypertextuels.
Une pensée s'actualise dans un texte et un texte dans une lecture (une interprétation).
Remontant cette pente de l'actualisation, le passage à l'hypertexte est une virtualisation.
Non pas pour retourner à la pensée de l'auteur, mais pour faire du texte actuel une des figures possibles d'un champ textuel disponible, mobile, reconfigurable à loisir, voire pour le connecter et le faire entrer en composition avec d'autres corpus hypertextuels et divers instruments d'aide à l'interprétation.
Ce faisant, l'hypertextualisation multiplie les occasions de production de sens et permet d'enrichir considérablement la lecture.
                                           ... la lecture intègre de nouveaux outils
               Les premiers textes alphabétiques ne séparaient pas les mots.
Progressivement sont inventés les blancs entre les mots, la ponctuation, les paragraphes, les  divisions en chapitres, les tables des matières,
la mise en page, les notes de bas de page etc. : les structurer, articuler par delà leur linéarité selon un appareillage artificiel, processus continué par le multimédia interactif. 
Lire c'est sélectionner, schématiser, construire un réseau de renvois internes au texte, à associer à d'autres données, à intégrer les mots et les images à une mémoire personnelle en reconstruction permanente, donc les dispositifs hypertextuels entrent dans le processus de lecture avec de nouveaux outils.
 
La numérisation permet d'associer sur le même médium et de mixer finement les sons, les images animées et les textes. Soit une collection d'informations multimodales disposée en réseau à navigation rapide et "intuitive".
 
Une petite révolution copernicienne : ce n'est pas le navigateur qui suit les instructions de lecture mais c'est un texte kaléidoscopique, qui se plie et se déplie à volonté devant le lecteur. 
La tendance contemporaine à l'hypertextualisation des documents peut se définir comme une tendance à l'indistinction, au mélange des fonctions de lecture et d'écriture.
Processus de virtualisation  qui a pour effet de mettre en boucle l'extériorité et l'intériorité : ici, l'intimité de l'auteur et l'étrangeté du lecteur par rapport au texte.
 
Ce passage continu du dedans au dehors, comme sur un anneau de Moebius, caractérise déjà la lecture classique, car pour comprendre, le lecteur doit "réécrire" le texte mentalement et donc entrer dedans.
 
Il concerne aussi la rédaction puisque la peine d'écrire consiste à se relire pour se corriger, donc à faire effort pour devenir étranger à son texte.
Or l'hypertextualisation objective, opérationnalise et porte à la puissance du collectif cette identification croisée du lecteur et de l'auteur.
Considérons d'abord la chose du côté du lecteur. Si l'on définit un hypertexte comme un espace de parcours de lecture possibles, un texte apparaît comme une lecture particulière d'un hypertexte. Le navigateur participe donc à la rédaction ou tout au moins à l'édition du texte qu'il "lit" puisqu'il détermine son organisation finale (la dispositio de l'ancienne rhétorique).
Le navigateur peut se faire auteur de façon plus profonde qu'en parcourant un réseau préétabli : en participant à la structuration de l'hypertexte, en créant de nouveaux liens. Certains systèmes enregistrent les chemins de lecture et renforcent (rendent plus visibles, par exemple) ou affaiblissent les liens en fonction de la manière dont ils sont parcourus par la communauté des navigateurs.
Enfin, les lecteurs peuvent non seulement modifier les liens mais également ajouter ou modifier des noeuds (textes, images, etc.), connecter un hyperdocument à un autre et faire ainsi un seul document de deux hypertextes séparés ou tracer des liens hypertextuels entre une multitude de documents.
Tous les textes publics accessibles par le réseau Internet font désormais virtuellement partie d'un même immense hypertexte en croissance ininterrompue.
Les hyperdocuments ouverts accessibles par un réseau informatique sont de puissants instruments d'écriture-lecture collective.
Ainsi l'écriture et la lecture échangent-ils leurs rôles.
Celui qui participe à la structuration de l'hypertexte, au tracé en pointillé des possibles plis du sens, est déjà un lecteur.
Symétriquement, celui qui actualise un parcours ou manifeste tel ou tel aspect de la réserve documentaire, contribue à la rédaction, achève momentanément une écriture interminable. Les coutures et renvois, les chemins de sens originaux que le lecteur invente peuvent être incorporés à la structure même des corpus.
Depuis l'hypertexte, toute lecture est un acte d'écriture.
 
    Des millions de personnes et d'institutions dans le monde oeuvrent à la construction et à l'aménagement de l'immense hypertexte du World Wide Web.
Sur le Web,  deux types de mémoire distincts.
D'une part, la réserve textuelle ou documentaire multimodale, les données, un stock quasi amorphe, suffisamment balisé cependant pour que ses éléments aient une adresse.
D'autre part, un ensemble de structures, parcours, fléchages ou réseau de pointeurs, qui représente des organisations particulières, sélectives et subjectives du stock.
A la limite, il suffit que le texte existe physiquement une seule fois sur une mémoire d'ordinateur connecté au réseau pour qu'il soit pris, grâce à un jeu de pointeurs, dans des milliers, voire des millions de parcours ou de structures sémantiques différentes. 
Dans le numérique, la distinction de l'original et de la copie avait depuis longtemps perdu toute pertinence.
Le cyberespace brouille maintenant les notions d'unité, d'identité et de localisation.
Les liens peuvent renvoyer à des adresses abritant non pas un texte défini mais des données mises à jour en temps réel l'hypertexte n'est jamais deux fois le même; alimenté par des capteurs, il ouvre une fenêtre sur le flux cosmique et l'instabilité sociale.
Les dispositifs hypertextuels dans les réseaux numériques ont déterritorialisé le texte.
texte sans frontières nettes, sans intériorité définissable
Il y a du texte mis en mouvement, métamorphique. Plus proche du mouvement même de la pensée.  Il perd son affinité avec les idées immuables  et devient analogue à l'univers de processus auquel il s'entremêle.
Le texte subsiste, mais la page s'est dérobée.
La page - territoire enclos par le blanc des marges s'efface lentement et ses signes déliés partent rejoindre le flot numérique.
Une sorte d'immense plan sémantique, accessible en tout lieu, et que chacun pourrait contribuer à produire, à plier diversement, à reprendre, à modifier, à replier… mouvement de déterritorialisation.
Idem pour les images et la musique
L'interprétation, c'est-à-dire la production du sens,
renvoie à l'appropriation toujours singulière d'un navigateur
Le sens émerge à l'intersection d'un plan sémiotique déterritorialisé et d'une visée d'efficacité ou de plaisir.
 
Au texte de me faire penser, ici et maintenant.
La virtualité du texte alimente mon intelligence en acte.
 
Puisque l'écriture alphabétique aujourd'hui en usage s'est stabilisée sur et pour un support statique, 
il est légitime de se demander si l'apparition d'un support dynamique ne pourrait pas susciter l'invention de nouveaux systèmes d'écriture qui exploiteraient au mieux les nouvelles potentialités.
 La culture du texte, avec ce qu'elle implique de différé dans l'expression, de distance critique dans l'interprétation et de renvois serrés au sein d'un univers sémantique d'intertextualité est appelée à un immense développement dans le nouvel espace de communication des réseaux numériques.
 
Loin d'anéantir le texte, la virtualisation semble le faire coïncider à son essence soudain dévoilée.
Comme si la virtualisation contemporaine accomplissait le devenir du texte. 
Comme si nous sortions d'une certaine préhistoire et que l'aventure du texte commençait vraiment.
Comme si nous venions, enfin, d'inventer l'écriture.

Cf aussi l'article du 13 novembre ( un peu plus court) sur l'écrilecture", les relations nouvelles à la lecture et à l'écriture promues par l' Internet .  Quelques réflexions en lien  avec un article d'Eléni Mitropoulou '' Sémiotique et Communication en nouvelles technologies''

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