Il est peut-être nécessaire de recontextualiser " le cogito"de Descartes; en lien un article d' Emmanuel Bezy sur le livre de Jean-Marie Schaeffer, intitulé « La fin de l’exception humaine »
Les débats d’aujourd’hui sur l’euthanasie et sur les traitements de la maladie d’Alzheimer et de ces « maladies » qui font dire au médecin qui soigne votre père ou mère « elle/il est dans son monde » obligent à se poser sérieusement la question de ce qu’on appelle la « nature humaine ». A quelle « marque » la reconnaît-on ?
De très nombreuses autres questions et réponses découlent/dépendent de la première. Elles postulent toutes l’existence d’un lien entre ce qui se passe dans le corps et dans les processus mentaux. Est-ce qu’à un moment donné il se pourrait, qu’en perdant, à des degrés divers, l’un ou l’autre, un « humain » puisse ne plus pouvoir être considéré comme tel et donc être « considéré » comme …quoi ? Une plante ? Un animal ? une chose ? Est-ce qu’à ce moment-là, cet humain qui avait « la chance » de bénéficier de ce qualificatif « exceptionnel » d'humain et qui, en quelque sorte déçoit les autres "humains" dûment validés , peut-il avoir encore une place parmi eux ?
En d’autres termes, quand, chez un être humain, l’interaction entre le mental et le corporel ne se produit plus, quand ce trait qui semble être la marque essentielle de son humanité s’égare, qu’il s’en trouve dépossédé, que devient-il ? Est-il encore « au monde » ? Et comment ?
Quelle sorte de relation existe-t-il entre le corps et l’esprit, à supposer que la dualité corps/esprit cartésienne soit encore opérante ? Si un être humain est selon une perspective naturaliste, un "exemplaire" de la nature humaine, il a aussi besoin d’être reconnu comme un être unique et singulier, selon une vision pluraliste.
Ces réflexions m’ont conduite « par monts et par vaux » à un article (en lien) extrêmement intéressant qui m’a permis de revenir, un peu, sur tout ce que j’avais appris sur Descartes, en terminale et de manière nonchalante par la suite, au fil des ans.
L’article appartient à un dossier portant sur « les défis de l’écologie ». C’est une critique, par Emmanuel Bezy, du livre de Jean-Marie Schaeffer, intitulé « La fin de l’exception humaine »
Voilà de manière décousue ce que j’ai essayé d’en comprendre avec mes mots/problèmes à moi
La finalité ( de l’auteur et du critique ) étant de dire qu’il y a moyen de s’en sortir dans ce monde où tout semble mener à une impasse, où la parole courante signifie que « ce monde » est foutu…
Comment redonner du sens à la réalité ?
Comment construire une pensée qui saura accueillir au mieux les découvertes de la science ?
Peut-on continuer à s’appuyer sur la théorie de « l’exception humaine » de Descartes (première moitié du XVIIe), si l’on prend en compte les avancées scientifiques d’aujourd’hui ?
Le cogito de Descartes est à l’origine d’une « vision du monde » « antinaturaliste » (En lien avec le monothéisme et le Dieu créateur, un être personnel, distinct du monde et transcendant.)
Les naturalistes sont dans une autre perspective, ils ne considèrent pas « le fait humain » comme essentiel. Ils n’opposent pas l’humain aux autres espèces vivantes qui seraient « inférieures » parce qu’elles ne « penseraient » pas. Ils postulent une continuité entre tous les vivants et refusent toute idée permettant de valoriser l’humain et de lui accorder une place supérieure dans la nature.
En lien, sous certains aspects, avec la doctrine panthéiste, immanente (Dieu est tout, ce n'est pas un être personnel distinct du monde). Dans la philosophie occidentale, et notamment depuis Spinoza (XVIIe), le mot tout signifie « tout ce qui existe ». Le panthéisme est un athéisme, un naturalisme qui ne reconnaît comme principes que les lois ou forces de la Nature.
Les naturalistes cherchent à se défaire de l’influence de Descartes (qui a comme successeurs Husserl, les existentialistes, les tenants des « sciences sociales » …) et de sa vision « antinaturaliste » de l’humain, qui pour lui, relevant d’une « exception » et d’un destin particulier, est en rupture avec les autres « vivants » et transcende la nature du fait de sa capacité à penser.
Ce destin cartésien (finaliste) postule également une existence première qui aurait enclenché/désiré l’humain, une cause première (qui pourrait être Dieu).
La vision introspective du « cogito ergo sum » (« Je pense donc je suis ») génère l’idée que l’homme (caractérisé par la conscience) serait le résultat d’un processus d'évolution biologique destiné à faire apparaître l’espèce humaine. Il y a un lien entre le biologique et l’anthropologique. Lignée biologique et histoire. « L’homme est la cristallisation généalogique provisoire et instable d’une forme de vie en évolution (…) ».
Cette idée d’« existence première », de « plus haut degré », incontestable qui est « à l’origine » de l’humain, permet de penser une hiérarchie des « vérités » et d’opposer les vérités incontestables et les vérités scientifiques. Et en s’élargissant d’opposer le corps et l’esprit, entre la nature et la culture … (comme le faisaient déjà Platon et Aristote)
Pour les « naturalistes » l’idée de hiérarchisation devrait ne pas exister (de cette façon).
Une société qui s’écarterait de Descartes, qui s’en libèrerait en pensant l’humain comme un animal, (puisque les sociétés humaines font partie d’un ensemble plus grand qui est celui des sociétés animales).
continuerait à accepter qu’il existe des catégories relevant du social et du culturel
mais leur fondement ne dépendrait pas d’une spécificité humaine. L’opposition nature/culture pour parler de l’humain est à leurs yeux, utilisée d’une manière systématique et assez peu nuancée.
En conséquence
Le fait de s’interroger sur l’origine des sociétés humaines (puisque « la société » a été inventée de nombreuses fois lors de l’évolution des espèces) n’est pas pertinent.
C’est ainsi que deviendraient inopérantes
les hypothèses déterministes (Principe de cause à effet),
la théorie du contrat social
ou celle des jeux (modèles créés pour simplifier la variable « humaine » des relations complexes en les assimilant à des sortes de jeux mathématiques).
Pour comprendre le fait social humain
il est utile d’étudier » les sociétés animales » de façon décloisonnée, sous la forme d’une sociologie comparée, analogique nécessairement, en l’absence « d’ancêtre commun ».
Un naturalisme qui étendrait aux humains les méthodes de l’expérimentation réservées aux « animaux non-humains » et vice versa.
On ne peut opposer les animaux-humains, qui seraient des « animaux culturels », aux autres animaux non-humains, puisqu’il existe des cultures animales (cf chimpanzés, ou certains oiseaux, par ex.). La culture existe chez « les humains » et chez « les animaux », il faut les comparer pour faire apparaître leurs spécificités, comme par exemple, le caractère structurel de la culture humaine ; l’importance chez eux des institutions symboliques et normatives, ainsi que le processus cumulatif qui semble absent chez les animaux non-humains.
Cette façon de procéder relève d’une approche immanente, moniste (qui s’appuie sur l’unité indivisible de l'être, l'unité du cosmos et sur l’indissociabilité de la matière et de l’esprit et remet en cause l’idée de causalité pour l’existence de forces physico-chimiques immanentes à la matière cf Démocrite et Epicure).
Approche qui s’oppose donc
d’une part, au dualisme cartésien (lequel distingue monde matériel (physique externe/ sensations/corps)
et monde spirituel (psychique interne/pensée/mental) où l’explication mécanique n’est pas considérée comme valable
et d’autre part, à une conception philosophique pluraliste, associée au relativisme culturel et au pragmatisme.
Il n’existe qu’une succession réglée des phénomènes. Ce qui signifie que les lois, l’âme, Dieu, la conscience, le moi, le corps, toutes ces entités ne sont que des fictions. Seuls existent les faits biologiques qui nécessitent une méthode universelle.
N.B. Pour Descartes (cf Wikipedia) : - Tous les corps, vivants ou non, sont inertes. Leurs processus vitaux sont des mouvements mécaniques. Le mouvement leur est donné de l'extérieur => Tous les corps sont des automates.
La réalité est coupée en deux : la « chose qui pense », qui a une complète, claire et distincte conscience d'elle-même,
et la « chose étendue », qui est tout simplement un ensemble de corps qui se meuvent mécaniquement et automatiquement, et ne s'aperçoivent ni d'eux-mêmes, ni des autres êtres, quelle que soit la forme qu'ils présentent (automate, végétal, animal).
En résumé, les animaux : - ne sont pas conscients d'eux-mêmes ;
- n'ont pas de langage ;
- n'ont pas de facultés cognitives et ne connaissent rien ;
- ne sont pas plus vivants ou plus sensibles qu'une montre ou qu'un automate.
Problèmes posés par la théorie des animaux-machines :
1. Elle n'explique pas la différence entre les corps vivants et ceux qui ne sont pas vivants.
2. Elle sépare les facultés de la connaissance en faisant de la sensibilité un processus purement mécanique et en attribuant le sentiment de soi seulement à la pensée.