Sur le journalisme : Jacques Bouveresse parle du journaliste satiriste Karl Kraus agone éd

Publié le par Claire (C.A.-L.)

Ce qui concerne Karl Kraus trouve sa source dans l'article WIKIPEDIA qui lui est consacré
Karl Kraus est un écrivain autrichien (1874, Jičín - 1936, Vienne), dramaturge, poète, essayiste, et surtout satiriste et pamphlétaire redouté. 

Il dénonçait avec virulence, dans Die Fackel, la revue dont il a pendant presque quarante ans été le rédacteur à peu près exclusif, les compromissions, les dénis de justice et la corruption, et notamment la corruption de la langue en laquelle il voyait la source des plus grands maux de son époque, et dont il tenait la presse pour principale responsable. (...)

Durant toute la durée de ce qu'il appelle le « carnaval tragique », Kraus ne cesse de dénoncer la manière dont les intellectuels et la presse " traitres à l'humanité" – qui ont à ses yeux une responsabilité écrasante dans le déclenchement des hostilités – se transforment en « bourreurs de crâne » bellicistes. (...) Il met en chantier ce qui restera comme son œuvre majeure : une « pièce de théâtre apocalyptique de huit cents pages » constituée à hauteur d'un tiers de citations de la propagande de la presse quotidienne "Les Derniers Jours de l'humanité".

(...)le but de son entreprise  est  « uniquement de transformer la justification de l'époque par elle-même en ce qu'elle est réellement, à savoir une forme d'auto-accusation irréfutable qui ne laisse aucun doute sur ce que peut être le verdict. »

  
"Que l'on ne me demande pas
Ce que j'ai fait tout ce temps
Je resterai muet
Et ne dirai pas pourquoi.
Et le silence fait que la terre tremble.
Aucun mot n'a convenu ;
L'on ne parle que dans son sommeil
Et l'on rêve d'un soleil rieur.
Le mot passe,
Puis il s'avère avoir été vain.
Le mot s'est éteint lorsque ce temps s'est éveillé".  Karl Kraus
Silence apparent, décontenancé quand il est tout à coup en présence d'un ennemi bien différent [de ceux auxquels il avait eu à faire jusque là, et] ...d'une espèce complètement inédite. » 
Un ennemi contre lequel la satire apparaît comme une arme dérisoire, 
et qui, vu de l'extérieur, 
semble réaliser une partie de ce que Kraus n'a cessé d'appeler de ses vœux, notamment pour tout ce qui concerne la mise au pas de la presse et les freins mis au libéralisme démocratique,
 à l'encontre duquel il a toujours fait montre du plus grand scepticisme. 
En réalité, Karl Kraus rédige son dernier grand pamphlet, s'efforçant de « dire l'indicible, même si cela ne doit pas aller au-delà de la tentative visant à montrer l'inanité des moyens intellectuels. » En particulier, plus que dans aucun autre de ses écrits, la question juive est évoquée, Kraus assistant médusé à ce qu'il avait cru impensable : « l'antisémitisme […] devenu un des éléments de base d'un programme politique qui a commencé à être appliqué dans les faits, sans susciter une réaction sérieuse de la part de la population concernée. » 
Le boycott des commerces juifs en particulier, « pas encore reconnu même par un bon nombre de Juifs comme une déclaration de guerre mortelle, traverse le texte comme un avertissement fatidique ». Au dernier moment, Kraus décide de ne pas publier ce texte, afin notamment de ne pas mettre en danger la vie de ceux qui en Allemagne auraient pu être considérés comme faisant partie de ses proches ou de ses disciples. (...)

                                   A partir de là il s'agit du texte de Jacques Bouveresse 

"Kraus n’aurait évidemment pas été un satiriste s’il n’avait pas cru à la positivité et aux vertus du ressentiment. N’a-t-il pas cependant, sur le problème de la presse, été aveuglé par le ressentiment et n’a-t-il pas surestimé nettement l’importance du phénomène et du pouvoir journalistiques ?  Je n’en suis pas tellement convaincu, pour ma part. 

Bien avant que les sociologues de la culture ou peut-être plus exactement, en l’occurrence, de l’inculture ne le découvrent, Kraus avait déjà très bien compris que les véritables faits et les véritables événements sont constitués aujourd’hui par les représentations que l’on en construit et les récits que l’on en donne :

« La presse est-elle un messager ? Non : l’événement.

Un discours ? Non : la vie.

Elle ne formule pas seulement la prétention que les véritables événements sont les nouvelles qu’elle donne des événements,

elle produit également cette identité inquiétante qui fait naître à chaque fois l’apparence que les actes sont d’abord rapportés, avant d’être effectués, souvent aussi la possibilité de ces choses et, en tout cas,

la situation dans laquelle les correspondants de guerre n’ont assurément pas le droit de regarder, mais les guerriers deviennent des correspondants de guerre.

En ce sens-là, je laisse volontiers répéter après moi que j’ai, toute ma vie, surestimé la presse.

Elle n’est pas un domestique – comment un domestique pourrait-il effectivement réclamer et obtenir autant ? –, elle est l’événement.

À nouveau, la taille de l’instrument a dépassé la nôtre.

Nous avons mis l’homme qui doit prévenir qu'il y a un l’incendie ... au-dessus du monde,

au-dessus du feu et au-dessus de la maison, au-dessus du fait et au-dessus de notre imagination. » 

Publié dans citations. Notes.

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