Notes sur ''Le théâtre de Steven Berkoff : de l’exaltation machiste au fantasme de l’androgynie'', et pour le texte entier, lien openedition.org article ( 2013) de Nathalie Le Bever; Prise de notes (2009) sur Le théâtre de Steven Berkoff dans un article de N. Le Bever : ''orgie, orgasme et politique''; texte de Dominique Massonnaud, (2005) Fabula : Une dramaturgie catastrophiste.

Publié le par Claire

Notes sur ''Le théâtre de Steven Berkoff : de l’exaltation machiste au fantasme de l’androgynie'', et pour le texte entier, lien openedition.org article ( 2013) de Nathalie Le Bever; Prise de notes (2009) sur  Le théâtre de Steven Berkoff dans un article de N. Le Bever : ''orgie, orgasme et politique''; texte de Dominique Massonnaud, (2005) Fabula : Une dramaturgie catastrophiste.

"Un tropisme aimante l’auteur vers une représentation caricaturale de la virilité. Bien qu’ayant un regard ironique et distancié sur son image et sur celle de ses personnages, ce dernier n’en est pas moins prisonnier de certains clichés, à l’œuvre dans quasiment toutes ses pièces. Un culte de la virilité est ainsi érigé, qui divise et oppose irrévocablement les hommes aux femmes et les plonge dans une guerre des sexes sans merci.",  (...)   

La schizophrénie dans son sens médical désigne non seulement la désagrégation mentale et la perte de l’unité de la personnalité qui devient discordante et dissociée, mais aussi le désintérêt et la rupture entre le monde extérieur et la réalité.

[Quelques uns de ses] personnages  manifestent sans le moindre doute de tels symptômes. (...) on peut citer, à titre d’exemple symbolique le crâne que l’on brise et qui fait écho, dans une projection cosmologique, à la terre qui tremble et s’ouvre.

Tout son théâtre s’articule autour de cette idée que le monde va se briser, (...) ses pièces [comportant] un caractère sombre et apocalyptique.

Toutefois, (...) il apparaît aujourd’hui plus serein et, s’il évoque l’idée de rupture, c’est pour mieux parler de sa nouvelle quête : celle de l’unité perdue. (...) Il avoue  son désir d’incarner les héroïnes de Tennessee Williams  (...) J’aimerais bien jouer Clytemnestre, Lady Macbeth et Blanche Dubois. Un de ses thèmes favoris est l' androgynie la "moitié immergée". "Les acteurs sont limités non seulement par leur âge mais aussi par leur sexe. Je ne vois pas pourquoi on devrait accepter ça."  

Il n'est donc pas dans un registre purement machiste. Il n’a jamais renié la part féminine qui est en lui. Lecteur de Carl Gustav Jung, il fait souvent référence aux notions d’animus et d’anima afin de réconcilier nos deux composants antagonistes. Le fantasme androgynique promesse de félicité et de sérénité serait synonyme de fin des angoisse.  Jean Libis dans Le mythe de l'Androgyne écrit : "Ainsi scintille l’androgyne, profil onirique de nos réconciliations, promesse eschatologique qui consacrerait la fin des angoisses, de toute angoisse » et qui s’ancre dans un horizon eschatologique de salut où à la fin des temps,   l’être réintègre une plénitude où la séparation des sexes s’abroge."

Quand il est envisagé dans son rapport à la sexualité : « Ou bien l’androgyne représente  l’“angélisme asexué” ; ou bien au contraire, il devient porteur d’une sexualité hyperbolique qui multiplie ses capacités érotiques. [...] Cf . Zeus  et ses aventures amoureuses et Dionysos,  “l’homme femme” de certaines traditions qui est pourtant le dieu au phallus en érection des cortèges bacchiques. Sans oublier Hermaphrodite lui-même souvent confondu avec Priape à l’hypertrophie phallique : une relation singulière se noue entre bisexualité, hypervirilité et tératologie qui "traite des anomalies et des malformations liées à une perturbation du développement embryonnaire ou fœtal".

(...) Pourtant ce nouveau défi théâtral qu’envisage l’auteur n’est pas sans mettre en évidence un certain danger. On pourrait, dans un premier temps, interpréter ce désir comme un hommage du dramaturge aux femmes. Mais qui connaît la personnalité entière et éminemment narcissique de l’auteur, pourrait y voir une façon habile de vampiriser les rôles féminins. La mégalomanie de S. Berkoff qui se sait reconnu et admiré, n'a pas assouvi sa soif de reconnaissance.  Jouer les rôles féminins reviendrait donc à faire disparaître les femmes de la scène berkovienne. L’auteur/metteur en scène/dramaturge qu’est S. Berkoff serait alors, à lui seul, l’incarnation de l’acteur total.

                                            Prise de notes, de février 2009

                                                "Orgie, orgasme et politique"
                              Le théâtre de Steven BERKOFF

Steven Berkoff fonde, en 1968, le London Theatre Group qui s'inspire du théâtre oriental, des écrits d'Antonin Artaud, du travail de mime de Jacques Lecoq ou de JL Barrault, ainsi que du théâtre expérimental américain, surtout le living Theater, dissident...à l'imagination langagière et poétique privilégiant une dimension comique

En 1998,  à la question : " Q uelle est votre place au sein du thééâtre britanique contemporain ?" il répond : " cleaning the loos, I guess." 
En dehors des normes. il a choisi d'éradiquer certaines figures de style:
pas d'euphémisme, ni de litote
un discours provocateur excessif, ordurier, en marge des normes et des codes.
"Oreilles sensibles s'abstenir...forme brutale, rude, violente et humoristique qui habille et deshabille les âmes perdues, flottantes de ses personnages."

Pour l'auteur le théâtre doit être "traumatisant, il doit décapsuler les cervelles, lâcher les démons."
Il convie à une expérience radicale, met en scène le corps et ses humeurs, sexualité débridée, transgresse le "processus de civilisation" décrit par Norbert Elias "
comme une lente évolution parallèle de pacification des mœurs, de transformation des structures psychiques individuelles et de construction de l’État.
Ainsi il désigne sous débauche de sens et de mots, l'état de dégradation du monde.

(Ds la Civilisation des moeurs, Norbert Elias montre que nos façons de manger, nous laver etc. n'est pas "naturelle" mais culturelle et en évolution. Tout
 code social qui semble fixé est appelé à évoluer.Il ditingue toutefois une ligne directrice dans cette évolution des moeurs, c'est celle d'une contrainte sociale de plus en plus forte et d'un refoulement psychique de plus en plus marqué.)

Les personnages de Steven Berkoff, eux, fonctionnent à rebours. cf Décadence qui met en scène 2 couples antagonistes d'amant et de maîtresse, l'un appartenant à l'aristocratie et l'autre au milieu ouvrier. Un regard ironique est porté sur leurs univers respectifs : Scènes de restaurant triviales alors qu'ils sont censés être en représentation. Vulgarité et veulerie du couple d'aristocrates. Conversations futiles ponctuées de propos scatologiques, rappelant qu'ils ont un corps à satisfaire. Personnages impuissants à se dominer, à donner le change. Le masque tombe, l'instinct social est détruit.

( Cf. le texte de Mikhail Bakhtine :  Le rôle essentiel est dévolu dans le corps grotesque à ses parties, ses endroits où il se dépasse, franchit ses propres limites...les événements principaux qui affectent le corps grotesque, les actes du drame corporel-le manger, le boire, les besoins naturels ( et autres excrétions : transpiration, humeur nasale...) l'accouplement, la grossesse, l'accouchement, la croissance, la maladie, la mort, le déchiquetage,...s'effectuent aux limites du corps et du monde.
Elias, dans son chapitre sur la sexualité observe qu'au cours des siècles elle a progressivement été reléguée à l'arrière plan de la vie sociale. Elle appartient dorénavant à une "enclave" déterminée, la " famille restreinte ". Dans la conscience des hommes, les relations entre les sexes s'en trouvent également refoulées...Une atmosphère de gêne, expression de peur sociale baigne cette sphère de la vie humaine.

C'est l'inverse dans le théâtre de Berkoff, la sexualité est dans la sphère publique, elle envahit tout le discours.
Le domaine sexuel n'est plus secret ni privé. Les transgressions sont possibles, autorisées hors de l'intimité..

Selon berkoff, la rigidité des normes est telle que seule une transgression radicale et éventuellement destructrice peut extraire l'individu de ce carcan, de cet univers dégradé, universellement, où la sexualité est aussi un vecteur de solitude et d'aliénation.
La misère sexuelle, reliée au dénuement culturel et aux stéréotypes sociaux qui "avilissent" la Grande Bretagne montre une dérive qui trouverait sa source dans la médiocrité du quotidien.
Toute vie "moyenne" supposerait une sexualité "moyenne". La psychanalyse, selon lui, participerait à cette entreprise de nivellement.

Il fait une lecture critique d'Oedipe inspirée de Gilles Deleuze et Félix Guattari dans son refus de faire monter "un discours familial et moralisé de la pathologie mentale, de lier la folie à " la dialectique mi-réelle mi-imaginaire de la Famille", d'y déchiffrer l'attentat incessant contre le père"...

Au lieu de participer à libération effective, la psychanalyse, selon lui, prendrait part à l'oeuvre de régression bourgeoise la plus générale, celle qui a consisté à "maintenir l'humanité européenne sous le joug de papa-maman et à ne pas en finir avec ce problème-là."

                                                        Fabula    ( Printemps 2005) 
                      Une dramaturgie catastrophiste, DOMINIQUE MASSONNAUD

"Le second article livre une perspective d’ensemble sur le théâtre de Steven Berkoff, autre figure marquante du théâtre britannique, depuis les années soixante-dix. Nathalie Hourmant Le Bever adopte les entrées attendues que sont « orgie, orgasme et politique » pour appréhender cette production. En effet, il s’agit de rendre compte du théâtre mais aussi de l’image de soi travaillée par le metteur en scène dans le champ anglais, en particulier. La perspective permet de montrer clairement un principe directeur : « la transgression du processus de civilisation ». L’expression « processus de civilisation » est entendue à partir des travaux de Norbert Elias. Dès la première pièce : East, Berkoff livre le spectacle de comportements déshumanisés, et l’aliénation des désirs. Decadence ou West permettent de mettre en évidence un principe de sexualisation généralisée qui s’opère sur un mode carnavalesque. Nathalie Hourmant le Bever fait droit aux propos du dramaturge, qui refuse de se situer comme un « Thatcher knocker ». Cependant, elle affirme les enjeux de ces visions des corps - ou du corps social - traversés par les questions de pouvoir : dans Greek, Harry’s Christmas, ou Kvetch. Le travail inviterait alors peut être à un développement sur les formes d’une anthropologie négative chez Berkoff. L’article reprend in fine la proposition de Robert Abirached : voir dans cette production une nouvelle forme de théâtre politique."

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