A méditer - Gérard CONIO "... Pour moi, ce qu’on appelle post-modernisme, c’est surtout l’idéologie de la société de marché appliquée..."
Pour en savoir plus ====>>>Url de référence : http://www.vox-poetica.org
***
Entretien avec Gérard Conio, professeur émérite à l'université Nancy-2 et spécialiste des avant-gardes
par Catherine Géry
Le modernisme contre les tentations de la modernitéC.G. : Ce qui pourrait définir cette fameuse attitude post-moderne que vous dénoncez en général…
Gérard CONIO : Oui, pour moi, ce qu’on appelle post-modernisme, c’est surtout l’idéologie de la société de marché appliquée au domaine de l’art.
Et il me semble qu’on est assez peu sensible à ce phénomène, parce qu’on considère que les choses vont de soi.
La société actuelle a absorbé et repris les principaux axes de l’esthétique d’avant-garde : la notion de plaisir, l’hédonisme, l’éphémère…
Tout cela est récupéré, le plus souvent dans un esprit sociologique
.Dans le meilleur des cas les artistes font des performances qui sont des critiques de la société actuelle, qui mettent en question ses comportements, mais ces performances, me semble-t-il, sortent souvent du domaine de l’art.
En quoi la plupart relèvent-elles du domaine esthétique ? C’est toute la différence avec les expériences de l’avant-garde, qui avaient malgré tout pour but de conserver les valeurs esthétiques à travers les mutations de la modernité.
Le propos de l’avant-garde a été de transfuser, d’opérer une perpétuelle transmutation de ces valeurs esthétiques.
On est passé de l’organique au mécanique,
mais en les gardant intactes,
en les défendant contre les atteintes de la « poschlost », de la vulgarité propagée par la société de masse,
la société dominée par les « mass média ».
Un photomontage de Rodtchenko, un film de Vertov ont une valeur esthétique.
Canetti a fort bien exprimé ce souci de conserver l’essence de l’art à travers les mutations de l’histoire, quant il dit que le poète, au sens large dichter, est « le gardien des métamorphoses ».
Cette image me semble, en effet, relier les deux aspects présents dans l’avant-garde : la rupture et la continuité. On est constamment en rupture, tout en essayant de maintenir des valeurs éternelles qui ont, de tout temps, été celles de l’art.
Il y a une permanence de la valeur esthétique, mais l’œuvre d’art, bien évidemment, évolue quant à elle en fonction des conditions historiques.
Sinon, on se retrouve dans une posture d’académisme, d’imitation, de répétition des modèles.
Et c’est avec cela que l’avant-garde a rompu.
C’est en cela qu’elle a opéré une percée dans la modernité.
L’avant-garde a été fondatrice de ce qu’on appelle aujourd’hui la modernité.
Mais qu’est-ce que cette modernité est devenue ? Il y a une ambivalence fondamentale de la notion de modernité.
Aujourd’hui, la résistance aux transformations sociales et économiques se voit taxée d’archaïsme, quand les garants de l’ordre social et économique (qui est un ordre toujours castrateur) se réfèrent à la modernité.
Le problème est qu’on reste attaché à des termes qui sont complètement déconnectés des réalités...
***
" La culture ment,
apprend à croire à l'abstraction,
encercle l'esprit dans le désert de la fiction..."
La société de consommation relaie le grégarisme collectiviste. Les nourritures illusoires et idéales de l'utopie, remplacées par le gavage matériel : on ne fait que changer de narcotiques.