Processus d'écriture - Résistances - 2 liens : 1) cairn.info revue-francaise-de psychanalyse, ''Résistances et inhibition'', de Franca Munari, texte traduit de l’italien par Mireille Fagni; 2) journals.openedition.org, Pierre-Victor Haurens, la résistance de l'écriture, pour Maurice Blanchot et Coleridge

Publié le par Claire Antoine

Quasi copié collé des paragraphes 17à 20

 

.Résistances et inhibition

''(...)Les batailles dont l’écriture conservera des traces évidentes, [à savoir] les ambiguïtés et les lacunes, le patient et pénible labeur, les excès et, signes occultes non métaphorisés, les éléments stylistiques, modalités de retour du clivage non symbolisé, qui imprègnent l’appareil linguistique et agissent sur l’autre indépendamment des contenus manifestes du récit (Roussillon, 1996).  

'' Le passage de l’idée à une réalisation est toujours ardu, pénible, frustrant et finit souvent par laisser un sentiment d’insatisfaction.

Il s’agit en effet de passer

de la perfection de l’idée dans son caractère indéfini et dans sa totipotence,

de sa commixtion de visuel et d’abstrait,

de sa forme originelle dans laquelle « le fantasme attaque la pensée par la séduction qu’exerce le circuit court du processus primaire et de son accomplissement immédiat » (Beetschen, 2003, p. 1519),

 

à la nécessité d’utiliser le principe de réalité,

de procrastiner la satisfaction du désir,

de fragmenter l’idée dans ses composantes et dans son parcours,

d’affronter le deuil de la perte de l’idée même et de sa perfection, pour la vérifier de façon réaliste.

 

Mais il s’agit également de ré-émerger de cette condition nécessaire à la créativité qu’est la régrédience, « état psychique autant que mouvement en devenir » (Botella et Botella, 2001, p. 1179) qui, en réactualisant le lien de la pulsion avec l'« objet-perdu-de-la-satisfaction-hallucinatoire », permet de réarticuler passé, présent et futur, dans une représentation, telle que celle du rêve, où tous les constituants ont une valeur égale indépendamment de leur qualité, consciente ou inconsciente, de leur origine, représentationnelle, perceptive ou motrice.

 

Où tout se redistribue dans cette forme qui figurablement structure notre pensée et qui, suscitant de nouveaux liens, lui permet d’acquérir de nouveau transitoirement ce souffle omnipotent qui constitue la pulsation même de la pensée. 

 

Il s’agit d’affronter les multiples facteurs qui constituent l’inhibition qui s’oppose à la créativité (Beetschen, 2003).

 

L’inhibition qui est déterminée par la crainte de découvrir l’excessive sexualisation dans laquelle le fantasme t ient les objets de la pensée et de la satisfaction inconsciente et de la culpabilité qui suivraient la réalisation ;

l’inhibition qui protège d’une violence brutale et arrogante de la pensée, un souhait coupable d’emprise ou de triomphe narcissique.

L’inhibition qui cherche à contenir la rage et la destructivité, comme si, dans la réalisation d’une œuvre, on se heurtait non seulement à un interdit, mais aussi à la violence engendrée par la désintrication des pulsions de la sublimation qui en liant la composante érotique libère et active la composante agressive (Freud, 1923). 

 

Il s’agit, notamment ,

d’accepter la perte de la complexité affective de l’expérience telle qu’elle a été,

d’accepter d’assujettir la vérité à l’objectif du texte,

d’opérer des choix de toute façon réducteurs en abandonnant au cours du récit, en raison de l’économie tyrannique de ce dernier, des résidus que jamais nous ne pourrons récupérer,

de contraindre l’atemporalité de l’inconscient à une séquence linéaire ;

mais il s’agit aussi de reparcourir, de réactualiser la turbulence pulsionnelle de la rencontre avec l’autre, de la nouvel le rencontre avec notre extranéité en présence de l’autre (Giuffrida, 2002). 

                          (...) Extrait du texte en lien ci-dessus                                                              Penser la résistance de l’écriture chez Blanchot : contestation et expérience du dehors
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Gilles Deleuze prononce ces mots bien connus : « On pourrait dire alors […] que l’art est ce qui résiste, même si ce n’est pas la seule chose qui résiste. D’où le rapport si étroit entre l’acte de résistance et l’œuvre d’art. » Un an plus tôt, il analysait l’œuvre de Michel Foucault dans les mêmes termes : « Foucault : on ne sait pas ce que peut l’homme ’’en tant qu’il est vivant’’, comme ensemble de ’’forces qui résistent’’ », où il cite des passages de La volonté de savoir (1976).

Mais ce thème, chez Foucault, est lié à sa lecture de Maurice Blanchot (le dehors) et de Georges Bataille (l’expérience). Deleuze ne l’oublie pas qui écrit également : « la pensée du dehors est une pensée de la résistance ».

La lecture de Bataille et Blanchot par Foucault se matérialise dans les années 1963-66, à l’époque où sa réflexion porte avec une grande acuité mais aussi une grande densité sur les œuvres dites littéraires, avec des textes comme « Préface à la transgression » (1963), « Le langage à l’infini » (1963), « La folie, l’absence d’œuvre » (1964) ou encore « La pensée du dehors7 » (1966). Ce dernier texte, paru dans un numéro de la revue Critique, qui marque un moment important dans la diffusion et la reconnaissance publique de l’œuvre de Blanchot, identifie comme la ’’pensée du dehors’’ :

  •  

Cette pensée qui se tient en dehors de toute subjectivité pour en faire surgir comme de l’extérieur les limites, en énoncer la fin, en faire scintiller la dispersion et n’en recueillir que l’invisible absence, et qui en même temps se tient au seuil de toute positivité, non pas tant pour en saisir le fondement où la justification, mais pour retrouver l’espace où elle se déploie, le vide qui lui sert de lieu, la distance dans laquelle elle se constitue et où s’esquivent dès qu’on y porte le regard ses certitudes immédiates, cette pensée, par rapport à l’intériorité de notre réflexion philosophique et par rapport à la positivité de notre savoir, constitue ce qu’on pourrait appeler d’un mot « la pensée du dehors ».


Foucault suppose que cette « déchirure » apparaît avec le « monologue ressassant de Sade », mais aussi avec Hölderlin : « Pourrait-on dire sans abus qu’au même moment […] Sade et Hölderlin ont déposé dans notre pensée, pour le siècle à venir, mais en quelque sorte chiffrée, l’expérience du dehors ? » (...)  En quoi la pensée du dehors serait-elle une pensée de la résistance ? Foucault nous apporte un élément de réponse en décrivant ainsi l’usage spécifique de la négation chez Blanchot :

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Nier son propre discours comme le fait Blanchot, c’est le faire passer sans cesse hors de lui-même, le dessaisir à chaque instant non seulement de ce qu’il vient de dire, mais du pouvoir de l’énoncer ; c’est le laisser là où il est, loin derrière soi, afin d’être libre pour un commencement – qui est une pure origine puisqu’il n’a que lui-même et le vide pour principe, mais qui est aussi bien recommencement puisque c’est le langage passé qui, en se creusant lui-même, a libéré ce vide. Pas de réflexion, mais l’oubli ; pas de contradiction, mais la contestation qui efface ; pas de réconciliation, mais le ressassement ; pas l’esprit à la conquête laborieuse de son unité, mais l’érosion indéfinie du dehors, pas de vérité s’illuminant enfin, mais le ruissellement et la détresse d’un langage qui a toujours déjà commencé. 


Si la pensée du dehors se présente comme une résistance, c’est qu’elle résiste aussi bien à l’affirmation créatrice qu’à la négation de type dialectique. En effet, l’expérience du dehors qu’il s’agit de penser n’est pas une traversée du négatif qu’il faudrait, in fine, reconduire à de l’affirmation (comme « résultat », dit Blanchot, d’une « double négation »). Elle n’est pas non plus l’exploration pure et simple du négatif, mais « l’oubli », « le ressassement », « la contestation ». Cette idée de contestation, Foucault l’a sans doute récupérée chez Georges Bataille qui la tenait lui-même de Blanchot : « le principe de contestation est l’un de ceux sur lesquels Maurice Blanchot insiste comme sur un fondement ». Ce principe, il est difficile d’en attendre une explicitation satisfaisante. On le voit, il indique plutôt la manière que le langage a de s’évider, ce que Blanchot a pu appeler le « neutre ». Je propose de comprendre cette contestation comme résistance, d’une part parce que les deux termes sont marqués dans ce contexte par le passage d’un sens concret d’opposition, politique, à un sens plus fondamental qui s’extraie du, ou plutôt efface le dualisme affirmation/négation, action/réaction, intérieur/extérieur (la résistance est ainsi toujours déjà présente). D’autre part, parce que la résistance me semble à la fois mieux s’accommoder de l’intransitivité, tout en réactivant le sens politique. Enfin, elle constitue un troisième terme qui nous permettra de regrouper différentes situations, différentes œuvres, sans les assujettir à une origine circonstanciée.

 

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