''Quantique'' en toile de fond des discours politiques 3 liens : 1) Texte d'Edgar Morin ''Logique et contradiction ''sur le site ''tiersinclus.fr''; 2) site Claireantoine, ''Métamorphoses pour un Homme Nouveau'' ; 3) site Fabula actualité La Bruyère suivi de 3 fragments des ''Caractères'' de La Bruyère
Edgar Morin. Logique et contradiction
L'oeuvre d'Edgar Morin occupe une place fondamentale dans le paysage de la pensée contemporaine. Nous remercions Monsieur E. Morin de nous adresser ce texte pour publication* sur notre site ...
En lisant l'article (en lien) d'Edgar Morin, intitulé "Logique et contradiction", dont le titre m'a happée, j'ai voulu vérifier si je trouvais la raison pour laquelle, les dirigeants politiques actuels semblent vouloir imposer des images d'eux formulant des propos contradictoires, parfois dans la même journée. Il y a trop d'exemples pour que ce soit fortuit. Et puis, il y a aussi le célèbre "en même temps", "et de droite et de gauche" de notre président qui développe, selon ses dires, une pensée complexe ...
L'article est évidemment long, ardu et plein de ramifications qui me font dire que j'aimerais tellement être plus intelligente et plus "cultivée" (dans une prochaine vie, je ferai des sciences et de la philosophie 😉), mais j'y ai trouvé quelques idées "utiles" à mon propos.
Prise de notes et citations
Le surgissement de la contradiction au cœur de la réalité physique : naissance de la physique quantique
Petit rappel
La philosophie a toujours affronté le problème de la contradiction : contre Aristote
- Héraclite, (Ve siècle avant JC) le premier grand philosophe de la Raison, exprimait déjà sa pensée avec, dans et par des termes contradictoires. Par exemple : "Joignez ce qui concorde et ce qui discorde, ce qui est en harmonie et ce qui est désaccord », « Bien et mal sont tout un », « Le chemin du haut et le chemin du bas sont un et le même ».
- Aristote, (IVe siècle avant JC) chasse "officiellement" la contradiction de la pensée rationnelle occidentale. "Socrate est vivant ou mort" et il n'y a pas de cas intermédiaire entre ces deux états de Socrate, on ne peut pas établir la troisième possibilité ( "Le tiers-exclu") que serait une relation simultanée d’exclusion et d’inclusion entre deux termes. Selon lui, une contradiction qui « vient au terme d’une déduction correcte à partir de prémisses consistantes » ne peut être que l’indice d’une erreur de raisonnement.
Cependant, ce courant aristotélicien pour qui la contradiction frappe d’absurdité la pensée où elle apparaît, sera concurrencé par d'autres qui acceptent l'idée de contradiction. Il y a par exemple, le courant mystique, celui qui reconnaît le multiple au siège même de la Vérité, c'est-à-dire en Dieu, ou qui prend acte, comme Blaise Pascal de la contradiction au cœur de la réalité humaine, ou encore Hegel qui voit de la contradiction en tous concepts, à commencer dans celui de l’être : « L’Etre et le Néant sont le même », dit-il.
Mais, au-delà, il y a la physique quantique, contre-intuitive qui va bouleverser la pensée "rationnelle" parce qu'en théorie quantique, une alternative ne sollicite pas nécessairement les réponses oui ou non, il existe d’autres réponses. »
"Au début de ce siècle, la microphysique ( dans le monde de l'infiniment petit) est arrivée de façon rationnelle à une contradiction majeure affectant le fondement même de la réalité empirique et le fondement même de la cohérence logique lorsqu’il est apparu que, selon les conditions expérimentales, la particule se comportait tantôt comme une onde, tantôt comme un corpuscule. Chacun des aspects ouvrant la porte à des données différentes : l'aspect ondulatoire, continu, permettant la prévision d’un certain nombre de phénomènes, et l' aspect corpusculaire, discontinu, rendant compte des échanges d’énergie les plus discrets. La particule n’a donc pas seulement deux types de propriétés complémentaires, elle relève aussi de deux types d’entités qui s'excluent l’une l’autre.
C’est une contradiction forte qui surgit dans la relation onde/ corpuscule; il ne s’agit nullement d’un antagonisme entre deux entités associées, l’onde et le corpuscule, il s’agit d’une contradiction dans une même réalité dont les deux manifestations s’excluent logiquement l’une l’autre.
Niels Bohr accepta par une nécessité logique de lier ensemble onde et corpuscule. En les déclarant complémentaires, il accomplit le premier pas d’une révolution épistémique : l’acceptation, par la rationalité scientifique, de la contradiction, de l'utilisation de deux logiques s'excluant l'une l'autre, du continu et du discontinu, deux facettes d'un même phénomène.
Il fallut trouver un nouveau mot pour cette réalité-là : la particule ni onde, ni corpuscule, devint un « quanton ».
Il existe, dans le monde du vivant, des phénomènes qui obéissent aux mêmes règles.
Le monde macroscopique, aux prises avec la "décohérence quantique"
On peut ensuite extrapoler et dire que l'on rencontre, ailleurs, dans l'aventure de la connaissance cette contradiction entre les termes complémentaires d’onde et de corpuscules, mais que l’on avait esquivée en privilégiant l’un des deux termes opposés comme par exemple, dans les relations binaires : continu /discontinu; espèce/individu; société /individu.
Et c'est ainsi que le monde quantique, limité au microscopique, l'infiniment petit, a des répercussions à grande échelle, dans notre environnement macroscopique. Sont pris en compte des principes comme celui de l'« indétermination » : incertitude structurelle, une limite à la précision de des instruments de mesure ; de superposition quantique; d'intrication : une interaction en un endroit du système a une répercussion immédiate en d'autres endroits, de contrafactualité : des évènements qui auraient pu se produire, influent sur les résultats de l'expérience. On se rend compte que l'observation influe sur le système observé qui se modifie.
Et voilà pourquoi - c'est scientifique - il est non seulement possible, mais souhaitable que par souci pédagogique nos dirigeants nous entraînent dans un univers où règnent les principes de la mécanique quantique. Tout a changé. Il faut que nous le sachions ! C'est pour nous éduquer, pour faire évoluer notre regard, le sortir des ornières aristotéliciennes !!!
Merci à vous, donc, grands éveilleurs, nous sommes bel et bien arrivés sur les rives de la pensée complexe ...qui se rit des contradictions.
Un bémol, toutefois, je ne sais pas si tous les hommes politiques sont allés jusque-là dans leur compréhension, mais Edgar Morin insiste sur le fait que le principe de contradiction n'est acceptable qu'à "la suite d'un raisonnement cohérent", alors, je ne sais plus...
La Bruyère, Les Caractères ou Les Mœurs de ce siècle (éd. A. Adam)
Jean de La Bruyère, Les Caractères ou Les Mœurs de ce siècle Édition d'Antoine Adam Préface de Pascal Quignard Collection Folio classique (n° 693), Gallimard, 2021 * Dans ses Caractères (16...
La Bruyère, Les Caractères (1688)
26 "Quelque profonds que soient les grands de la cour, et quelque art qu’ils aient pour paraître ce qu’ils ne sont pas et pour ne point paraître ce qu’ils sont, ils ne peuvent cacher leur malignité, leur extrême pente à rire aux dépens d’autrui, et à jeter un ridicule souvent où il n’y en peut avoir.(…) "
50 "On ne tarit point sur les Pamphiles(1) : ils sont bas et timides devant les princes et les ministres ; pleins de hauteur et de confiance avec ceux qui n’ont que de la vertu ; muets et embarrassés avec les savants ; vifs, hardis et décisifs avec ceux qui ne savent rien. Ils parlent de guerre à un homme de robe, et de politique à un financier ; ils savent l’histoire avec les femmes ; ils sont poètes avec un docteur, et géomètres avec un poète. De maximes, ils ne s’en chargent pas ; de principes, encore moins : ils vivent à l’aventure, poussés et entraînés par le vent de la faveur et par l’attrait des richesses. Ils n’ont point d’opinion qui soit à eux, qui leur soit propre ; ils en empruntent à mesure qu’ils en ont besoin ; et celui à qui ils ont recours n’est guère un homme sage, ou habile, ou vertueux : c’est un homme à la mode."
1) Pamphile aristocrate orgueilleux est l’allégorie de l’hypocrite. Figure ambivalente et contradictoire.
5I "Nous avons pour les grands et pour les gens en place une jalousie stérile ou une haine impuissante, qui ne nous venge point de leur splendeur et de leur élévation, et qui ne fait qu’ajouter à notre propre misère le poids insupportable du bonheur d’autrui. Que faire contre une maladie de l’âme si invétérée et si contagieuse ? Contentons-nous de peu, et de moins encore s’il est possible ; sachons perdre dans l’occasion : la recette est infaillible, et je consens à l’éprouver. J’évite par là d’apprivoiser un suisse ou de fléchir un commis ; d’être repoussé à une porte par la foule innombrable de clients ou de courtisans dont la maison d’un ministre se dégorge plusieurs fois le jour ; de languir dans sa salle d’audience ; de lui demander en tremblant et en balbutiant une chose juste ; d’essuyer sa gravité, son rire amer et son laconisme. Alors je ne le hais plus, je ne lui porte plus d’envie ; il ne me fait aucune prière, je ne lui en fais pas ; nous sommes égaux, si ce n’est peut-être qu’il n’est pas tranquille, et que je le suis."