à lire: Bernard-Marie KOLTES, Généalogies de Christophe BIDENT ( farrago)

Publié le par Claire

 

                                                   Prise de notes

"...tension poétique et  portée philosophique, contre une  interprétation nihiliste, mélancolique et apocalyptique "  


Les héros de Koltès sont des êtres déchirés. Partagés entre la révolte ou le rejet violent d'une société d'exclusion et de douleur et l'urgence irrépressible d'une démarche individuelle d'émancipation, de libération, de fuite, d'errance.
Mais plus encore déchirés par leur propre incomplétude.
Déchirure physique et mentale: l'homme est seul, toujours et partout mais il ne peut vivre ni se vivre séparé de l'homme. Il ne peut être séparé  de l'autre. L'homme est seul, mais seul inachevé.
Cet inachevé est le fruit d'une double solitude. Solitude originelle, fondamentale, propre à chacun en  sa destinée singulière; et solitude liée à l'"impossibilité" d'appartenir à un ensemble, un groupe social constitué comme tout individu engagé avant tout dans un processus d'émancipation et refusant de  soumettre à l'intérêt collectif.  La marche individuelle d'une possible libération, fût-elle utopique ou insensée.
Car dans le moment même où se nouent fraternité de  lutte ou de croyance, de mission ou de combat s'imposent au nom de règles communes  et de l'efficacité,

des nécessités collectives qui comme autant de bornes mises à l'expression préférentielle de l'individu rognent l'émancipation propre de ce dernier.

Famille ou parti...toute appartenance limite entrave, crée des dépendances, impose règles et soumission de chacun des membres du clan du groupe aux intérêts collectifs de celui-ci.
C'est parce que la liberté est plurielle que l'homme libre est unique.


Tout rapport est marchand et tout lien se paie, même l'espoir en l'autre, l'espoir surtout qui "fait de tout homme qui s'approche de tout homme avec une  demande dans le regard un débiteur déjà"  in Dans la solitude des champs de coton.


"Dans la solitude..." :

Le client au dealer : " Non, vous ne pourrez rien atteindre qui ne le soit déjà, parce qu'un homme  meurt d'abord, puis cherche sa mort et la rencontre finalement par hasard, sur le trajet hasardeux d'une lumière à une autre lumière et il dit donc ce n'était que cela".
D'une mort à l'autre, entre l'aliénation  par la dite fin de l'Histoire et révolution tenace et impossible de l'utopie, entre effets de parole mythique et de collage du réel, cette épreuve du dernier homme esquisse le rapport communautaire sous une forme spectrale. Cf Blanchot : " Je suis persuadé que je l'avais d'abord connu mort, puis mourant."

Dans cette rencontre de spectres, le choix d'une arme n'a plus de sens. L'échange des mots ne se limite pas à gagner du temps avant l'échange des coups. La question finale signifie la nécessité d'une fin abrupte.

L'arme est celle du dialogue comme  rencontre de la mort...Enfin l'indécision demeure sur la possibilité même du choix de l'arme, un choix commun, un choix communautaire, d'une communauté habitée par sa propre interruption, un choix d'utopie et non de duel. le reste est indescriptible: c'est devenu une affaire de spectres.

                                           Qui commence par la vie de Koltès lui-même.

Le sida le spectralise. cf. Zucco : "Je ne veux pas mourir. Je vais mourir."

Publié dans citations. Notes.

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