Paul Valéry, (1871-1945), lecteur (dans sa jeunesse) de Marx, ''porte l'accent sur la dimension productive de l’art.'' 2 liens 1) shs.cairn.info -Pour un article passionnant de William Marx intitulé ''Le poète et le ready-made'' ; 2) youtube.com pour un cours de William Marx : ''Valéry ou la littérature''
Article de revue ''Le poète et le ready-made'' Par William Marx
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Valéry ou la Littérature (3) - William Marx (2022-2023)
Enseignement 2022-2023 : Valéry ou la littérature Cours du 24 janvier 2023 : " La triade de Egger " Professeur : William Marx Chaire Littératures comparées Retrouvez les enregistrements audios ...
Rendre Valéry contemporain
Ante position de la conclusion
La poïétique de Valéry tend à une dénonciation du système de l’art en vigueur. Elle témoigne ainsi, à l’instar de Duchamp, des grands bouleversements esthétiques du xxe siècle, eux-mêmes parallèles à l’évolution des représentations du travail et de la valeur dans la pensée économique.
Prise de notes dans/ et extraits de/ la troisième partie de l'article, intitulée ''Valeur travail et valeur utilité'' (qui vient, dans l'article, après un court développement sur le ready-made et Marcel Duchamp)
Valéry porte l'accent sur la dimension productive de l’art, se positionnant ''contre l'oeuvre'', en ce sens qu'il met en cause (tout comme, mutatis mutandis, Marcel Duchamp en art), l'idée (traditionnelle dans l'art occidental) ''d'Oeuvre'' qui associe trois éléments complémentaires : une réalisation, un travail personnel et un dévoilement public. Valéry s'intéressant au processus de création ''réduit'' la littérature au travail de l’écrivain, qui est une fin en soi et non un prélude à l'oeuvre, sans nécessairement ''d'œuvre'' (celle-ci d'ailleurs, idéalement, ne devrait jamais être achevée) ni de dévoilement.
Ce qu'on appelle ''sa théorie de la genèse'' ne prend tout son sens que croisée avec d’autres courants esthétiques ( comme celui du ready-made) et intellectuels de l’époque.
En bon ''moderniste'', il élargit le champ de son imaginaire aux paradigmes techniques. Ce sera pour lui celui de l'économie (comme d'autres seront marqués par la chimie, la physique, la psychologie, la psychanalyse, le sport...). Son discours critique sur la littérature est inspiré, entre autres, par sa lecture de Karl Marx. Cf. non seulement le lexique : valeur, production, producteur, consommateur, etc.'', mais aussi sa prise en compte de la théorie économique qui plaçait la production à la base de tous les systèmes d’échange. Pour Marx, par exemple, la course effrénée à la production constituait l’une des caractéristiques de l’économie capitaliste.
Pour Valéry, la modernité se marque ''par l’inauguration d’un âge de la production pure, à savoir de la production pour la production, sans considération d’un quelconque débouché : poïêsis sans objet ou genèse sans œuvre.''
Il appelle de ses voeux, tout comme l'historien de l’art Boris Arvatov (1896-1940), théoricien de l'art ''productiviste'', l'a fait en U R S S, la naissance d’un « artiste-ingénieur », destiné à ''produire de la littérature comme on construit une machine''.
Cet économisme caractéristique de la pensée valéryenne de la littérature permet d’expliquer en partie la survalorisation théorique de la genèse.
Tout n'est pas si simple...extraits du texte en lien
...et les références économiques chez Valéry ne vont pas sans quelques tensions internes à son propre système.
Par exemple, '' lorsqu’il parle de la valeur dans le monde intellectuel, il s’agit d’une ''valeur'' éminemment mobile, instable, liée aux attentes du public, directement inspirée de la théorie néoclassique de l’économie, selon une conception subjective de la valeur : la valeur utilité, essentiellement liée à la demande du consommateur. « La Littérature, écrit Valéry, est en proie perpétuelle à une activité toute semblable à celle de la Bourse. Il n’y est question que de valeurs, que l’on introduit, que l’on exalte, que l’on rabaisse […]. »
Et parmi toutes les valeurs, il en est une dont il regrette la volatilité et même la baisse : c’est l’esprit, qu’il voudrait faire échapper au mécanisme du marché...
Et comme l’esprit n’existe qu’en acte, c’est-à-dire en situation de travail, c’est bien la valeur du travail intellectuel que Valéry souhaiterait soustraire à la bourse générale des valeurs pour restaurer ce qu’il faut appeler, avec Marx, la valeur travail.
Valéry est donc écartelé entre une théorie néoclassique de l’économie qui, n’admettant de valeur que liée à l’utilité, décrit au plus près la réalité des échanges et de la vie intellectuelle, et, d’autre part, une théorie plus ancienne, marxiste, celle de la valeur travail, qui détermine la valeur d’un objet en fonction de la quantité de travail nécessaire pour le produire.
En tant qu’artiste, Valéry ne croit qu’à la valeur travail. En tant qu’observateur du monde comme il va, il est bien obligé d’admettre la réalité de la valeur utilité.
Pour sa production personnelle, il trouve pourtant moyen de concilier les deux théories antinomiques en expliquant que ses propres œuvres, nées au terme d’une genèse complexe, c’est-à-dire dotées d’une valeur travail élevée, ne pénètrent sur le marché que par le biais de circonstances accidentelles, indépendantes de sa volonté (la sollicitation d’amis, la pression d’un éditeur, une commande lucrative, etc.).
Autrement dit, si l’on en croit tout le discours légitimant qui accompagne sa production littéraire, Valéry ne ferait entrer son œuvre dans le circuit commercial que sous la contrainte d’événements extérieurs, préservant ainsi la valeur absolue qu’il accorde au travail.
Surtout, cette introduction de l’œuvre sur le marché n’aurait lieu qu’à partir du moment où le marché est assez mûr et la demande assez forte (de la part des amis, des éditeurs, des commanditaires) pour que la valeur utilité de l’œuvre soit au moins égale à sa valeur travail. Valéry définit ainsi un prix plancher, déterminé strictement par la valeur travail, en deçà duquel son œuvre ne saurait entrer sur le marché. Il la soustrait donc en partie aux lois de ce marché.
Ce qui revient à définir la fonction de ''la critique'' qui doit prendre en compte le travail nécessité par l'oeuvre.