- Littérature et politique - ''Défaire voir'' de Sandra Lucbert - 2 Liens : 1) youtube.com discussion avec Nicolas Vieillecazes, l'éditeur; 2) litteralutte approche critique du livre par Ahmed Slama
Lancement de Défaire voir. Littérature et politique, de Sandra Lucbert, en discussion avec Nicolas Vieillecazes, directeur des éditions Amsterdam, à la librairie Le Monte-en-l’air, à Paris.
Sandra Lucbert, Défaire voir. Littérature et politique - Litteralutte
Avec Défaire voir. Littérature et politique Sandra Lucbert propose une approche matérialiste de la littérature. La littérature étant appréhendée comme " arrachement au systèmes d'évidence...
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Ahmed Slama est écrivain (Remembrances, 2017 ; Orance, 2018) et développe une activité de critique offensive, par des textes et des vidéos, qu'il diffuse principalement sur le site litteralutte.com.
Extraits/notes du/sur l'analyse critique de Ahmed Slama
Un manifeste ''matérialiste'' qui se demande « ce que peut être une littérature politique, « arrach[ée] au systèmes d’évidence », loin des conceptions réactionnaires et esthétisantes qui ont encore cours aujourd’hui.
Le « génie créateur », détaché des conditions sociales et matérielles de sa production, coupé du monde social appartient au XIXe siècle époque où il se construit.
L’idée du « poète-prophète » indifférent aux « questions d’argent — corrélat d’une supériorité de l’imaginaire » a fait long feu. Les trajectoires littéraires sont ancrées dans les réalités matérielles et sociales. Qu’il s’agisse des misères ou des succès « tout est à [ancrer dans] ce qui les cause ». Sinon c’est gagner une caution morale, mais tuer toute littérature – en, en réalité, toute politique avec.
Ainsi se trouve mise en lumière la manière dont la littérature et l’art sont devenus instruments du capitalisme, car financés par lui. Par ce biais on comprend mieux la procession d’écrivains et d’écrivaines qui « mettent le capitalisme entre parenthèse ».
(...) Pour autant ces liens entre littérature et capitalisme ne sont appréhendés que de manière superficielle. En effet, Sandra Lucbert n’évoque à aucun moment la question de l’édition. Comment cette dernière a été affectée par le capitalisme et le néo-libéralisme ; au travers de la constitution de grands groupes éditoriaux. Mais est-ce étonnant de la part d’une écrivaine qui publie sa production au sein d’un groupe éditorial ? De la même manière, Sandra Lucbert n’évoque à aucun moment l’influence du capitalisme, dans sa composante néo-libérale sur la production littéraire. (...)
La question n’est pas de savoir si la littérature « pense » ou ne « pense » pas (...) Mais que pense-t-elle ? Avec quels moyens ? Le déni de la pensée où s’enferme la littérature-littéraire conduit inévitablement à penser en douce, sans en avoir l’air – pour maintenir la fiction de penser depuis le naturel de sa pensée à soi, fondue dans son être inspiré.
Elle tente de théoriser et d’illustrer ce que peut être une littérature politique. À cet effet elle n'appréhende la littérature (et l’art) à partir de la notion de « beau », de l’« esthétique » ou de « style ». Elle a partie liée avec la pensée, l’art de la pensée.
Penser, dans et par la littérature, au sens fort.
Et pour penser, s'arracher aux évidences, penser une différence, il faut un travail analytique (...) afin d'être capable de remettre en cause « la langue commune ». (...) Langue « incorporée » dans et par laquelle le monde est saisi, langue de la domination, dépourvue de toute aspérité politique.
Une littérature politique viserait donc à mettre en lumière les impensés de cette « langue commune ».
À lutter, par ce biais, contre « l’hégémonie » imposée par le pouvoir, à en dévoiler les enjeux politiques.
Question Sandra Lucbert n'est-elle pas restée, elle aussi "enfermée dans certaines catégories".
Elle soutient par exemple une distinction entre littérature ( travail sur la langue) et sciences sociales. Or le travail de la pensée ne va pas sans un traitement de la langue.
On peut raisonnablement soutenir qu’il est tout à fait possible de faire littérature avec des procédés proprement philosophiques ou relevant des sciences sociales.
De la longue histoire de la littérature, la philosophie n'a été exclue qu' au XIXe. Epoque où l'on fige la littérature « dans une définition étroitement esthétique, autour de la triade roman-théâtre-poésie. »
Ainsi, Sandra Lucbert, malgré elle et malgré le fait qu’elle fonde sa définition de la littérature sur des critères non esthétiques, perpétue (inconsciemment nous semble-t-il) des catégories nées avec la 3e République.
Selon elle, les sciences sociales et la philosophie « procèdent par dépli, exposition ordonnée, progression linéaire. Le langage est leur honnête outil. Elles y ont un rapport utilitaire. »
"Que le langage soit « l’honnête outil » des sciences sociales, on peut émettre de nombreux doutes à cette hypothèse dans la mesure où elles opèrent elles aussi un traitement de la langue et du langage, qu’à l’instar de la littérature elles procèdent par un « arrachement aux systèmes d’évidence » — pour reprendre la définition que donne Sandra Lucbert de la littérature.
De la même manière que l’autrice porte une critique salutaire à la « narration plane » qui « colle » au cadre hégémonique ; il nous semble tout aussi salutaire d’introduire une critique de certaines productions émanant de sciences sociales qui elles aussi se trouvent régies par les logiques marchandes du système éditorial qui en neutralisent et aseptisent les portées émancipatrices.
L’approche de Sandra Lucbert procède d’un anti-capitalisme tronqué, opérant une critique du néo-libéralisme plus que du capitalisme en tant que tel.
Pour autant, Défaire voir. Littérature et politique par sa manière d’appréhender la création et la critique littéraire dans une perspective matérialiste, tranche radicalement avec les conceptions les plus éculées de la littérature qui ont cours encore aujourd’hui. Et le caractère éminemment réactionnaire du milieu littéraire. De ce point de vue Défaire voir. Littérature et politque est un ouvrage important."