Littérature - poésie et politique - Polémique - Victor Hugo et le racisme : Lien france culture, radiofrance.fr pour le texte de Gérard Noiriel . Copié/collé du texte de Gérard Noriel

Publié le par Claire Antoine

         Copié/collé du texte dit/écrit par Gérard Noiriel

"""En mai 2017, une lycéenne martiniquaise a lancé une pétition accusant Victor Hugo de racisme. En conséquence, elle demandait que les enseignants cessent de le considérer comme un "homme parfait" et qu'il soit banni de nos manuels scolaires. En me souvenant que j'avais été moi-même professeur dans l'enseignement secondaire, j'ai réfléchi à ce que j'aurais pu répondre à cette jeune femme.

           Une part de vérité dans la charge anti-hugolienne de la lycéenne

Je crois que j'aurais commencé par reconnaître une part de vérité dans la charge anti-hugolienne de cette lycéenne. Il est vrai que l'on peut repérer, dans l'œuvre immense de cet écrivain, des propos que l'on peut qualifier aujourd'hui de racistes. On y trouve des passages évoquant la lubricité des esclaves noirs révoltés ou le caractère ridicule de leur accoutrement. En allant plus loin, il serait également possible d'affirmer que Hugo était antisémite, puisqu'il reprend parfois à son compte des stéréotypes sur les Juifs.

Pourtant, comme l'a souligné Jordi Brahamcha-Marin - dans un article dont je donne la référence à la fin de page - l'œuvre de Victor Hugo fourmille aussi de propos et d'analyses que l'on pourrait qualifier d'antiracistes. Il a constamment exprimé en effet son hostilité à l'esclavage, et il a défendu le principe de l’égalité entre les Noirs et les Blancs. En 1881, lorsque les Juifs de Russie fuyant les pogroms demandèrent l'asile en France, Hugo accepta de présider un comité de secours aux victimes.

Comment expliquer, dès lors, qu'un même individu puisse être à la fois "raciste" et "antiraciste" ?

Pour répondre à cette question, il faut commencer par critiquer une erreur de raisonnement. Elle consiste à attribuer une identité à une personne au lieu de s'en prendre à des arguments ou à des actes. Au lieu de dire, cette personne est ou n'est pas raciste, antisémite ou autre, il faut critiquer ses arguments ou ses actions. L'erreur de raisonnement, qui amène à confondre l'identité d'une personne et ses propos, est amplifiée par une confusion entre les "préjugés" à l'égard de telle ou telle communauté, et le racisme.

Pour parler de racisme, au sens fort du terme, il faut que les préjugés soient intégrés dans une idéologie, un système de pensée, ou une doctrine politique. Il est vrai que Victor Hugo partageait certains préjugés propres aux intellectuels européens de son temps. Toutefois, ces préjugés n'étaient pas mis au service d'une doctrine raciste. On peut même soutenir, à l'inverse, que l'œuvre et les engagements de Victor Hugo ont servi les idéaux antiracistes.

C'est en tout cas ce que pensaient les intellectuels antillais de son époque. Voici ce qu'écrivait, par exemple, Exilien Heurtelou, le rédacteur en chef d'un quotidien haïtien, en 1860 : "Vous êtes, monsieur, un noble échantillon de cette humanité noire si longtemps opprimée et méconnue". Si nous pouvons aujourd'hui critiquer les préjugés de Victor Hugo, c'est en partie grâce au combat qu'il a lui-même mené contre les racistes de son temps. Au lieu de la bannir de notre mémoire collective, il est donc préférable d'étudier son œuvre, car elle nous montre que la pensée humaine progresse toujours de façon contradictoire."""

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S
le contexte social, historique, géographique sans doute aussi, le contexte, tellement important en littérature. Sensible aussi puisque c'est lui souvent qui influence la création. Mais tu as raison Claire de mettre en évidence l'humanisme de Hugo et sa prise de position en faveur des plus petits, tellement souvent. Dans son oeuvre et aussi dans sa vie, dans son engagement politique. Et puis, l'élève que je fus, la rebelle que je suis, a toujours été un peu choquée par ce que l'on voulait faire dire à un auteur, s'agissant de son écrit. Il est facile de faire dire n'importe quoi aux mots sortis à leur tour de leur contexte. Combien de propos de personnes politiques ou intellectuelles se voient ainsi repris par des tendances complètement opposées ! Merci Claire pour cette nécessaire mise au point. En ce moment c'est Sylvain Tesson qui fait les gorges chaudes de détracteurs autant extrêmes qu'incultes. Raspail, Céline, Steinbeck, contreversés aussi. Dans ma région Jacques Chardonne. Vaste sujet.
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