Ce qui suit est ce que je garde, et que je comprends peut-être de façon erronée, (plates excuses) de l'article où se mêlent les voix sensibles et passionnantes de Pauline Bernon, Aude Préta de Beaufort et Jean-Claude Renard.
J'ai une affection toute particulière pour Jean-Claude Renard que je suis venue écouter à la médiathèque du Pontiffroy à Metz, le samedi après midi, précédant les écrits du CAPES de lettres. Mes deux garçons sur les genoux, j'étais enceinte de ma fille, je n'ai pas pu prendre de notes, mais en sortant j'ai acheté son dernier recueil que j'ai parcouru au cours du WE. Et le lundi matin, paf ! le sujet de dissertation porte sur la poésie à partir d'une citation de ...Jean-Claude Renard ! A l'oral quelques semaines plus tard...coup de bol incroyable, je tire au sort le poème d'un auteur contemporain (dont j'ai oublié le nom...) que je peux articuler avec la poétique de JC Renard.
Alors, je l'aime, quoi...
Mon "Je" poétique à moi confronte aussi le langage à l'impossible/bilité de la relation parole/objet-réel
et il ne reste que les textes poétiques-fragments, ni architecturalement construits, ni picturalement enformés , auxquels je cherche à trouver (comme l'ont fait jusqu'à l'outrance, les verslibristes) un modèle musical... Ce ne sera pas Bach qui fait jaillir un inépuisable rythme, ni le récitatif de Beethoven, ni la fantaisie en liberté maîtrisée de Chopin, ni même, et c'est peut-être ce vers quoi - pathétiquement - je tends... l'atmosphère vibratoire des éclats/multiples de Claude Boulez, son « temps lisse », en apesanteur, libéré de la mesure,... tout en gardant présente à l'esprit la distinction structurante prose/poésie.
La "poétique des épousailles", dans le temps de la contemplation du concret et de l'amour de l’absent
« Le "Je" poétique responsable incarné, sans se figer, qui prend forme, jusqu'à la folie, dans une énonciation sacrificielle, elle-même adéquate au monde qu’elle fait surgir », c’est la « poétique des noces ».
Une « éthique de réconciliation du spirituel et du charnel », la poésie pour « vivre autrement » en faisant « apparaître le secret des choses », dans une parole d’« accord » et d’« amour».
J-C Renard appartient à la même constellation qu' Yves Bonnefoy, Pierre Oster, Jean Grosjean et Claude Vigée pour qui la conscience de la perte désespérée et abyssale de contact entre mots et choses creusée par les Symbolistes, et les oniriques errances surréalistes sont dépassées.
Les mots disent la matière, la "concrétude", ( l'être ?) redevenue audible, lisible, dicible,* en laissant toutefois percer l'inquiétude. C'est le moment des retrouvailles, (épousailles) en sympathie. Loin du rejet révolté, passif ou désespéré, du monde concret et troublé, perçu, depuis la fin du XIXe déjà mais surtout au XXe avec les désastres qui s'enchaînent, comme une suite de discordances "absurdes" *(cf avant eux Cendrars, Jammes, Péguy, Claudel, Segalen et Ponge des poètes de l'incarnation du dieu ou de l'idée)
Il y aurait donc quelque chose comme une transcendance, avec ou sans Dieu, dont le poète suivrait et trouverait les traces ( les signes ?) d'un sens dans le concret des jours...accroché à une étoile ( filante) ou à son reflet dans une flaque d'eau, insaisissable lieu mystérieux, qui l'interpelle, ne cesse de lui échapper et dont il ne cesse également d'évoquer l'absence/présence par des mots révélant ainsi la puissance/impuissance du langage : Comme le dit Yves Bonnefoy, "un état naissant de la plénitude impossible". Contre l'idéalisme tout en recherchant le sacré, en essayant d'éviter le piège, l'illusion de "la volonté de présence". Par la puissance des mots ( détachés de la chair), sentir la vérité de l'incarnation, du réel de la Beauté : c'est l'image, ce "génie mélancolique" dont il faut connaître les dangers, qui nous font croire, follement, que c'est notre "patrie", alors que " toute image est une particularité qui se crispe, par peur de la finitude". Elle nous nous fait croire à une unité retrouvée, nous illusionne sur une présence qui, par sa "duplicité" se dissout et disparaît en elle. montrent qu’ils sont à la source du nihilisme dans l’ordre de l’esprit et du mutisme dans la création poétique »
"Spirituelle", la poésie de JC Renard ?
Goût du mystère sacré, poésie tendue vers la révélation imminente d’un « Mystère » que le poète cherche à cerner. Reconnaissance, sans confusion ni séparation, d'une absence habitée et non pas d'une présence à jamais perdue.
« Le sacré – qui suscite la crainte et l’effroi, ou qui attire et séduit – marque la distance qui sépare radicalement l’homme d’un domaine sur lequel il n’a aucune prise mais dont dépend étroitement son existence. Elle parle dans l'écart - qui donne le pressentiment de ce qui est - par le signe et le silence, la poésie de Jean-Claude Renard, plutôt humble et « précaire », dans l'espace instable d'une transcendance faible, ou éthique, articulée à l’expérience morale de la violence et de la mort. D’une part, il recherche l’union « sans confusion ni séparation » du Mystère et de l’homme, d’autre part, il la conçoit comme possible seulement sur le mode du retrait. Une « transcendance-immanence », radicale qui se tient dans la dimension de la nuit et du désir mystiques, pour un être, lieu de révélation de « nature langagière », donc porteur (insuffisant de par l'écart signifié/signifiant dû à la différence irréductible entre mot/être ) d’une « autre parole », un au-delà des vocables originels, sensibles, d'avant la parole.
Chez JCR, le poème transforme ce qu’il montre, grâce à l'émotion. Il retrouve des dimensions affective, physique, psychologique, et un pouvoir d’étonnement devant ce qui est.
Les modalités d'un discours de désir et d'union où s'unifient " la rivière et la braise / Sans que rien ne s’altère de l’une ni de l’autre." Le poète ne peut rechercher cette union que parce qu'il a conscience de la « discordance ». Le « langage de la différence » marqué par l’usage de la conjonction « et », à la fois « alternative » et « coïncidence », par les répétitions,les parallélismes ou des oxymores qui associent des éléments pas toujours contradictoires et ainsi varient et se renouvellent, évitant l'enfermement sclérosant.
=> Fragilité de l’entreprise des « noces » qui dans une "étreinte pleine de promesses", comble et assoiffe le désir..
Conciliation complexe, entre radicalité et proximité de la transcendance, afin de reconnaître le Mystère toujours aussi épais et sa fulgurante et éphémère révélation. L’absence est un désir ni frustré ni satisfait, qui reste sur "la ligne de crête". « Qui écrit ne voit plus et quivoit n’écrit plus ».
Dans ces derniers recueils JCR parvient à l'affirmation d’une présence
– par la présence du neutre, plus modeste disqualifiant l'orgueuilleux "Je", de la périphrase, dans l'arbitraire du signe. Des énumérations, le mode impersonnel, le présent de la présence, ici et maintenant, creusée par le silence.
La conscience de la faille radicale du langage, le conduit à la contestation des genres qui deviennent « livres » où prennent place textes, strates, récits et « dits »
Progression vers la révélation, poésie, entrain de se faire, en marche qui prendra pour "être" et "dire" le mystère, la forme du « récit »...