Parcours de lecture... '' L'exhibition des mots et autres idées du théâtre et de la philosophie '' de Denis Guenoun Circé/poche 21 série ''penser le théâtre''
Notes prises en 2010 et reprise en 2014
dans ''L'exhibition des mots et autres idées du théâtre et de la philosophie''
de Denis Guenoun
Le théâtre est convoqué.
Convocation publique. La représentation est une affaire politique.
Quelque chose convoque et le politique et le théâtre.
L'invisible convoqué est celui des mots -et non des idées- de l'ineffable, de l'intériorité du sujet.
Quant aux peintres voici une thèse : la peinture ne procède pas de l'invisible au visible.
Elle commence au visible. Se fonde dans le regard. Y aboutit aussi.
Par un nécessaire retour, une sortie obligée hors de l'espace donné à voir.
Le théâtre ne survient qu'en ce moment exact d'un devenir où l'espace de la cité diffère de l'espace religieux (cultuel). Théâtre au point précis de ce ''devenir-profane''.
Où le théâtre voisine, avec une extrême proximité avec le culte dont il provient, dont il sort (lieu de confusions imaginaires).
Mais il en sort, littéralement : à Athènes où la représentation se déplace à partir du temple (et s'institue dans ce déplacement), comme dans un moment médiéval où le "mystère" se produit sur le parvis, près, mais hors de l'église. L'assemblée doit sortir du culte pour que le théâtre ait lieu.
Il n'y a pas ''théâtre'' dans un lieu occupé, saturé, par le rite, le culte.
Le théâtre vient dans le moment, du mouvement de séparation entre la cité et lui. Souvent dans la nostalgie ( l'idéologie) d'une théâtralité cultuelle, rituelle, mystique.
Rien n'y fait. Le théâtre est lié à l'avènement d'une cité dissociée de l'assemblée, du culte, à la production du profane, du civique, du politique. (1992)
La question : ''peut-on utiliser l'approche de l'art pour aider à la réinsertion de marginaux ou d'exclus ?''
Cette question sous-entend d'un côté : des exclus, une marge ( = pathologie, détresse, impuissance, manque, défaut, lacune) et de l'autre, l'art... et qu'il faudrait rapprocher ces 2 réalités étrangères.
Elle supposerait l'autonomie de l'art qui serait du côté du centre, de la puissance (pouvoir ?), dans le plein.
Or, ce qui se passe dans l'art est une sorte de destitution, de déposition.
À son début, on suppose que l'art chante la gloire du pouvoir, célèbre les dieux et les rois; qu'il contribue à la splendeur des palais et des temples. Mais l'art est du côté du Sphinx, la vérité qui le porte, c'est l'homme.
Le mystère est sans mystère. La clé est disponible devant tous.
L'art devant les rois reprend un peu ce secret.
Quand il vante la puissance des dieux, il trompe sur la marchandise en les deshabillant de cette vérité qui les soutient. (ex.: la statuaire grecque : Apollon : corps d'homme, splendeur nue d'un homme.)
Dans l'activité de l'art, il y a quelque chose comme une déposition du pouvoir, de l'autorité.
L'art serait à la gloire de l'homme ?
Non plus. Avec l'art moderne, le mouvement de déposition se poursuit. L'art nous fait regarder les défauts de l'homme plutôt que son idéal.
Son manque, sa défection, ce qui trompe l'attente d' une homme normatif, idéal : l'idée de l'homme normal.
Cette déposition, l'art moderne l'effectue par souci de ces ''moins d'homme'', devant la norme : enfants, femmes, fous, malades, proscrits,
ceux qui ont la faille du langage, dont la perception n'est pas assurée dans sa justesse, de son identité, de sa force : Rimbaud, Artaud, Joyce, Van Gogh etc.
Comme si ce qu'on essayait de toucher, par l'art c'était cette destitution de l'humain idéal.
L'homme aussi doit tomber de son trône.
Mais quelque chose peut encore se cacher derrière tout ça...
Risque...: une autre intronisation secrète, le prétexte,
l'Art, lui-même
institué comme puissance.
La réponse est : ''Non''.
L'art, comme puissance, autorité, se destitue lui-même.
Quelque chose comme une mise en crise de l'Art lui-même, le geste d'une sortie cherchée par l'art, vers un dehors de l'art, une façon de se deshabiter, de se déserter sans cesse : un ''Des-art''
L'art depuis qu'il y a des modernes est un débat déchiré avec le laid.
Preuve : la haine de certains régimes autoritaires avec l'art dit moderne....qui est loin d'être inoffensif, il est impossible de structurer, (avec cet art-là), le monde dans une certaine idée du beau, celui que l'art moderne disqualifie.
Attention !
La re-sacralisation de l'art peut se produire dans le capitalisme, l'art comme marchandise
Dans cette hypothèse, ce que l'art demande donc, c'est le point de dépossession, d'humiliation, de souffrance. Point de vérité.
Rapport vérité/joie ?
Mais dans cette opposition, dans ce face à face pouvoir/misère, souffrance /pénurie : il y a de la vérité au lieu du défaut.
Il advient de la vérité dans les défauts du savoir. cf Lacan, Walter Benjamin : la connaissance est 1 sorte d'avoir et la vérité passe par les manques de cette possession.
Donc, la vérité à saisir de notre monde serait dans ce lieu -là où ça manque, pâtit, au lieu des dépossessions.
Il ne s'agit pas d'apporter l'art aux exclus comme 1 supplément de plénitude : parce que là où ils se trouvent est le foyer d'1 art possible pour notre monde.
Il ne s'agit pas d'exclure les "autres", de retourner l'exclusion, de parler là pour interdire aux autres de parler. NON.
L'art parle toujours pour tous.
Mais tout art qui se fait dans l'ignorance de ce point d'exclusion, de dépossession qui vaut comme vérité, est futile ou même instrument de restauration. de l'homme-roi, homme-dieu...duquel on voudra exclure(exiler, exterminer) ce qui n'est pas conforme...
Ce qui reviendrait à faire de l'art un instrument d'exclusion, au lieu de réduire celle qui indigne.