"Instants poétiques" sur Jérico Caroline ANTOINE
Caroline Antoine
est une jeune messine qui a entrepris un parcours artistique de paysagiste.
En autoédition elle a publié trois recueils de poèmes qu'elle fabrique et illustre.
Elle participe également à des ouvrages collectifs et a déjà obtenu quelques prix.
" Ce qu'il y a de plus grave peut se parler en langage de fleurs" dit-elle,
" ce qu'il y a de nos coeurs peut se décomposer en de sombres pétales et dire les voyages de 2000 ciels qui se lèvent en même temps."
" Nos vertes prières" est un livret dédié à son grand-père.
Il recueille les ombres, joue avec les distances, écorche un peu les doigts.
Il évoque un disparu tout en l'entourant insatiablement de vivant.
Clin d'oeil mouillé qui irrigue la terre, dans un registre à la fois épique et lyrique, de sa fenêtre aux étoiles des nuages s'enchaînent pour qu'enfin la voix poétique trouve le sommeil.
www.caroline-antoine.com
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Textes lus
* Réapparition ( un poème qui résonne comme une décision )
Nous ne rentrerons pas à la maison.
Il y aura des pas avant nous dans la neige.
Nous saurons les suivre et les effacer.
Trouver la clef sous les pierres.
Il y aura des voix au loin pour nous chercher.
Ne te retourne pas petite sœur.
Ne te retourne pas.
On va faire le voyage de nos vies.
Nous rentrerons quand nous voudrons.
Jusqu’à ce que nous ayons oublié. La descente en enfer. Les couloirs. La porte blanche. Le regard qui se perd.
La lampe. Le poster d’un Dieu égyptien. Et le couvercle de la fin. Et puis le mort qu’on a aimé. Ne te
retourne pas. Oublie les images. Oublie les voix. De toute façon nous ne rentrerons plus à la maison. Ils
nous oublieront tous aussi. On effacera les derniers pas pour ne pas être suivies.
La vie nous guette et nous épie. La gagnera-t-on au combat ?
A la chaleur de nos embrassades ?
Il y a des semaines et des mois que nous disparaissons. Peut-être des années.
Nous ne rentrerons pas à la maison.
Il n’y a plus de place. Je n’ai pas su oublié l’enfer et tu m’enserres le bras car toi non plus.
Petite sœur. Ne te retourne pas .
Si tu me quittes aussi je me perds. A deux on trouve tous les chemins.
Le mort a-t-il perdu la guerre ?
Non.
Il nous surveille envers le ciel. Il nous guérit.
Le mort a-t-il perdu la guerre ?
* Promenade
On marchera jusqu’au matin. On s’arrêtera on s’endormira sur le sable de la mer sans fin aux éclats blanc sur le sol noir. On marchera jusqu’au matin. On s’emplira de cet air, on fondra, on frôlera les satellites, on flottera sous les éclipses. On se rangera sur la grève, on marchera jusqu’aux enfers pour chauffer à son feu. On descendra plus bas. On forcera les portes, on tombera les vestes, on plongera dans la belle ivresse. On réapparaîtra, on reverra les cieux. On déformera nos ombres. Sur les champs de fleurs orange-bleu on mangera des pommes et des pommes en écrasant le serpent. Je nous promets un rêve.
* Herbe tendre
La plante a accédé au bout du bout.
Dégagée d’après le bord. Discrète mais précise, insidieuse, croqueuse de sol.
La plante s’est faite animal, a sabordé sa colonne est rentrée dans la couronne des arbres.
Au bout du bout, dans une sorte de boudoir à moitié mort, elle a construit ses cathédrales. A la lisière du fronton elle a demandé pardon aux grandes étoiles. Elle a dardé le toit des salles, a plié sous la pluie de mille Bazar, s’est endormie. Mais elle n’a rien lâché.
Au bout du bout de la friche dans une radieuse nuit légèrement surélevée et levée et cernée par les yeux.
Bois vieillissant, arbres tendres, robinier sombre et sale de nuit. Entretenu à la lisière par les bords des incultivés et analphabètes.
Sourd et muet de fleurs, soupé dans la parole. Préparé à se barrer et à barrer les routes sur son passage.
Sur place, le programme de la plante se dessine. Elle se forme en verger, se désagrège,
s’habille de culture rare, de rotation en fleur, de danse grave.
Elle pousse gravement et en silence.
*