Pédagogie - Former les élèves à l'esprit critique -3 liens : 1) Clemi.fr ''décrypter la rhétorique complotiste'' - 2) Podcast france culture : l'excellente émission de vulgarisation : ''Votre cerveau'' avec le neuroscientifique Albert Moukheiber; 3) wikipedia.org article sur la paréidolie

Publié le par Claire Antoine

« La pensée du complot s’empare à nouveau des esprits faibles », annonçait Alain Finkielkraut, dans Le Figaro, en septembre 2003.

Quelques années plus tard, en décembre 2020, en pleine période Covid 19, dans Le Monde, un journaliste écrit que ''Les personnes les plus exposées aux croyances complotistes sont les ''paranoïaques"'' et d’ajouter : ''mais le fait qu’un nombre assez conséquent de citoyens adhère « à tout ça » veut dire que ces croyances qui troublent ne sont peut-être pas lié·e·s à ce trouble mental''...

                 L’Ecole a décidé de s’y mettre !

Les instructions officielles, comme toujours, offrent des pistes...

Voici un extrait de la fiche pédagogique ( cf. lien CLEMI.fr) destinée aux professeurs dits de français, dont je fus. J’ai mis en rouge questions et éclaircissements.

                   Histoire de « stabiliser ma perception du réel » (lien 2)

Il s’agit d’aider les élèves à ne pas se méprendre et à détecter les indices qui permettent de reconnaître un énoncé à tendance complotiste, dans lequel se cache la marque d’une théorie du complot.

Voici une liste des procédés argumentatifs les plus fréquemment utilisés (ce sont en gros ceux qui étayent une « démonstration ») :

–1. Une base reposant sur des faits authentiques (partant de la réalité quelle réalité ? Comment la reconnaît-on ? en s’appuyant sur de vrais documents de presse ? Comment choisir ? Lesquels choisir ? Comment je sais qu’ils sont vrais ?

– 2. Un mille-feuille argumentatif 

(procédé d’accumulation rapide d’arguments destiné à intimider le lecteur / interlocuteur en le noyant dans une série d’arguments illustrant/prouvant - puisqu’ils deviennent ici des pseudo preuves - une seule et même idée ( fausse, bien évidemment. Comment le sait-on ? La plupart du temps on ne propose pas aux élèves de textes aussi caricaturaux que ceux s’appuyant sur l’idée - il paraît qu’il y en a ...- que la terre est plate.). Ces arguments sont aussi empruntés à des champs diversifiés de la connaissance (philosophie, histoire, sciences, médecine...) afin d’étourdir le lecteur et ce faisant, remplaçant la qualité du raisonnement par la quantité des « preuves ».

–3. L’évocation de l’absence de hasard, comme explication possible d’un événement. ( Hasard et nécessité Toutefois, j’ai lu que des chercheurs de l’université de Fribourg avaient conclu qu’il n’y avait pas de lien particulier entre hasard et complot. Ce n’est pas parce qu’ils évoquent une théorie pour expliquer des faits et qu’ils disent souvent que « Rien n’arrive par hasard » qu’on peut corréler les deux.)

d’où des corrélations présentées comme des causalités, Une corrélation est parfois utilisée pour « prouver»ses propres croyances. or même si corrélation et causalité sont étroitement liées mais il n’y a pas de lien de causalité sous-jacent.

– 4. Des formes visuelles (paréidolie – le fait de distinguer une forme identifiable et familière parmi des formes aléatoires, comme de distinguer son chien dans un nuage. Merci au test de Rorschach !), des chiffres ( qu’en général on relie à la science, comme 666 et sa diablerie ! ) ou des mots décelés par des calculs, des superpositions, des arrêts sur image ;

– 5. Une seule interprétation fournie, celle qui conforte la thèse principale ; ; (une seule thèse à défendre donc bien une démonstration plutôt qu’une argumentation ; attention donc peut-être à ceux qui se contentent de démontrer, quand il s’agit de problèmes « politiques » et si tout est politique... On a du pain sur la planche !)

–6. Une suite logique entre des événements difficiles à comprendre ; Or, ton cerveau veut (cf le lien du podcast france culture ») stabiliser sa perception du réel », « remplir les vides », c’est ce que fait « tout un chacun » ou « MonsieuretMadameToutleMonde », ce qu’on fait tous.

– 7. Une promesse de contre-vérité ou le démenti de la version officielle ( gouvernementale ? Or à chaque nouveau ministre de l’Education une nouvelle version) de l’explication des faits ; Là c’est bon, c’est très facile. Tous les médias d’opposition utilisent ces promesses. On pourrait même en conclure, en les réunissant que c’est la version officielle, c’est le génial « effet- miroir » #cestceluiquiditquilest

– 8. Une vérité détenue par l’auteur, de façon quasi exclusive ; (bien faire comprendre aux élèves qu’il n’y a qu’une vérité, « la version officielle » à ne pas confondre avec celle du tiret 5. où ce qui caractérise l’argument complotiste s’énonce ainsi : « une seule interprétation fournie, celle qui conforte la thèse principale » ??)

– 9. Des arguments invérifiables ;  par/pour qui ? Oups ! Les élèves vérifient-ils ce que leurs professeurs leur disent ? 

– 10. Des coupables récurrents, difficiles à interroger (élites, groupes obscurs et/ou êtres appartenant au champ de la croyance) ; On met donc sur le même plan « les élites » ( quoi les agrégés ? Les certifiés certainement pas- Je vous laisse deviner à quelle catégorie j’appartiens) Ah ! oui, ceux qui sortent de l’ENA, de Normale Sup, de Sciences po, d’HEC, de Polytechnique, des (meilleures) Ecoles de commerce, il y en a tellement des publiques, des privées... (On met donc sur le même plan « les élites » et les curés, les immams, les rabbins, les pasteurs, ceux qui « êtres obscurs » appartiennent au champ de « la croyance ». Donc on échange une croyance contre une autre ... ?

–11. L’idée des citoyens bernés, des « moutons ». Les élèves étant traités depuis la maternelle, (depuis donc l’âge de 2 ans) comme des êtres sociaux (avec pour horizon la citoyenneté) qui se ressemblent tous (les enfants, les jeunes, les gamins) et qui obéissent (et apprennent à obéir) sans qu’il soit nécessaire de leur demander leur consentement, puisqu’ils ne sont pas en capacité d’imaginer pouvoir, un jour, en réclamer le droit. Pour eux, (toujours, en général non-citoyens, jusqu’à 18 ans) comment interpréter cette notion ? D’autant qu’ils sont sous la houlette de « gardiens de moutons » guidés/gérés/managés/surveillés eux-mêmes par des gardiens en chef du Temple que sont, souvent, les inspecteurs académiques ou généraux ?

Procédés rhétoriques récurrents :

– un usage de champs lexicaux de la vérité, de la sécurité ; (il faut éclaircir les deux notions « valeurs'' parce que le lien entre vérité et sécurité même si il peut se comprendre, à un certain niveau (hors « politique politicienne » ne peut pas toucher des élèves pour qui « sécurité » renvoie à « police, gendarmerie et même pompiers »)

– un discours manichéen, sans nuances ; (Ce qui exige un grand mea culpa de tous ceux qui s’expriment ) chargé d’émotion (violence, haine, colère) sans oublier ( l’amour, la compassion, l’empathie...);

– une part d’implicite (des causes et/ou des accusations que le public doit deviner); et comme dit plus haut il ne faut pas nier l’implicite des professeurs

– un locuteur impliqué dans son propos (subjectivité) ; Waouh ! Toute la littérature du moi ... Romantiques et littérature engagée

– un spectateur interpellé (utilisation de la 2ème personne), parfois exhorté à répandre le message ; plus d’Agrippa d’Aubigné dans la liste de textes au bac

– des expressions types, parfois stéréotypées (Non ! Là je n’y crois pas ! Qui échappe aux stéréotypes ? Les poètes, peut-être, les romanciers, parfois, )

Ouf ! Heureusement que la séquence argumentation n’est pas infinie .... 4/5 semaines à tout casser 😀

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article