''L'écologie linguistique'' à partir d'un super article de Léo Léonard Jean sur Cairn, suivi d'une petite prise de notes sur la complexité et ...ses conséquences ''maladaptées'' d'hier
http://Léo Léonard Jean, « Écologie (socio)linguistique : évolution, élaboration et variation », Langage et société, 2017/2-3 (N° 160-161), p. 267-282. DOI : 10.3917/ls.160.0267. URL : https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2017-2-page-267.htm
Z, "tout est vivant"
Préambule un peu général
Le paradigme (càd un modèle cohérent mais transformable pour concevoir le monde, qui repose sur un courant de pensée bénéficiant d'un consensus temporaire) "d'écologie" semble être devenu "la" manière de voir et dire le monde aujourd'hui. Il renvoie à la "complexité" ( opposée à "dualité" et même à "dialectique" ) et permet de revisiter toutes les sphères du savoir. (Ouf ! il y a du boulot. Tout relire, réécrire, repenser, recommuniquer. De quoi occuper le temps de nombreuses générations ou alors d'élites transhumanisées qui vivront très très très longtemps après la date de péremption en vogue dans "le vieux monde". ) On peut imaginer ça comme une sorte de révolution *1, après "la française", "les bourgeoises", "les prolétaires", les industrielles, la numérique etc. etc. (en fait, je ne sais pas si le mot de révolution convient bien), plutôt comme le résultat soudain d'un processus obscur, souterrain, labyrinthique, d'un "dépliement" à la Deleuze, d'"une germination".... Bref, je parle de l'écologie "fondamentale" ( par opposition à l'écologie dite "superficielle" - amusant cet adjectif souvent dépréciatif - "humaniste", dans le sens d'anthropocentrée*) qui revendique "un saut civilisationnel" permettant d'appréhender, dans une vision globalisante, toutes les valeurs qui sont à l'œuvre dans les sociétés (justice, égalité, liberté, solidarité etc. ). En fait, l'expression de "Révolution" existe dans le nom du parti écologiste antispéciste *2 "La REV", Révolution Ecologique pour le Vivant *3, ("parce que le vivant crève") qui défend les droits à la vie de.../ prend la parole au nom de tous les animaux humains et non-humains et au nom de "la nature" ( encore un mot à "déplier") en tant qu' éco-système.
Ecologie et linguistique
Parler d'écologie concernant les langues permet, entre autres, d'éviter l'opposition réifiante entre langues et dialectes, à caractère anthropomorphique, entre les langues vivantes, dominantes, et les autres dominées ou mortes qu'il faudrait peut-être sauver à tout prix, puisqu'on ne peut pas prétendre le faire sans restaurer les contextes dans lesquels on les parle et où elles évoluent. Il ne s'agit pas d’entités distinctes, sans relation, alors, si ce contexte n'existe plus... L'écologie, quand elle va chercher ses sources ( entre autres) dans la biologie évolutionniste et ses méthodes, permet aussi de montrer le double mouvement d’homogénéisation et d’hétérogénéisation ( je rapproche/j'éloigne) à l’œuvre dans tout processus de communication ( parce qu'il s'agit bien de communiquer et de (con)vaincre). Les langues sont le résultat d'une histoire en devenir.
Vu comme ça, il est presque "normal " que l'écologie s'adapte aux différents savoirs. Le mot (souvent, son apocope "éco") fonctionne comme un préfixe. Divers adjectifs (ou termes fonctionnants comme..;) lui sont accolés. Est ainsi né, dans les années 1970, déjà, le paradigme métaphorique d'"écologie linguistique". C'est le linguiste Einar Haugen qui a adapté à la linguistique l'approche des écologistes. Pour lui, les langues, sont à considérer comme des espèces, en équilibre dans leur environnement dont les existences sont interdépendantes. Les éco-linguistes observent les relations que les langues entretiennent entre elles et ceux qui les parlent, ainsi qu' avec la géographie des lieux où elles sont parlées. Le concept a été "officialisé" en France par Louis-Jean Calvet ( entre autres) dans les années 1990. Il y a donc dans la vie d'une langue, - puisque les langues ont aussi une life - à prendre en compte des éléments de tous ordres, dont aussi le psychologique.
Ainsi l'approche des langues est-elle ( devenue) "complexionniste". En effet, selon Mark Garner (2005), l'écologie linguistique est holistique ( càd surtout que sa vision est multi-niveaux), dynamique ( en évolution continue et intriquée), interactive (elles vivent de relations mutuelles, mais aussi d'échanges entre leurs composantes et les contraintes structurales), et située ( dans du local, du régional et du global).
*1 La physique, avec le modèle du Big Bang, apprend que l'idée d'un centre de l'univers est in-sensée : il n'y a pas de centre absolu. Pour penser, on fait le choix arbitraire du "centre" le plus pertinent.
*2 La critique antispéciste correspond au « post - humanisme » représenté déjà par Lévi-Strauss, en 1973, qui cite Rousseau dans Anthropologie structurale Deux : « […] la pensée de Rousseau peut nous aider (...) n'est-ce-pas le mythe de la dignité exclusive de la nature humaine qui a fait essuyer à la nature elle-même une première mutilation, dont devrait inévitablement s'ensuivre d'autres mutilations ? On a commencé par couper l'homme de la nature, et par le constituer en règne souverain ; on a cru ainsi effacer son caractère le plus irrécusable, à savoir qu'il est d'abord un être vivant. Et en restant aveugle à cette propriété commune, on a donné champ libre à tous les abus. (...) au terme des quatre derniers siècles de son histoire l'homme occidental (...) en s'arrogeant le droit de séparer radicalement l'humanité de l'animalité, en accordant à l'une tout ce qu'il refusait à l'autre, ouvrait un cercle maudit, et que la même frontière, constamment reculée, servirait à écarter des hommes d'autres hommes, et à revendiquer au profit de minorités toujours plus restreintes le privilège d'un humanisme corrompu aussitôt né pour avoir emprunté à l'amour-propre son principe et sa notion. »
*3 Vivant : ce mot, aujourd'hui, j'ai l'impression de l'entendre partout ce qui laisse "entendre" qu'il y a des phénomènes d'écho.
Pour ma part la première fois que j'ai entendu parler de complexité c'est dans les années 80/85, je crois, au moment où Edgard Morin passait sur France Culture, peut-être le dimanche ou le matin au moment du petit déjeuner. C'est sûr, ça m'a paru génial et j'ai acheté 1 ou 2 livres de lui, mais sans plus. Dans ces années-là ( je vois ça comme ça ce matin ) l'Education Nationale a fait entrer ce concept dans les instructions officielles, notamment en Lettres ( qui -en particulier les classiques - se sont un temps appelées "les humanités"). Les méthodes d'approche des textes et de la matière qu'on appelle le "Français" ont été totalement transformées, du jour au lendemain, formatées en direction des gens "du terrain", des laborieux qui n'ont plus eu, dans les faits, ni le droit, ni le temps de "penser" tout seuls à leurs cours. Nous avions sur Nancy-Metz une IPR très, comment dire, radicale, qui après une séance de démonstration, confuse, à l'aide d'un rétroprojecteur, ( l'outil de l'époque) "dysfonctionnant" a exigé que les profs, désormais, abandonnent leurs vieilles méthodes, pour que, ce que je ne comprenais pas encore, l'esprit des élèves s'adapte fissa aux nouvelles lunettes avec lesquelles ils allaient avoir à considérer le "monde" et à s'y adapter. Après le CAPES, dont j'ai compris subliminalement 😐qu'il n'était qu'une autorisation à me remettre en question ( j'enseignais depuis 8 ans déjà), j'ai suivi une formation supplémentaire d'un an ( les mercredis après midi) de "didactique du français", [temps pris sur la préparation de mes cours, la correction de copies - qui était devenue un vrai pensum - et l'éducation de mes trois enfants qui avaient aussi leurs "devoirs" ].Cela dit, il en a été de même pour toutes les autres matières, mathématiques, biologie, physique-chimie, philosophie, histoire-géo etc., bien que je ne sache pas exactement quand le changement a eu lieu. Vu de cette façon, on pourrait dire que l'Ecole a été " dans "ces Temps-là" (autour de 1985), réinitialisée.