Petite réflexion sur ''La littérature'' scientifique et la modélisation de la société avec en lien ''Les miroirs d'Hippocrate''
Les miroirs d'Hippocrate. Médecine et altérité de l'Antiquité à nos jours
" Là où les vicissitudes des saisons sont très fréquentes et très marquées, là vous trouverez les formes extérieures, les mœurs et le naturel fort dissemblables ; ces vicissitudes sont don...
L'article en lien rappelle que les textes produits par les sciences médicales peuvent être utilisés pour interroger et éclairer la question du rapport à "l’Autre" dans les sociétés et sa déclinaison dans la vie, ( la politique) de tous les jours.
C'est intéressant par ces temps de covid où les médecins sont à l'honneur et où il est souvent question de "littérature", c'est-à-dire, d'articles publiés, ou pas encore, dans des revues, plus ou moins prestigieuses, semble-t-il, et devant lesquelles Les Experts qui président à notre survie s'inclineraient plus ou moins, selon des critères, toujours indubitables qui leur appartiendraient. Avant toute décision gouvernementale, on attend la vérité (du concret, du réel, du tangible, du vrai... ) de ces écrits avant de tester, sélectionner, vacciner, tracer, traquer, (re/dé)confiner, mettre en quarantaine, "amender", punir ... la population.
Le discours médical n'est pas neutre, il interagit avec la société et fabrique de la normalité dans la construction de l'altérité, de cet "Autre", que je regarde de loin, mais auquel je cherche à ressembler (auquel je ressemble) ou dont je veux me démarquer .
La médecine contribue à construire ou à consolider les jugements de valeur sur des groupes humains, par sa façon d’interpréter les différences entre eux.
Selon les époques, les discours sur le genre, la difformité, la sexualité etc., autrement dit sur "l'altérité", varient. Les pratiques de santé sont influencées par des représentations mentales, intellectuelles de ce qui est considéré comme "minoritaire" (?) "différent", "anormal" physiquement ou mentalement.
Selon les époques, les lieux (« Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà »," comme aurait dit Blaise Pascal), on pourra s'appuyer sur "la Médecine" et ses experts pour déclarer que quelqu'un est "obèse", "stressé", "dyslexique", "vieux", "hyperactif", "fou", "associal", "jeunekifaitrienkafairelafêtesans respecterlesgestesbarrières", qu'il ne "mérite pas de prendre l'avion, de conserver/envisager un travail, de bénéficier de tel ou tel traitement, d'avoir des enfants...ou même de revoir sa famille ou ses amis. Mais aussi qu'il est "noir"/"blanc"/"jaune"/"riche"/"pauvre"/"homme"/"femme"...
Bref, si l'on est désigné comme "différent", "mal cadré", "mal venu", "mal né", ou que l'on choisit toujours "autre" dans les items, c'est (aussi/surtout) grâce à une vision de l'être humain, de son corps et de son esprit, contenue dans les productions écrites des sciences médicales qui s'appuient sur de parcellaires expériences concrètes. Modélisées, devenues prescriptions, elles vont influencer les représentations sociales qui s'infléchiront, se transformeront petit à petit, afin de correspondre aux valeurs sous-tendues par le modèle et ainsi elles permettront à "La Société" de "corriger les corps et les esprits".
De plus, la littérature (ici, je parle de la "littérature littéraire") /le cinéma réalistes, par exemple, vont s'appuyer sur ces représentations pour pouvoir décrire ce quelqu'un qui les obsède et justifier ses actes. Les caractéristiques physiques et morales mises en évidence par la fiction vont déterminer les capacités des personnages à faire "le bien" ou "le mal", à perturber l'ordre social ou à participer à son développement. Ce qui va conforter "les vérités" venues du médical.
Les règles du sport, la médecine et les normes de genre
Il y a un exemple, donné sur la page en lien, qui montre comment la médecine a un rôle prépondérant pour orienter et arbitrer les débats publics au sujet de la différence. C'est celui des athlètes "hyperandrogènes".
Dans la pratique sportive de haut niveau une femme peut-être dite "hyperandrogène", ce qui signifie qu'elle présente un taux d'androgènes (les hormones sexuelles mâles, et notamment la testostérone) élevé et donc avoir une apparence qui est considérée, montrée, décrite, comme "masculine".
L’organisation non gouvernementale internationale (ONGI) qui défend Les droits de l'homme et veille au respect de La Déclaration universelle, a, en 2019, interviewé des athlètes, dites "hyperandrogènes". Celles-ci, qui ne se conforment pas "aux critères de féminité" ont été forcées, pour participer à certaines compétitions, à subir des interventions médicales destinées à réduire leur taux de testostérone : elles ont donc dû, comme on peut le formuler : "choisir entre leur carrière et leurs droits fondamentaux".
Le lien entre les critères tirés des publications médicales - en ce qu'elles définissent la "féminité et la masculinité" - et les pratiques sociales sportives normatives est ici particulièrement mis en lumière.
De la science médicale aux normes sociales (en particulier sportives) qui régissent les moqueries, les rejets, les exclusions, les souffrances...