"En quittant la plage " ... sur l'air de " En sortant de l'école" de Jacques Prévert
En quittant la plage
j'ai fait la connaissance
d'une longue route
qui m'a accompagnée
loin très loin de la côte,
sur ma moto toute rouge
Loin très loin de la côte
j'ai fait la connaissance
d'une ville qui se prélassait
au soleil avec tout autour d'elle
ses maisons aux murs ocres,
et puis ses belles sirènes,
ses places et ses jardins
Au-dessus de la ville,
j'ai fait la connaissance
des toits en tuiles
des toits d'ardoise,
des grues droites et pimpantes,
des satellites qui brillent,
immobiles, dans la nuit,
rêvant d'un grand départ
pour la lune ou pour mars
et la fée des lilas
de sa folle baguette
aimantant mon regard
de bois de chêne
au-dessous des trottoirs
vers des trésors cachés.
Revenue sur la côte,
j'ai fait la connaissance
sur la route en bitume
d'un cargo qui voguait
loin très loin de la côte,
voguait loin très loin
de la ville, voguait devant
l'ouragan déprimé
qui voulait le noyer.
Alors moi, sur ma moto,
j'ai commencé à pétarader
à pétarader à vrombir,
derrière l'ouragan
et je l'ai englouti,
d'un coup et le cargo
s'est arrêté et le ciel bleu
et le soleil m'ont souri.
C'étaient eux les gendarmes
et ils m'ont dit merci
et les coquillages scintillants
et le sable poudré et les galets
ronds et luisants et les oyats
ont accouru vite vite
arrêtant ma moto
sur la longue route
qui n'en finissait pas
de rêver de redevenir
champ de blé, avec des coquelicots
partout et des bleuets
Alors, je suis repartie
à reculons, à reculons,
tout près tout près de la côte,
tout près tout près de la ville,
des toits, des grues
et des satellites immobiles.
A reculons, à cloche-pied marin,
pied de grue, au mur, dans le tapis, de nez...