Souvenir - Tristesse : Décès, en juillet 2017, d'Anne Dufourmantelle - Extrait d'une réponse de la psychanalyste à la question '' Que peut-on attendre d'une psychanalyse ? '' et 2 liens : 1) lemonde.fr, pour l'illustration et l'article d' Elisabeth Roudinesco; 2) extrait de psychaanalyse.com ''Accueillir l’inespéré''

Publié le par Claire (C.A.-L.)

                       À la question posée au colloque  de la Convergentia du 19 décembre 2009 :  

                                                Que peut-on attendre d'une psychanalyse ? 

                                     Voici un extrait de la réponse d'Anne Dufourmantelle 

                                                     Cf. un pdf   psychaanalyse.com          

                                                               "Accueillir l’inespéré" 

                                                    1. Que peut-on attendre d’une psychanalyse ?

la première chose qui me vient à l’esprit, en tant qu’analyste, est : la possibilité d’accueillir l’inespéré. Ce qui, précisément, fait horreur à la névrose.

Si souvent nous voyons des schèmes se répéter, faisant cercle autour d’un sujet incapable de se représenter d’où lui viennent ces figures s’imposant sans cesse à lui, ni ce qui pourrait l’en libérer. Lorsque ces personnes arrivent en consultation, ils peuvent rarement dire ce qu’il attendent d’une analyse, eux qui ne savent même plus ce qu’ils peuvent espérer de la vie tout court.

Comme dans un mauvais rêve, ils se retrouvent enfermés dans des répétitions dont ils n’ont pas la clé. Par exemple, aussi loin qu’ils aillent, ils n’échapperont pas à leur peur d’être abandonnés : qu’ils changent de ville, de nom, d’amour ou de métier.

Perdus dans la lande inconnue de leur désir, ils viennent à nous, thérapeutes, sans savoir ce qui pèse d’un poids si lourd sur leur eux.

Ils sont anesthésiés, pris dans le murmure de voix ignorées et de mémoires ensevelies.

Et, leur souffrance se répète, comme s’il ne pouvait jamais en être autrement. Et nous leur faisons face, ou bien nous les écoutons depuis le divan où ils sont allongés, parfois pendant des années, sans savoir ce qui les sortira de là, dans la crainte que cela puisse durer toujours.

Si rien ne se passe. Pour de vrai.

Quelque chose d’aussi fort qu’une crise. Un mouvement sans retour en arrière possible.

Le but n’est pas de réinstaller de l’espérance, peut-être même pas de les guérir du bord de ce silence fragile que protège l’analyse, mais de disparaître soi-même comme médecin pour qu’ils puissent devenir leur propre médecin, qu’ils puissent commencer à entendre leur propre mots, avec stupeur parfois, de peur de comprendre ce qui rend leur désir désire.

Ils sont exilés dehors, ayant perdus le sens d’une intimité, si j’ose dire, avec leur âme.

La créativité et la psychanalyse sont du même ordre pour moi, toutes deux sont des voies par lesquelles on peut reprendre corps, littéralement, et par l’invention, tenir ensemble les trésors des signifiants que notre langage contient et défend.

Dans ces territoires où la maladie mentale avec toutes ses déclinaisons, de l’hystérie à la schizophrénie, risque de faire basculer la vie du sujet du côté de la fatalité, on peut espérer d’une analyse qu’elle traumatise positivement le sujet en lui ouvrant de nouvelles capacités psychiques.

Rassembler les morceaux morcelés d’un sujet qui s’est perdu, le délivrer de ce qui n’est pas subjectif en lui, de ce qui ne saura être comblé, d’un manque qui fait signe vers le désir,

et à travers cette déception, de consentir à l’inespéré.

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