Julien Blaine, poète performeur était à la médiathèque Verlaine le 26 mai 2018, pour une « Démonstr'action »
Les rencontres poétiques de Poésie-Pontiffroy, initiées par Alain Helissen et Vincent Wahl mettent, au travers de rendez-vous réguliers, le public messin en relation avec celles et ceux qui représentent la poésie d'aujourd'hui, qui elle peine - et c'est heureux, je trouve - à devenir une étiquette destinée à la sacraliser et à l'enterrer.
Le 26 mai dernier, pour la dernière séance de la saison 2017/2018, c'était au tour de Julien Blaine d'intervenir.
J'avoue que j'attendais beaucoup et que je n'ai pas été déçue.
Le performeur ne triche pas. Son corps entier est mis à contribution : lieu de passage, de contact entre l'homme et "l'écriture" où s'aimantent, se renforcent et se redistribuent des mots, des textes, auxquels il donne un sens plein, qui vibre "autre".
La rencontre s'est faite en deux temps, de l'extérieur vers l'intérieur, du soleil à l'ombre,
du gobelet écrasé percuté qui trouve des milliers de subtiles échos,au moment d'une réception publique soulignant le caractère tonitruant et effractif de "la voix-parole en acte", s'imposant de manière inattendue, forçant l'attention sous des fenêtres auxquelles apparaissent quelques curieux alertés par le fendu de la vulve contre laquelle le poète se heurte obsessionnellement;
passage d'avant la tiédeur, à l'intérieur, au partage "connivenciel", confidentiel, au panier de cerises rempli par Vincent Wahl le matin même, dont les noyaux vont s'éparpiller au sol, sanguinolents débarrassés par le poète de leur chair,
pour être ramassés par le poète qui s'agenouille et trébuche à la limite de la chute
qu'il récupère in extremis et transforme en souvenir, en photos de lui-d'avant, qui circulent
depuis le jour où il a pu se voir comme modèle du corps couché en alerte, à l'instant précis d'une possible et problématique ascension.
Mais toujours engagement et humour aussi avec des sons et des sentiments qui entrent en résonance.
Julien Blaine ne sous-estime pas le texte, l'écrit qui existe en dehors de lui. A la question de l’écrit, du « livre » et de la transcription à l'écrit des performances orales, toujours « vouées au dépassement », Julien Blaine répond, entre autres : « partitions » à interpréter, par qui veut s'en emparer, à partir de l’écrit transmis, comme en musique, même si, selon François Huglo, dans l’article en lien "La partition blainienne ne s’efface pas purement et simplement derrière la performance". Les textes qu'il écrit ne se diluent pas dans l'oral et résistent aux interprétations.
Julien Blaine a aussi parlé de poésie élémentaire, d'archéologie, de grottes...
Magnifique final pour une année riche en interrogations sur la tension entre une poésie qui ne ferait vibrer qu'un petit nombre et une autre qui aurait comme mission d'être perçue comme plus démocratique.
Julien Blaine connecté à tous par l'esprit, l'âme et le corps, est un modèle pour celles et ceux qui veulent transcender ces clivages.
Il suffit de les laisser vivre, de les faire connaître et d'attendre...
Un grand MERCI à vous ! Claire Antoine
Collage
P.S. avec Gaëlle Théval « De la poésie ready-made aux poésies expérimentales »,
G.T. applique la notion d’interartialité au collage et au "ready-made" façon Duchamp qui éloigne le lecteur des régions verbales, qui l’oblige à prendre en compte le medium social ou matériel, et l’intermédialité, diachronique (transfert d’un medium dans un autre) ou synchronique (coprésence de plusieurs media). Transmédialité et intermédialité sont fréquemment à l’œuvre chez Julien Blaine. Elle fait remonter cette « hybridation médiologique » au ready-made.