Entre Antiquité et ''modernité'' -études de genre et théories féministes - Le mythe de Cénée - lien journals.openedition.org/frontieres pour un article d' Audrey Vincent‑Pennec sur ''Introduction à l'archéologie du genre'' de Isabelle Algrain et Laura Mary. Citation de Lucile Durand dite Louki Bersianik extraite de ''Agénésies du vieux monde'' 1982

Publié le par Claire Antoine

                       Entre Antiquité et ''modernité''...Fluidité et métamorphoses 

Ne serait-il pas possible, grâce à ''l'antiquité gréco-latine'', (plutôt essentialiste et patriarcale) de nourrir une pensée qui cherche à dépasser la binarité de genre opposant le masculin au féminin ? 

Même si le soupçon de ''l’essentialisme'' (vs dé/constructivisme social) y demeure associé, les mythes font cependant partie de la pensée des théoriciennes du féminisme dit ''différentialiste'' (prise de conscience pour la femme de sa féminité et de sa différence comme remède premier à l'impérialisme culturel des hommes et aux « systèmes de valeur qui imprègnent la culture patriarcale »).  

- Hélène Cixous, féministe précisément différentialiste, fait dans Le rire de la Méduse, de la Méduse, « la queen des queers » permettant de penser une « autre bisexualité », celle qui tend à l’au-delà du binaire.

- Les''Amazones'' servent de mythe de référence pour les publics transgenres et non binaires, 

- La théorie queer (approche sociologique et philosophique qui remet en question les catégories traditionnelles ''d'identité'' sexuelle et de genre en postulant qu'un individu est autant déterminé par son environnement socio-culturel et ses choix personnels que par son sexe biologique) fait émerger le personnage de Cénée, une nouvelle figure capable d'exprimer les enjeux transsexuels d'aujourd'hui.   

                                             Quelques notes et extraits du toujours ''article en lien''

Pour retrouver la mémoire (une mémoire, comme ''source souterraine'') et ''redonner une chance au bouleversement collectif de l’histoire'' le féminisme se réapproprie l’usage des mythes. Des ''résistantes''d'aujourd'hui ''changent la perspective de l’imaginaire collectif''. En déplaçant légèrement ''leur axe de rotation'', elles les actualisent. 

La romancière Lucile Durand dite Louky Bersianik souligne que ''c’est en groupes ou en couple que les femmes sont ''efficaces'' (...) témoins les Sirènes, les Muses, les Ménades, les Gorgones […], les Grées, les Moires, les Parques, les Camènes, les Érinyes, les Euménides, les Amazones, les Lamies, Charybde et Scylla, Artémis et Atalante ou Diane en compagnie des nymphes chasseresses, Déméter et Perséphone(...)''.

Elles se coordonnent. En effet, seules, elles ressemblent à Antigone qui fut ''enterrée, murée vive'' par les valeurs d’une ''mythologie masculine, olympienne [qui plane] dans les hauteurs'' de l’histoire patriarcale.

Pour échapper aux dieux, car ils sont vindicatifs et féroces, les femmes de la mythologie se transforment en plantes, animaux, astres (cf. Les Métamorphoses d’Ovide 1, par exemple, une œuvre majeure de la littérature occidentale), pas en homme, sauf exception... Des exemples : Daphné, poursuivie par Apollon, qui après avoir supplié son père, le dieu-fleuve Pénée, de l'aider est métamorphosée en laurier; Io, aimée de Jupiter, elle est transformée en génisse par le dieu lui-même afin de la cacher de l'œil jaloux de Junon; Callisto, séduite par Jupiter, elle est changée en ourse par Junon, puis finalement placée parmi les étoiles sous la forme de la constellation de la Grande Ourse; Arethuse, qui pour échapper au dieu-fleuve Alphée, est changée en fontaine par Artémis; ou encore Lotis qui, tentant de fuir Priape, est transformée en lotus.                                                                                                                                  1Ovide perpétue des stéréotypes sexistes en dépeignant les femmes comme des figures faibles, manipulatrices ou soumises aux désirs des hommes. Une controverse entoure les Métamorphoses sur la question de la violence et de la cruauté. Certains critiques estiment que l’œuvre glorifie la violence et normalise des comportements inacceptables. Les nombreux récits de viols, de meurtres et de vengeances sanglantes ont suscité bien des débats.

Parler de métamorphose est une manière de parler de la transidentité ou de la fluidité du genre 2.

2 La fluidité de genre peut concerner l’identité de genre elle-même ou son expression, et s’inscrit souvent dans la non-binarité. Judith Butler, une ''théoricienne du genre'', a influencé la réflexion sur cette fluidité. 

                      Parfois, dans les récits de transformation, le changement concerne le genre.

La théorie queer fait émerger des figures comme le personnage de Cénée – né femme et transformé en homme par Poséidon.  

Un exemple marquant est celui de Caenis, la fille du roi lapithe, Elatos, violée par Poséidon. En compensation, (c'était quand même une fille de roi et de plus, il comprend qu'il a transgressé et que c'est mal), ce dernier lui offre de réaliser un vœu, et ... elle demande à devenir un homme, afin de ne plus subir les affres de son ancienne condition. Elle se métamorphose donc en Céneus, un guerrier invincible, invulnérable, mais qui ne pourra plus engendrer.       

                     Mais de l'homme retour à l'oiseau...ou à la femme

Chez Ovide, Cénée est enseveli sous des arbres et connaît une nouvelle métamorphose en oiseau « revêtu d'un plumage fauve »,  ou chez Virgile où, dans l'Enéide, il est mention d'un Cénée redevenu femme, dans les Enfers.       

 

 Ci-joint un magnifique passage de l'article (résumé du livre ''Agénésies du vieux monde'' de la romancière québécoise Lucie Durand, dite Louki Bersianik) en lien qui dit de façon poético-épico-lyrique ''quelque chose'' de la mise à mort, sans cesse renouvelée, du féminin, celui qui, venu du fond des âges, terrifie et précède la mise en mots actualisante, pétrifiante, contre laquelle le féminin sans cesse se dresse :  

''Quelque chose ne s'est pas produit qui devait se produire. Quelque chose devait être retenu qui a été oublié. Le grenier aux images a été pillé; la boîte aux souvenirs saccagée, anéantie. Il ne reste que des on-dit, que des qu'en-dira-t-on, ne restent que des ondines, que les ondes de choc des moirures d'un seul pan de la mémoire, que sa partie chatoyante et sans gloire. Il ne reste, monstrueuse, que l'amnésie des femmes. Que cette absence congénitale de l'organe de la réminiscence, cette agénésie1 du vieux monde.''

1 Terme qui, en médecine, signifie l'absence congénitale d'un organe. Ici, il renvoie à une forme d''' amnésie pathologique'' des femmes interdites d'accès à leur mémoire. Elles ont oublié leurs origines (...) leur genèse, dans tous les sens du terme : perte de la parole, incapacité d'agir pour leur propre compte, ignorance de ses propres pensées et perceptions (...). Elle se sert de la mythologie, notamment d'Oedipe qui ''quitte la scène'' effacé par le souvenir d'un double meurtre de femmes (Iphigénie tuée par son père et Clytemnestre, tuée par son fils)  

 Entre Antiquité et ''modernité'' -études de genre et théories féministes - Le mythe de Cénée - lien journals.openedition.org/frontieres pour un article d' Audrey Vincent‑Pennec sur ''Introduction à  l'archéologie du genre'' de Isabelle Algrain et Laura Mary. Citation de Lucile Durand dite Louki Bersianik extraite de ''Agénésies du vieux monde'' 1982
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