Redécouverte (2/2 ) du poète contemporain Georges PERROS [ extrait d'un article de Gil Pressnitzer ]
Écrire, c'est renoncer au monde en implorant le monde de ne pas renoncer à nous. (Papiers collés 1).
Georges Perros n’écrivait pas pour se répondre ni pour se répandre.
Georges Perros plus qu’un poète est l’homme des aphorismes, certes on le cite moins qu’un René Char, il n’en est pas moins
souvent pénétrant par sa lucidité douce-amère. Georges Perros se réfugie souvent dans l'humour comme déguisement, paravent à sa souffrance.
Lui le grand bavard, souvent contraint de ne parler qu’au vent qui passe, entretenait une grande correspondance –Michel
Butor, Bernard Noël, Lorand Gaspar...- tout en constatant son dérisoire de l’absence physique de l’autre.
Sa pudeur immense, son pessimisme profond, lui font vite saisir le mur du virtuel :
J'ai lu votre livre, vous avez lu le mien, nous avons tous les deux été touchés, mais nos visages, nos corps, restent, comment dire, posthumes. (Lettre à Bernard Noël).
« Je suis un homme d'entre-deux, jamais en place, et si j'écris, c'est dans la
marge. Le texte est ailleurs. »
Aussi Perros laisse toujours une grande impression d’inachevé, de petits bouts de papier égarés, et qui auraient pu donner
une tout autre œuvre, accomplie, plus profonde.
Il reste en fait une leçon de vie, une invitation à vivre debout,
et toujours se glisse entre chaque mot, le bruit de la mer, le goût amer du vent.
C’est déjà beaucoup. Cet « amer de velours brun »(Lorand Gaspard), continue à circuler dans nos têtes avec le vacarme de sa moto et de ses mots.
Décousu il était, ses mots se promènent cul nu en nous.
Perros ne nous élève pas par la beauté formelle de ses mots,
non, simplement il nous rend sensible au cours de la vie ordinaire.
Sismographe des infimes tremblements de terre, il s’en fait l’accordeur, le sonneur à mi-voix.
Il ressent, enregistre et redonne humblement la pulsation de la vie, la vie fragile, la vie parfois cruelle, parfois chantante en nous, la vie qui tremble.
Il était l’ouvert, le chantre des petits riens :
Je suis pour le discours humain
Je suis pour la moitié de pain
Le désespoir c'est de se taire (Une vie ordinaire).
« Un homme en partage » a-t-on dit de lui. Cela semble plus juste que cette statue de moraliste à lui dressée,
et qui l’aurait horrifié. Il était modestement au plus proche de la vie
Mes livres ne sont que des valises à ouvrir après ma mort.
(Perros).
Puisons donc dans ces malles pleines des trésors du pirate du temps qui passe.
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Quelques précisions biographiques puisées
sur http://www.universalis.fr/encyclopedie/georges-perros/
(1924-1978)
Né à Paris, il s'intéresse d'abord au théâtre (comme acteur, et aussi comme traducteur de Tchekhov et de Strindberg), puis il y renonce pour se livrer à la littérature même : lecteur d'une maison d'édition, il réside à Douarnenez auprès de sa femme et de ses enfants, se donnant de l'air sur sa célèbre motocyclette, fréquentant quelques amis parisiens (Pierre Klossowski, Michel Butor, Georges Lambrichs), obsédé par l'angoisse de vivre qu'il avait reprise à son compte, comme si ses contemporains, eux, feignaient vainement de l'ignorer. Les Papiers collés furent d'abord des notes prises au hasard, des réflexions sur des bouts de papier ou des boîtes d'allumettes. Elles furent recueillies par la suite en même temps que des remarques ou des études concernant ses auteurs favoris et témoignant de l'interrogation centrale : comment être, comment est-il possible d'être, sans rire, sans crier, sans s'étonner quotidiennement ?
Kierkegaard, Constant, Kafka, Rimbaud, Mallarmé, Hölderlin sèment le parcours de la maturité qui s'affirme surtout en notes concernant le temps, autrui, la mort, l'amour, le mariage, l'amitié, la poésie : hantises perpétuelles de l'homme réduit à son sac de peau, selon l'expression de l'auteur. Humour, générosité, consternation, misère forment les composantes de la tonalité perrosienne. Apho […]