Printemps des poètes 2010 - Couleur femme - Les femmes et la poésie : Extraits d'un article de Marine Deffrennes " la femme est-elle l ' avenir de la poésie ? " Lien l'article en entier sur ''Le Pan Poétique des Muses''
n°0|La femme est-elle l'avenir de la poésie ? - LE PAN POÉTIQUE DES MUSES
invitée de la revue] La femme est-elle l'avenir de la poésie ? Marine Deffrennes Article reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteure et de l'excellent site terrafemina.com Muse, confidente...
http://www.pandesmuses.fr/article-la-femme-est-elle-l-avenir-de-la-poesie-85215756.html
Larges extraits de l'article de Marine Deffrennes du 16.03.2010
...il a fallu attendre l’émancipation des femmes pour qu’on veuille bien s’intéresser à la poésie écrite par des femmes.
Récusant toutes l’appellation « poétesse », parce que le mot est connoté de mièvrerie et de fadeur, elles ne veulent pas de la distinction de genre.
« Le poète n’a pas de sexe »
nous dit Claudine Helft, poète et romancière, présidente du Prix Louise Labé.
Les femmes poètes contemporaines admettent néanmoins que l’édition et les cercles littéraires n’ont pas toujours accueilli la gent féminine avec le même enthousiasme.
cf également * Voi(es)x de l’autre, poètes femmes du XIXe-XXIe siècles, études réunies et présentées par Patricia Godi-Tkatchouk, Actes du colloque de Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, publications du CELIS, collection "Littératures", 2010.
Renversement spontané ou revanche du deuxième sexe, la poésie contemporaine affiche une parité exemplaire. « Depuis une vingtaine d’années, c’est évident, on constate une émergence forte des femmes en poésie, et pas au second plan, ce sont des voix majeures et prometteuses, comme Gabrielle Althen, Vénus Khoury-Gata ou M.-C. Bancquart. »
Selon cette dernière, écrivain et professeur émérite à la Sorbonne, il a fallu attendre que les femmes acquièrent un rôle social, -travail, droit de vote-, pour qu’on accepte qu’elles tiennent la plume : « il n’y a qu’à se souvenir des difficultés de Colette, au début du siècle dernier, pour se faire accepter en tant qu’écrivain. On trouvait scandaleux qu’une femme puisse se livrer à une telle introspection. »
« Une poésie féministe exacerbée, politisée » Au-delà de quelques exceptions retenues par les manuels scolaires, comme Marie de France, Louise Labé, Marceline Desbordes-Valmore ou Anna de Noailles -des femmes rebelles ou des aristocrates très cultivées-, il n’était pas dans les prérogatives des femmes d’écrire, « elles étaient peu préparées à une indépendance de sensation et n’avaient pas pour la plupart une maîtrise de la langue suffisante pour composer des poèmes », explique M.-C. Bancquart, poète et professeur en littérature.
C’est dans le rôle de muse, d’objet idéal et de fantasme que les femmes ont brillé dans la poésie.
Les poètes françaises ne veulent pas de ce débat, voire s’en offusquent.
Pourtant Jean-Pierre Siméon, poète et agrégé de lettres modernes, remarque que la question se pose encore chez ses consoeurs américaines ou anglaises :
« Il y a un partage clair entre celles qui refusent cette catégorisation et celles, dans le monde anglo-saxon, qui revendiquent un apport spécifique des femmes à la poésie. Des chercheuses nord-américaines féministes. »
Evelyn Accad, Professeur émérite de littérature à l’Université de l’Illinois (USA), confirme : « Je pense que le langage de la femme diffère de celui de l'homme, c’est un sujet qui a été développé par tout le mouvement de l'écriture féministe des années 70/80. »
« Il a fallu du temps pour désamorcer les clichés »
A l’origine, il y a la Laure de Pétrarque. Adulé et imité sans relâche par les poètes français de la Pléiade, le Canzoniere du célèbre italien – XIVe siècle- érigeait la femme aimée au rang de déesse, créature immatérielle, dénuée de voix.
De Laure naissent les icônes de la poésie française,
l’Olive de Du Bellay,
l’Hélène de Ronsard,
jusqu’à Elsa Triolet, célèbre compagne et muse d’Aragon.
« Les poètes ont créé ce mythe de la femme idéale, à aimer et à admirer, et il a fallu du temps pour désamorcer ces clichés », analyse J.-P. Siméon, poète et dramaturge président du Printemps de poètes.
Pour M.-C. Bancquart, « les femmes elles-mêmes ont mis du temps à comprendre que la poésie n’était pas une confession ou des sentiments mis en vers, mais un travail sur la langue rigoureux. »
Ce sont pourtant des égéries d’artistes du début du XXe siècle qui ont favorisé le réveil des mentalités, nous dit J.-P. Siméon :
« Dans leur rébellion anticonformiste et antibourgeoise, les Dadaïstes et les Surréalistes ont favorisé l’émergence de femmes intellectuelles, comme Gala, muse de Salvador Dali, ou Elsa Triolet qui était elle-même écrivain, Joyce Mansour, ou encore Gertrude Stein aux Etats-Unis. André Breton revendiquait l’union libre et la reconnaissance de la sexualité féminine ».
Des idées qui prennent de l’ampleur dans les années 60 où quelques femmes s’emparent de la rime et du vers pour s’affirmer et s’émanciper.
C’est en effet à cette époque que se développe la critique littéraire féministe, qui intègre la notion de genre dans l'analyse des textes. Patricia Godi-Tkatchouk*, enseignant chercheur à l’Université Blaise Pascal à Clermont-Ferrand, en a fait sa spécialité de recherche : « Théoriciennes et poètes américaines, comme par exemple Adrienne Rich, ont écrit de la poésie féministe, exacerbée, parfois séparatiste, homosexuelle, tandis que les Françaises n’ont pas cherché à écrire des poèmes militants. »
C’est pourtant une Française qui invente la notion d’écriture féminine en 1976.
Dans Le rire de la Méduse, Hélène Cixous propose une lecture des textes littéraires sous l’angle féminin :
la « gynocritique » -de la racine grecque gyn, femme-, débarquait en France.
« A cette époque des femmes se sont démarquées en écrivant de la poésie osée, érotique ou même lesbienne, c’était leur engagement », explique Claudine Helft, qui évoque Pierrette Micheloud, poète et créatrice du prix Louise Labé avec la journaliste Edith Mora en 1964, Gabrielle Marquet,
ou encore Andrée Chedid « dont certains poèmes transpirent une féminité revisitée ».
« Je peux écrire au masculin »
Comme pour marquer le dépassement du courant agressif et différentialiste du féminisme, les « contemporaines » -Albane Gellé, Sapho, Marie-Claire Bancquart, Marielle Anselmo, Camille Aubaude, Claude Ber, ou encore Béatrice Bonhomme-, se côtoient dans les anthologies féminines, tout en niant que leurs textes soient marqués par leur sexe.
Dans la plupart des cas, on ne saurait deviner si le poème, présenté de façon anonyme, est l’œuvre d’un homme ou d’une femme.
Dans la patrie de Verlaine, d’Eluard et de George Sand, la lyre ne serait pas une affaire de sexe, mais de mystère, explique Claudine Helft :
« Qu’importe le poète, je peux écrire au masculin si je veux. Mais si on enlève à la poésie le mystère et le sacré, ce voile transparent qui la rend si attirante, elle n’est plus rien. »