"Prendre acte pour parler demain, après Fukushima"
Texte lu à la joute poétique organisée
par l'APAC le 19 mars 2011
quelques jours après la catastrophe
( et classé dernier )
La tension médiatique ininterrompue,
à l'indéfinie
horizontale alignée
au persistant mouvement linéaire perpétuel dévoration rétinienne
créée par la catastrophe
(c'est-à-dire dit textuellement le dictionnaire : " l'événement soudain qui bouleverse le cours des choses amenant la destruction, la ruine, la mort "),
la catastrophe japonaise semble désormais passée...!
Moins beaucoup moins de mots pour ainsi dire presque parfois plus du tout.
A nouveau noyés enkystés dans d'autres d'autres mots d'autres "informations" crues et elles si cruciales.
C'est pour bientôt ces jours de détresse, de terreur, de désespoir qui se transformeront en sages images récurrentes qui rediront par moments choisis qu'à tout dire vrai mentir sûrement pas jamais nous n'oublierons jamais, que notre émotion, notre compassion, notre empathie intacte est était et sera etc etc etc etc et blablablaetblablabla.
Des violences nouvelles succèdent aujourd'hui déjà à celles d'hier.
Et le discours peut continuer frôlant, lèchant par à-coups tantôt doux et discrets tantôt spasmodiques et furieux, refusant les ombres et les profondeurs.
Mettant au jour, à jour, dévoilant, dénudant et délaissant exsangue dévasté.
Serpentant après la mue à la recherche d'autres nourritures.
Mais avec le drame japonais
s'est ouvert une brèche,
dans ce qui faisait nos certitudes d'être des humains "humanistes" aux discours rodés à la rhétorique parfaite, ayant appris à parler,
à recracher jusqu'à épuisement des argumentations
donc "L'art d'avoir toujours raison"
preuves de leurs capacités à imposer leur désir devenu magiquement, - pour les Meilleurs, sacralisés, légitimés, encensés au papier d'arménie, par l'Institution Scolaire -
désir devenu certitudes pour tous formidablement -effrayant terrifiant- technologiquement et scientifiquement sûres, sûres et certaines, vraies justes
voire plus,
mieux encore, mieux compétents mieux experts "mieux disants". En ces temps d'avant il fallait être - eh ! Oui - le meilleur, disait-on. Toujours meilleur en tout. Meilleure classe, couleur, Meilleures notes en mathématiques, en physique, Meilleur niveau de vie, relations Meilleure connerie etc blabla
Les mots et les images de ce pays si lointain,
modélisé dans les livres,
à rechercher au mot clé " Troisième puissance mondiale"
de cet autre continent,
ont déferlé, recouvrant en hurlant désespérément ciel et terre.
Là bas, tout s'est ligué échappant au contrôle.
La terre gronde,
tremble, se fissure, s'écarte
et l'effrayante mer dans une violence effrénée, l'envahit et la dévaste.
Noces maudites, hiérogamies monstrueuses à la rencontre du fruit des entrailles de l'homme
L'homme tout petit ridiculement émouvant quand même dans sa croyance en lui.
Cet homme là tout bêtement là, ici.
Et c'est ...VIGNY qui me revient...
"A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.
(...)
Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. "
Mais voilà, cette stoïque attitude n'est pas le fait du poète lui-même qui lui ne se tait pas.
Alors, je ne sais plus et je me tais
pour aujourd'hui.
C.A.L. 19 mars 2011