Centre Pompidou : Beaubourg 2 à Metz. Article de Sophie CACHON trouvé sur télérama.fr "Pompidou attendu comme le messie à Metz"

Publié le par Claire

 Grâce à son nouveau musée ... Metz espère les mêmes retombées économiques que Bilbao avec le Guggenheim...
Les Messins l'avaient surnommé « le chantier invisible », tant il s'était fait attendre. Neuf ans se seront en effet écoulés entre la décision d'implanter une antenne de Beaubourg en région et l'inauguration, le 12 mai, du nouveau Centre Pompidou-Metz. Ce qui n'est pas si long, en compa raison des autres grands projets de musées décentralisés, retardés pour cause d'aléas financiers ou techniques :
 le Louvre à Lens, prévu pour 2012,
 le Mucem à Marseille (2013)
et Confluences à Lyon (2015).
Quatre exemples révélateurs d'une nouvelle conception de l'aménagement du territoire que l'on pourrait ap peler « urbanisme culturel », où le musée est devenu un outil de développement....
 C'est « l'effet Bilbao » que vise Metz avec son Centre Pompidou.( qui a tourné la page de la desindustrialisation ...la ville est redevenue une capitale économique et financière et une vraie destination touristique) Le maire, Dominique Gros, le définit comme « l'alchimie subtile entre la cul ture et les affaires ». Handicapée par les restructurations industrielles et récemment par la nouvelle carte mi litaire (qui entraîne la suppression de quelque sept mille emplois), Metz espère en finir avec sa réputation de ville morose et parie sur la modernité et l'attractivité. « Nous mi sons sur la forte notoriété du Centre pour changer d'image,explique Jean-Luc Bohl, président de Metz Métro po le. Nous voulons qu'il soit le catalyseur de notre renouveau. »

Photogénique, avec un immense couvre-chef (8 000 mètres carrés) constitué d'une structure de bois recouverte de toile blanche (fibre de verre et Teflon), le Centre Pompidou messin évoque à la fois le chapeau chinois, la tente bédouine et le champignon géant. Une « maison des Schtroumpfs », raillent les moqueurs. Ce qui sonne plutôt comme un compliment, tant le bâtiment conçu par le Japonais Shigeru Ban et son associé français Jean de Gastines renvoie à l'enfance. Un grand jouet naïf et high-tech, comme ces doudous modernes japonais qu'on a immédiatement envie d'adopter.

Sensation vérifiée à l'intérieur, avec une nef lumineuse surmontée de trois galeries posées les unes sur les autres en étoile, comme des longs blocs de Lego empilés. On pourra chicaner sur l'exiguïté des accès aux étages - en chicane précisément -, mais les galeries qu'on y découvre sont époustouflantes : 1 000 mètres carrés chacune en un seul tenant, terminées de chaque côté par de larges baies vitrées ouvertes sur la ville.

 

 Y seront exposées, par roulement, les oeuvres prêtées par le Musée na tional d'art moderne (département du Centre Pompidou, à Paris). Soit la plus belle collection que l'on puisse imaginer en matière d'art mo­derne et contemporain, puisque c'est la plus importante d'Europe, avec soixante-cinq mille pièces, pour la plupart conservées dans des réserves faute de place sur les murs de Beaubourg.

 Avec cette infrastructure haut de gamme, la ville de Metz dispose d'une carte de visite prestigieuse. Elle pourrait devenir la capitale de l'art contemporain pour le NordEst européen, en attirant un lar ge public venu de Belgique, du Luxembourg ou d'Allemagne, terres de prédilection des amateurs et col lectionneurs d'art. Au départ, l'idée de décentraliser les collections na tionales revient d'ailleurs à... un Messin, Jean-Jacques Aillagon, qui n'était pas encore ministre de la Culture mais président du Centre Pompidou, à Paris. C'est en 2001 qu'il proposa la création d'une antenne permanente de son éta blissement à Jean-Marie Rausch, alors maire de Metz. Les travaux du TGV Est venaient de commen cer. Jean-Marie Rausch (divers droite) entamait son dernier mandat (il fut maire durant trente-sept ans). « J'étais dans l'opposition, mais ça ne m'a pas empêché de voter pour le projet, raconte Dominique Gros, maire actuel de la ville (PS). On a tous compris le fort potentiel de dévelop pement que cela représen tait pour notre ville et la région. »

 

Contrairement à la fondation Guggenheim, qui fait payer les expo­sitions à ses succursales, ici, les oeuvres sont prêtées gratuitement.
 Quant au financement du bâtiment, trop lourd pour la municipalité, il est pris en charge par les collectivités territoriales. Sur un budget de 70 millions d'euros, la communauté d'agglomération Metz Métropole, maître d'ouvrage, en assure les deux tiers (43 millions d'euros), le reste étant à la charge du département, de la région, de l'Etat et de fonds européens. « Ce n'est pas plus qu'une salle polyvalente ou qu'un théâtre », dit Jean-Luc Bohl. Et cela reste un investissement raisonnable, qui ne remet pas en cause l'indispensable modernisation des transports en commun de l'agglomération : un projet qui représente, lui, un investissement de 200 millions d'euros.

 

« Penser qu'un musée puisse à lui seul tout résoudre serait une erreur, il n'y a pas de magie dans cette histoire, explique Jean-Michel Tobelem, spécialiste de l'économie des musées. A Bilbao, cela relevait d'une stratégie décidée par les pouvoirs publics espagnols, inscrite dans un plan de rénovation urbaine globale. »En effet, le Guggenheim a marqué le point de départ d'une mutation de grande ampleur orchestrée par les plus grands architectes du monde : berges de la rivière remodelées par Zaha Hadid, aéroport par San tiago Calatrava, métro par Norman Forster. Au final, une dépense publique de taille qui a permis le retour tant désiré des investisseurs, attirés par la nouvelle image de la ville.

Cela peut-il se produire à Metz ? Le nouvel équipement culturel, en tout cas, n'est que l'épicentre d'une rénovation à l'échelle de l'agglomération tout entière. Avec l'ouverture du Centre Pompidou, la zone d'aménagement concertée (ZAC) du quartier de l'Amphithéâtre, situé juste derrière le nouveau musée, en panne jusqu'il y a peu, faute de financement, est relancée. Sur cette friche de 42 hectares, an­cienne gare de marchandise, sont prévus une longue halle de verre conçue par l'architecte Nicolas Michelin, un palais des congrès, des hôtels, des logements et des espaces pay sagers. Coût de l'opération, 150 millions d'euros.

Il est encore trop tôt pour savoir si des investisseurs privés prendront le relais. Trop tôt pour savoir si ce musée se révélera un réel outil de développement local.

 Il s'est installé sur les ruines de la seconde révolution industrielle, celle du charbon et de l'acier. Une nouvelle « économie culturelle » verra-t-elle le jour ? 

Sophie Cachon

Publié dans Activités diverses

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