Pas de récit de vie pour Corinne
Texte de septembre 2010 repris en août 2016
Ce qui aurait dû être le début d'une sorte de (re)mise à plat de la vie de Corinne. Pardonnez-lui ce prénom qu'elle arbore, ce n'est évidemment pas de sa faute si elle porte, qu'elle endosse, le prénom de l'héroïne de Madame de Staël. Elles n'ont rien à voir l'une avec l'autre. [(NDLA) Inutile de chercher.]
Etant entendu que comme Montaigne, notre Corinne comptait aller "par monts et par vaux", sautant du coq à l'âne. Son idée était de tirer certains avantages de l'aspect primesautier du projet : le droit au langage approximatif, aux mots consensuels, ceux qui vous viennent par paresse et même au vocabulaire ordurier, si elle en avait envie. En ce qui concerne les citations ou les références, qu’elle ne manquerait pas de faire sans doute, si elles n'étaient pas exactes, tant pis ou tant mieux. S'il y avait des erreurs, elle les assumerait. C'est quand même ce qui lui restait, après avoir tout oublié...
Corinne se l'était juré, à la suite d'un délicieux face à face, par miroir interposé, elle n'écrivait pas pour moraliser. Elle n'est pas une "Mère la morale". Point. C'est dit. C'est fait, donc. Elle n'a aucune intention de se donner en exemple, ni d'éduquer. Pas pédagogue non plus. Elle s'était même dit, surtout pas, surtout plus du tout jamais.
Les critiques, (du grec, action de séparer, de choisir et aussi de contester) qu'elle formulerait à partir de son expérience, elle préférait le dire tout de suite, d'emblée pour se débarrasser de la question et ne plus y revenir, ne visaient pas les personnes. Ils ressortaient d'une poétique, ou même autant que j'en puisse juger d'une éthique, grande Morale majuscule.
Corinne aurait aimé pouvoir écrire à partir d'un "ressenti" direct de ses émotions, de ses sentiments. Une sorte de tu vis, tu écris etc. et vice versa, méli-mélo. Mais ce n'est pas comme ça que les choses se passent pour elle. La plupart du temps, elle est comme annihilée. Ses émotions sont en sommeil. D'ailleurs ses sens sont comme engourdis, d'avoir trop servi...déjà ! Peut-être. En ce qui concerne la vue, elle le sait depuis très longtemps. Elle a porté sa première paire de lunettes à l'âge de 7 ans. Le jour où elle a confondu, de loin, mais quand même, par la fenêtre d'un train, un groupe de personnes qui attendaient quelque chose, dans un champ, avec une vache. Et depuis elle vit avec et dans le flou.
Bref, les sens "engourdis" font penser à certains préromantiques comme Senancour ou Rousseau. Des timides...à ce qu'on en dit. Des pages entières qui révèleraient plus leurs névroses qu’autre chose
– dixit les maîtres avisés de la psychocritique, ou encore ces quelques mots qui tenteraient à donner l’impression que la vie, pour certains, ne vaut pas forcément toujours la peine d'être vécue... mots trouvés dans l'article écrit par un de ses professeurs, timide, lui aussi : "Senancour...homme de la pénombre, timide... un raté, même...Incapable de porter l'œuvre qu'il portait en lui.". Eh ! Oui...Incapable de porter ce qu'il porte...
Une de ses collègues lui avait par ailleurs dit un jour que depuis qu'elle savait - elle l'avait lu quelque part - que les "timides" étaient, en fait...des « orgueilleux », elle ne les – supportait - plus.
Corinne se demandait toujours si son entourage pressentait qu'elle faisait partie de cette catégorie in, peu ou mal supportable.
Parfois elle se disait que la reviviscence (méthode de JJR dans Les Rêveries d'un promeneur solitaire) pourrait peut-être l’aider à vivre, enfin, - les jours où elle avait l’impression de ne pas vivre - en en ayant une pleine conscience, sans les frémissements périphériques venus d’émotions, de sensations « parasites », aveuglantes, d’alors, certains moments clés de son existence.
Elle avait le désir de se reconnaître, de renaître - de courts instants choisis - dans l’intimité conjointe du soi d’hier au soi d’aujourd’hui, sans nostalgie. Comme une expérience, qui a un début et une fin. Tout aussi bien détestait-elle – cela la mettait mal à l’aise - « revenir en arrière », se prélasser, en quelque sorte dans ce qui n’était plus. Ressasser jusqu’à la colère, vaine colère, tragique, fatale, des événements sur lesquels il n’était plus possible d’avoir prise.
Fin
Et finalement voilà pourquoi en 2000, Corinne renonça, avant d’avoir commencé à une raplapla mise à plat du jour de souvenirs flous transformés pompeusement en « certains moments clés » d’une existence inachevée et choisit, d’écrire des saynètes, et puis, en 2005 des textes poétiques. Genres parfaits « pour ce qu’elle avait » …