Une prière poétique : Lucrèce, le latin et la poésie didactique, celle où il diffuse la philosophie du grec, Epicure, qui lui même s'inspire d'un autre grec Démocrite, philosophe dit "matérialiste", le "Père de la science moderne", qui avait la conviction que l'univers était fait d'atomes et de vide.
Réflexion annexe hors sujet : Ne serait-ce pas une perspective tautologique, que celle de dire "c'est le même, c'est pareil", les atomes de Démocrite, d'Epicure, de Lucrèce, Newton etc. d'hier sont les mêmes que ceux des scientifiques qui se réclament d'un matérialisme athée, par exemple ?; que d'effectuer ce retour très en arrière sur l'axe temporel afin de placer hier-jadis dans la perspective d'aujourd'hui-maintenant ? Un cas limite d'analogie, qui consiste à chercher des preuves qu'alors que Démocrite est totalement 'Autre", il présente, oh ! merveille... des tas de points communs avec nous ...
Santé ! Salute ! À la toute puissante Venus, "voluptas", principe de plaisir, pouvoir premier et absolu régissant l'organisation de l' ensemble de ce qui vit, qui possède anima, animus et même les corps et même la nature toute entière ! Un pouvoir ir ré sis tible
Dans la série "Les Muses, inspiratrices de nos poètes"
Dans le texte, en infra, Lucrèce demande à Venus de l'inspirer dans son projet d'écriture, un peu rébarbatif. Il s'agit de faire connaître la doctrine philosophique du grec Épicure (IVe-IIIe), par l'intermédiaire d'un dédicataire Memmius** un avocat reconnu, ami de Lucrèce. Ce dernier veut l'instruire, achever son apprentissage et surtout le préserver de la superstition...
En résumé pour Lucrèce
Vénus actionne tout ce qui est de l'ordre de "la nature".
La nature "des choses". Les "choses" c'est-à-dire la nature avec ses fleuves, arbres, fleurs etc., mais aussi ceux qui y vivent, l'habitent, la construisent, des astres de la voûte céleste aux phénomènes météo... Bref ! C'est le principe de vie qui met la totalité du monde en mouvement. Cette totalité étant faite d'atomes du plus lourd au plus léger, du plus difficile à mettre en branle au plus "volatile".
C'est donc Vénus, la plus appropriée, la seule, même à laquelle il puisse s'adresser. Elle a des références, c'est la mère, genitrix, du fondateur de Rome, Enée, l'épouse entre autres de Mars, divinité guerrière. Comme Aphrodite, déesse aussi de l'amour, de la beauté et j'en passe. À partir du premier siècle le culte de Vénus est respecté par les hommes d'État et empereurs de la gens Iulia (jusqu'à Néron), qui faisaient remonter l'origine de leur famille à Énée, fils d'Anchise et de Vénus, dont le fils s'appelait Iule. ..."Jules". Vénus, polyandre, était également l’épouse de Mars, le père de Romulus ce qui fait qu'elle présidait aux destinées des Romains, en général. César ( Jules) fit élever sur le forum, un temple à la Vénus "leur mère à tous", genitrix. Et ces références la rendent assez ambivalente, voire paradoxale : Elle est du côté du mythe et de l'histoire, du côté des dieux et des hommes, et aussi des grecs et des latins, par Aphrodite. Parfaite pour établir des liens.
Elle fait partie des dieux de la mythologie, et c'est de son "image" que Lucrèce s'empare pour les contester dans le texte qu'il veut écrire. Il la voit comme "le" coup de pouce qui permet à toute la belle mécanique qu'est l'univers de commencer à bouger et à engendrer la suite des générations et de tout ce qui les environne, leur écoumène, en quelque sorte.
Celle-là, va mettre de la même façon, en branle, son texte
Ce qu'il va exposer est rude. Il veut mettre à la disposition des latins du premier siècle avant Jésus Christ une conception philosophique destinée à les éloigner de la superstition religieuse qui s'appuie sur les peurs
afin de leur montrer le chemin d'un bonheur, - négatif de par son alpha privatif de préfixe,-
qui aille dans le sens d'une absence de trouble du nom d'ataraxie.
Tout n'étant qu' agrégat d'atomes, cela signifie que si on quitte une apparence on en retrouve une autre.
C'est donc que la mort n'existe pas, pas plus que tout son cortège d'angoisses.
Le texte bilingue
Aeneadum genetrix, hominum divomque voluptas, Mère des descendants d'Enée, plaisir des hommes et des dieux
alma Venus, caeli subter labentia signa Ô Vénus nourricière, toi, sous les astres qui se déplacent sous la voûte céleste
quae mare navigerum, quae terras frugiferentis tu te voues à la mer porteuse de navires, à la terre porteuse des moissons,
concelebras, per te quoniam genus omne animantum puisque, par toi, toute créature est conçue
concipitur visitque exortum lumina solis: et s'éveille, aussitôt qu'elle naît, à la lumière du soleil;
te, dea, te fugiunt venti, te nubila caeli les vents te fuient, déesse, et aussi les nuages du ciel;
adventumque tuum, tibi suavis daedala tellus à peine arrives-tu que la terre ingénieuse fait surgir sous tes pas
summittit flores, tibi rident aequora ponti de magnifiques fleurs, que les vagues de la mer te sourient.
placatumque nitet diffuso lumine caelum. Pour toi le ciel apaisé s'illumine d'une lumière qui se propage.
Nam simul ac species patefactast verna diei et reserata viget genitabilis aura favoni,
Dès qu'apparaissent les prémisses du printemps, que le souffle du zéphyr fécond se dévoile et prend de la vigueur,
aeriae primum volucris te, diva, tuumque significant initum perculsae corda tua vi.
ce sont les oiseaux des airs, qui les premiers annoncent ton arrivée, frappés au coeur par ta puissance.
inde ferae pecudes persultant pabula laeta et rapidos tranant amnis : ita capta lepore te sequitur cupide quo quamque inducere pergis.
Alors bêtes sauvages et troupeaux s’élancent joyeusement à travers les pâturages et traversent les fleuves rapides. De la même façon chaque créature, mue par ta grâce, te suit avec enthousiasme là où tu cherches à la conduire
denique per maria ac montis fluviosque rapacis frondiferasque domos avium camposque virentis
Pour finir par les mers, les montagnes, les fleuves impétueux, les feuillages où nichent les oiseaux, les plaines verdoyantes.
omnibus incutiens blandum per pectora amorem efficis ut cupide generatim saecla propagent.
Et c'est le cœur de tous, qui frappé par les douceurs de l' amour, est par toi poussé à se perpétuer ardemment de génération en génération.
quae quoniam rerum naturam sola gubernas nec sine te quicquam dias in luminis oras exoritur neque fit laetum neque amabile quicquam,
Puisque c'est bien toi qui es la seule à gouverner la nature, que sans toi personne n'aborde au rivage divin de la lumière, que sans toi rien n'est ni joyeux ni aimable,
te sociam studeo scribendis versibus esse, quos ego de rerum natura pangere conor
c'est donc à toi que je demande de me soutenir dans mon projet d'écriture de ces vers qui concernent le fonctionnement de la nature.
Memmiadae nostro, quem tu, dea, tempore in omni omnibus ornatum voluisti excellere rebus.
Ils sont destinés à notre cher Memmius**, que tu as voulu, déesse en tout temps, combler de tous les biens possibles
Nota Bene : Les traductions à quelques détails - parfois très importants pour le sens général - près, se ressemblent beaucoup.