Histoire de la fin de quelque chose ( Récit)

             HISTOIRE DE LA FIN DE

          QUELQUE CHOSE
   



Je décide de ne pas me rendre à  la répétition de jeudi (d'hier). J'en ai quasiment eu l'autorisation de la part de A qui, la semaine dernière  qui m'a dit, comme on le fait à un élève grippé dont on craint qu'il nous contamine avec ses microbes, et donc avec une douceur compatissante : « tu n'as qu'à rester chez toi, quand ça ne va pas... »
Et pour  l'instant, ça ne va pas. Je ne peux pas y aller. Même pas en rêve….
L. y va, lui. Il a une scène avec  Y et doit répéter. Les choses en seront simplifiées puisqu'il paraît (cf. supra que je la mets mal à l'aise).  En plus, il me remplace pour les clés, et s'il y a bien un rôle qui ne m'est pas contesté, c'est celui de concierge, alors, il faut faire face...
Entre temps, je reçois deux SMS. Deux désistements, pour ce soir-là. Avec évidemment des sortes de "juré craché", je vais répéter chez moi tous les jours…. Ne t’inquiète pas, Lucie. Cette façon d’insister sur le   prénom chaque fois qu’il s’agit de te rouler dans la farine...A n'est pas venu non plus et n'a même pas jugé utile de prévenir...
Lui, étant dans le circuit du travail, "exilé" pour cause de travail, (valorisant, je préfère préciser, pour éviter les confusions faciles) sait que c'est important de le faire. Donc, de là à penser qu'il s'en fout pas mal...Et puis je crois qu'il fréquente, lui aussi, des "vrais" lieux théâtraux où l'on ne jure que par Koltes, mais mieux dit : "Koeltèèèèsss": comme ça, presque... 
Je peux en conclure que le mieux est à l'extérieur de la salle, du lieu "fait pour cela".
Bien sûr, je ferais mieux de réagir en ex prof et penser qu’en « mauvais élèves » ils ne viennent pas parce que tout simplement, ils ne savent pas leur texte.

 
"Lamentable"…

 Voilà le terme dont Y. m'a affublée, le lendemain, parce que, paraît-il,  je prenais trop à cœur cette situation. « Si tu te voyais ! Tu es lamentable »
Quand il est revenu de la répétition, vers 22h30, il n'a fait aucun commentaire et, comme d'habitude,  a allumé la télévision.
"Alors ?" Ai-je fini par demander. "Pas de problème «a-t-il répondu. "Il ne faudra pas oublier le lecteur CD la semaine prochaine. Tu viendras, je suppose ?"
Evidemment, j'ai trouvé cet échange insuffisant, mais pour ne pas avoir l'air "avide"...j'ai continué à lire.
C'est le lendemain matin, après le petit déjeuner que j'ai explosé, paraît-il « lamentablement » : « Si tu voyais ta tête. Tu me déçois". Je t'ai remplacée pour te faire plaisir. C'est pour toi que je fais du théâtre. Et patati et patata...
Moi, d'une voix pitoyable... (Tous ces mots en able...)
-"ça s'est bien passé, alors ?
-Mais oui. On a très bien répété. Y  m'a donné des conseils. Je crois que c'est bien comme ça".

Voilà, ils n'ont pas besoin de moi. Je les traumatise. Tout va tellement mieux sans moi. CQFD....

J'ai déchargé soudain toute mon agressivité sur  Yann, qui, aux dires de notre fils ainé est pris en otage. C'est peut-être vrai, mais...Je ne m'en sors pas. 
C'est un fait que je dramatise.  Je n'ai toutefois aucune envie de me m’expliquer auprès des participants. Je veux surtout éviter le corollaire de tels incidents : on se jette dans les bras les uns des autres. Larmes, émotion. Excuses collectives...Du vécu.
Non.  Là, je bloque. Je ne me sens pas assez coupable, sans doute.

Il n'y aurait, de ma part, aucune "vérité" dans ces épanchements.  
Je prévois que la crise, de la part de Yann, ne durera pas trop longtemps, (malgré ses dénégations, cela va sans dire), car il aurait peur de décevoir ceux qu'il a déjà conviés au spectacle du mois de juin. De plus, il aime bien les applaudissements...Il voit dans mes difficultés la marque d'une jalousie primaire, d'une incapacité à gérer un groupe, d'une preuve de mon caractère capricieux...d'un manque de confiance en lui, d'une autre incapacité encore, celle de convenir qu'il existe des gens qui me battent à plat de couture..." Tu dois accepter que Y ait des idées et donc qu'elle te soit "supérieure". Tu es orgueilleuse et égoïste...Et j'en passe."
Géniale, cette année!!!
Je ne vois pas cela comme ça, mais, bon....

 

 

Plusieurs jours plus tard...

Deux répétitions auxquelles je participe depuis le règlement de comptes...


L'une dans une petite salle d'ordinaire dédiée aux joueurs d'échecs.

Je prétexte un rhume. C’est commode, pour éviter de "faire la bise". Je préfère garder mes distances

Tout le monde est arrivé sauf une, mais unanimement, on m'assure qu'elle sera mise au courant. Parfait donc. La séance peut débuter.  

Filage. Je veux voir ce que ça donne dans l’ensemble. Je suis assez contractée.

Heureusement, A. est venu avec son amie, ce qui m'apaise un peu.

Nous évitons l’huis-clos. L'obligation de se justifier, je ne sais plus de quoi, d'ailleurs. Ils ont l'air si gentil...
Y arrive enfin alors qu’A. et U. sont en train de répéter...laborieusement l'"apéritif" de Roland DUBILLARD.
Elles calent sur le texte. Une idée concernant le ballon qui doit servir à créer une impression de légèreté, de "poétique absence" est donnée par l'amie de A.
Au fond de la salle ça rit, ça bavarde...C'est la première fois que je me fais cette réflexion.  En fait jusqu'ici, je n'ai jamais  eu besoin de dire quoi que ce soit par rapport à l'attitude à avoir pendant les répétitions.
J'ai en fait brusquement l'impression d'être en classe. En 3ème 10, par exemple. La classe où sont regroupés des élèves que l'on doit rappeler à l'ordre souvent parce qu'ils ne comprennent pas  ou ne veulent pas comprendre, pour x raisons, les règles à suivre.


Bref. En troisième position, j'attendais la saynète qui fait conflit, " la survivante " de JM RIBES. Et je vois "arriver" le trilogue, intitulé " Dimanche ", qui dans le spectacle se trouvera en dernière position. C'est le clou, le point d'orgue, le plus susceptible de faire rire, le plus "boulevardier".

Je commence à comprendre les rires du début. Elles ont apporté accessoires et costumes et veulent passer tout de suite. C'est ce que j'interprète. Parfait. Elles sont amusantes. N. dans sa chemise de nuit longue et blanche de catho coincée.  Y. en père de famille sur le point de quitter le domicile, revêtu d'une robe de chambre type boxeur sur le ring et D. en cliché de l'ado contemporaine rebelle, mais en admiration devant son papa qu'elle photographie pendant qu'il se déhanche sur une musique rock. 
Y est survoltée. L'ensemble est assez convainquant. Le texte est su. Les séances de répétition portent leurs fruits.
J'applaudis à la fin. Bizarrement, je suis la seule...

On continue. Ronronpetitpatapon...grrr... Le texte le texte....Je me demande s'ils apprennent et répètent en dehors des séances où parfois d'ailleurs ils ne viennent pas...

"Bronches" avec A et N. tient aussi la route. N. parle peut-être un peu vite, mais je trouve que ce rythme convient assez bien au personnage qu'elle incarne.
T. n'a pas encore tout à fait trouvé son style. Mais c'est en bonne voie.

En gros, ça prend forme. On sent une volonté d'aller jusqu'au bout. Et aussi une prise de conscience progressive de la nécessité de se mettre sur orbite, d'imaginer, de "matérialiser" mentalement l'enjeu de tout cela...Et c’est un unique spectacle, devant des gens qui formeront "notre» seul public à tous et qui, même s’ils sont plutôt acquis, veulent passer un bon moment,  voire être surpris, "épatés"...   


 

 

 

 

 

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