Notes à partir d'un texte de Louise Emeriau Farges sur le thème de la ''gynocritique'' : mise au point notionnelle. 2 Liens 1) cairn.info Féminismes : théorie et politique avec Ute Gerhard, Jane Jenson, Anne-Marie Devreux, Jacqueline Heinen; 2) openeditions.org texte de Nicolas Boileau sur génocritique et autobiographie

Publié le par Claire

         Notes prises, en 2010, dans le texte intégral. Le rajout de 2014 se trouve à la fin

      Grâce aux études féministes, les écritures de femmes deviennent une catégorie à analyser.  On conçoit une imagination féminine spécifique et de là une écriture féminine différente d'une écriture masculine, ce qui apporte des éléments nouveaux aux différences biologiques entre les sexes. 

La notion d' "écriture féminine" apparaît vers 1975,  quand Hélène Cixous publie La jeune née. Elle répond en quelque sorte à la question : " Que recouvre la notion de "féminin" dans l'écriture ? 

               Elle y énumère trois points concernant la féminité dans l'écriture.

1) Un privilège de la voix : autrement dit, une oralisation de la langue impliquant un rapport moins sublimé (moins transcendé, idéalisé, purifié) à la mère:

"Dans la femme, il y a toujours plus ou moins de la mère qui répare et alimente, et résiste à la séparation".

2) Un privilège du corps : Cixous voit les effets de féminité dans le privilège du corps.

Ce rapport moins sublimé au corps apparaît dans l'histoire comme un revers:  "Les femmes ont vécu en rêves, en corps mais tus, en silence". Dans ses textes, Cixous introduit ce qu'elle appelle des mots-de-corps (jeux de mots qui sont censés produire une rupture dans le symbolique, introduire de l'imaginaire "féminin" dans le langage, comme par exemble "ellusions" à la place d"illusions".)

3) Dépersonnalisation : Cixous voit les effets de la féminité dans la "dépropriation" ou la "dépersonnalisation", c'est-à-dire une subjectivité ouverte, une capacité de s'ouvrir à l'autre. La notion de féminité semble problèmatique dans son assimilation presque totale avec le maternel. Cixous va même jusqu'à parler de "sexe maternel" dans certains de ses textes de fiction. L'écriture féminine serait-elle, en somme, une "écriture au maternel" ? Les femmes proclament la valeur de leur spécialité biologique, libidinale et expressive. Une écriture dite "féminine" offre délibérément une écriture autre, par rapport aux modèles déjà existants majoritairement: les modèles masculins. L'écriture féminine doit se produire et se produit en dehors de l'ordre symbolique phallocentrique, en cela qu'elle échappe aux frontières de la raison et de la logique.

L'écriture féminine vient donc se situer et exister face à une autre pratique d'écriture, face à un autre rapport au langage, aux mots, à la littérature. 

Cette théorie féministe de la féminitude a inspiré peu après la "gynocritique", terme créé par *Elaine Showalter : il s'agit d'une critique étudiant les femmes comme écrivains mais aussi les thèmes, les époques, les genres et les structures inclus dans leurs récits.

Elle servira à poser les règles d'une tradition littéraire féministe. Dans cette critique, les poststructuralistes féministes, ramènent sur le devant de la scène l'écriture féminine comme sujet d'étude et de discours à part entière.

D'où la notion de "discours" qui définit chez les féministes, la relation entre le langage et réalité sociale. Il apparaît pour les féministes que le discours des écrivains, essentiellement masculin, relève d'un patriarcat qui pèse sur la liberté d'écriture des femmes. 

Toutes les théories féministes, notamment les théories allemandes, se sont beaucoup basées sur la notion de genre pour insister sur le fait que l'écriture féminine est bien le résultat de l'alliance des particularités sexuelles féminines et du contexte socio-culturel dans lequel elles évoluent.

*Elaine Showalter, née en 1941, est une critique, féministe et une auteure littéraire américaine sur les questions culturelles et sociales. Elle est l'une de la fondatrice de la critique littéraire féministe dans le milieu universitaire des États-Unis, développant le concept et la pratique de la gynocritique. 

  Showalter a inventé le terme "gynocritique" pour décrire la critique littéraire basée dans une perspective féminine. La meilleure description que donne Showalter de la gynocritique est probablement dans son livre "Toward a Feminist Poetic":

"Contrairement à une idée fixe sur la littérature masculine, le programme de la gynocritique doit construire un cadre féminin pour l'analyse de la littérature des femmes, de développer de nouveaux modèles basées sur l'étude d'une expérience féminine, plutôt que d'adapter les modèles et les théories masculins. La gynocritique commence au moment où nous nous libèrerons des absolus linéaires de l'histoire littéraire masculine, que nous cesseront d'essayer d'adapter des femmes aux lignes de la tradition masculine, et que nous nous centrerons sur le nouveau monde visible de la culture féminine". (New, 131)

Cela ne signifie pas que le but de la gynocritique est d'effacer les différences entre écriture masculine et écriture féminines. La gynocritique vise plutôt à comprendre la spécificité de l'écriture des femmes pas comme un produit du sexisme mais comme l'aspect fondamental de la réalité féminine.

                             --------------------- Ajouts d'août 2014 --------------------

                              Voir dans Rencontre terrestre cette précision d'H. Cixous :

« Dès qu’on est alerté à la fatalité de ces oppositions et de ce binarisme dans la pensée courante et dans le discours ordinaire, on ne sait plus comment sauver l’indépendance de ces composantes du sujet, ces parts sans commencement ni fin de féminin et masculin en chaque être ; et c’est de cette difficulté à respecter le flottement, l’échange, la danse, la transe, difficulté assumée et relancée textuellement, que naissent certaines inventions grandioses en littérature…. » 

                                              ***    

                              Trouvé aussi chez Brigitte Weltman-Aron ( univ de Floride)

                                                   Dans l'incipit des Contes d'H. Cixous

« Je dis tout de suite : j’ai peur. Mon premier chapitre s’appelle : ‘Avoir peur pour commencer’ » ( in  « Contes de la Différence sexuelle », conférence  prononcée, en 1990,  par HC dans le cadre du colloque Lectures de la Différence sexuelle, publiée en 1994) 

Motif de l'effroi et de la peur de la castration lors d'une prise de parole publique avec obligation de dire des choses importantes, notables, susceptibles d'être ramassées, rassemblées, interprêtées jusqu'à devenir préceptes...

Peur : de trahir l'attente et le dispositif du savoir incarné et autorisé à l'adresse d'un auditoire silencieux, médusé...

"Le rire de la méduse", nous dit que la femme est inaudible ..."tourment de la venue à la parole "orale"...détresse du parler au féminin... 

                                         " Je me sens en quelque sorte dans mon bon tort"

    Vouloir parler autrement..."question de jouissance et de justesse." Contrairement à "l'orateur qui déroule un fil sec, maigre, raide, ...aimer l'inquiétude, le questionnement. Il y a du déchet dans ce que nous disons. Nous avons besoin de ce déchet."    

                                                                       ***

 "En tant qu’insecte, la fourmi,  témoigne exemplairement de la part et de la partition, de la divisibilité/multiplicité, et met en jeu la différence sexuelle, comme le relève Jacques Derrida :

« D’abord insecta, le mot latin pour insecte est un neutre (toujours au pluriel….). Et ce neutre pluriel, insecta, ne veut pas dire insécable, indivisible, atomique. Il vient au contraire, dit-on, de inseco, qui signifie couper, disséquer…..En tant que insecta, cette sorte de genre,….la fourmi est un invertébré coupé… » (Fourmis, Lectures 75)."  (...)

 « Il y a de la différence »(...)  quelle sorte de preuve ou d’évidence permettrait de  témoigner d’une différence qui se donne, mais qui ne se donne pas à voir ?                                 

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