"Le soir de Noël de Mimi"
Le journaliste avait invité un politicien, comme tous les soirs. Claudine n'écoutait que d'une oreille distraite l'émission qu'elle aimait beaucoup en temps ordinaire.
Là elle était en colère, même si le terme était un peu fort. elle nuançait de moins en moins ses propos sous l'effet de la paresse ou tout simplement d'une vieillesse somnolente. Voilà, la vieillesse ! En rage, ne convenait pas non plus. Elle leur en voulait simplement de la laisser tomber là, à Noël.
A un moment de la soirée, ou si ça se trouve plus tard quand elle aurait commencé à s'assoupir, elle aurait droit à son coup de fil... Joyeux Noël ! Tout va bien ? Les enfants t'embrassent. Tu as bien mangé ? Et la messe était bien à la télé ? ...Et puis quoi encore ? Non ! ...
Elle prit son sac, le grand, le bariolé. Il était tout plat, tout vide. Dans la poche droite de son manteau rouge boutonné jusqu'au nez ses gants bleus reposaient bien au chaud. Les escaliers descendus un peu péniblement à cause de ses bottes fourrées trop grandes lui parurent sombres : l'ampoule brillait faiblement. Elle s'éteindrait peut-être dans la nuit pour cause d'épuisement. Sa lampe frontale lui serait alors utile.
"Bonjour ma p'tite dame !". Un homme en chaise roulante passa rapidement devant elle. De loin il lui sembla qu'il avait une auréole sur la tête. Mais elle sourit de cette fausse vision, forcément. Les saints s'ils existent, sont au ciel. Pas rue de la Tour de Garde.
Elle marcha longtemps. Les rues étaient vides. Bizarre quand même. Au loin elle entendit les cloches d'une église, je dirais plutôt d'une chapelle, Le son est un peu rapide, il manque d'ampleur. Cette soirée n'était plus depuis longtemps consacrée à la fête chrétienne et de plus les gens étaient devenus indifférents à cette nouvelle tradition quasi mythologico superstitieuse, liée à la grande distribution et au capital.
Pourtant en avançant, elle se disait qu'elle se trompait peut-être et sûrement même mais que quelque chose en elle savait que cette nuit serait différente. La rue était éclairée par des lampes très hautes et très droites qui ne se contentaient pas de faire cercle autour du mât, mais dont la lumière débordait jusqu'à atteindre les façades des maisons en prenant la forme d'une grosse citrouille d'Halloween.
Par une fenêtre qui s'entrouvrit un instant elle crut voir un jeune homme lui lancer : "Dépêchez-vous, vous allez être en retard !". Mais où ? Elle n'était attendue nulle part. A moins que...Elle accéléra.
Son regard venait de croiser celui d'un chat, immobile sur le capot d'une voiture. Comme sentinelle il était parfait. Comme dans un film d'animation de Miyazaki. Elle en espéra un autre un peu plus loin. Ainsi saurait-elle qu'elle ne s'était pas trompée de chemin.
Une vingtaine de mètres encore et un bruit la fit sursauter. Plein, mais lointain. Il n'était pas nécessaire qu'elle s'interroge. Et c'est cet instant que choisit une toute petite voix pour la supplier de s'arrêter, de pencher la tête et de lui rendre service.
"Mimi coucou Mimi...Viens ouvrir ! C'est nous ! Joyeux Noël ! C.A-L 24/12/2014