Lien avec un article de Claude Ber ''L’entre-deux ou une conscience du féminin dans l'écriture'' et prise de quelques notes dans la ''Forclusion''

Publié le par Claire Antoine

 

    Claude Ber, poète, essayiste et auteure dramatique 

interroge, investit, le champ de l'écriture du dehors (de par sa formation et sa profession) mais aussi du dedans puisqu'elle est poète. 

Voici quelques titres de ses "recueils" qu'elle préfère appeler des "constructions"Sinon la Transparence 1996, réédition 2008 ; Le nombre le nom,  2009; Méditations de lieux, 2010: Epitre Langue Louve, 2015;  Il y a des choses que non, 2017; La mort n'est jamais comme, 2019...  

et quand se pose la question de la dé-nomination de celles qui écrivent des textes poétiques, Claude Ber propose de dire tout simplement  une/la poète en référence à l'ambiguïté générique de son étymologie latine.  "Poeta", en latin est, en effet,  un nom masculin ayant une désinence en [a] généralement marque du féminin. Ce [a], en français se ferme en [e]. 

C'est vrai que les termes de "poétesse" ou "femme poète" ou "poète femme" ou "écrivaine versée dans la poésie" ..., en mettant en lumière le féminin, ( comme une sorte de bannière, de courageuse et légitime revendication, historique, sociologique et politique) présentent un obstacle  dans l'accès au texte à lire ou à entendre, puisqu'ils insistent sur une différence/mise à l'écart. Au lieu de penser en premier lieu "je vais entendre un poème", ce qui est en jeu c'est une sorte "d'évaluation", dès le départ ( du genre : "Voyons ce qu'une femme peut bien écrire...") avant d'entendre  une écriture.  

 Petite prise de mots/notes dans la conclusion que la poète appelle ici "Forclusion"

                     "Ce sont les écrits des femmes qui, à terme, qualifieront leur écriture, 

non une identité féminine a priori qui qualifie l’écriture des femmes.

Peu importe, au final,

le propos d’une écriture des femmes, qui explore ce que lui apporte leurs expériences diverses, amours, douleurs, jouissances, révélations, angoisses de la mort et celles du monde, histoire des autres et de soi emportées dans une histoire qui nous échappe,

la question est celle de l’écriture.

En se faisant dans un faire

les femmes sortiront et d’une dépendance,

et de la perception d’elle-même en tant que victimes d’inégalités

pour devenir, là comme ailleurs, actrices de leur histoire et de l’histoire

engagées avec les hommes et au même titre dans notre histoire commune et diversement déclinée dans des singularités.

La conscience du féminin qui en découle, dans l’écriture, ne peut se nommer avant que cela même n’émerge dans l'écriture. 

Pénélope, pourrait, être une métaphore de cette conscience en train de s'écrire, comme si elle se tissait obstinément, fidèlement à elle-même, elle qui dans l'Odyssée tisse et retisse secrètement sans fin les fils de son ouvrage afin de résister d'échapper à la demande haletante de la Cité, qui la presse pour que l’ordre revienne dans Ithaque, de prendre un époux. Sommée d'échanger un absent/mort contre un présent/vivant, elle résiste et propose autre chose.  

Elle incarne ce travail d’écriture des ruses du poïen (poésie vient du grec "poïen" qui signifie "faire", "créer", "fabriquer") face au pouvoir.

Pénélope tisse le temps, elle dit Ulysse, et sa parole modifie, à cet instant là, le cours du récit.

L’écriture de la même manière modifie le récit, la fiction que nous nous faisons de nous-mêmes. Comment ?

En écrivant, en « allant atteindre quelque chose en chemin » par et dans le mouvement même qui déploie l’écriture.

L’accès des femmes à l’écriture ne peut pas être sans incidence.

Serait-ce là le rôle du rétif poïétique ( processus de création) , qui entretient avec la Cité des rapports ambigus.

Le poïétique, n’est pas seulement antagoniste du politique, il en est dépendant et travaille à son tour les représentations que l’homme se fait de lui-même, sa mémoire. 

Dans une dépendance réciproque, où à la fois l’évolution sociale et politique influe sur l’accès des femmes à l’écriture et où cet accès est susceptible à son tour d’influer sur les représentations, que se situe cette conscience du féminin. 

Et ce aussi bien dans l’écriture des femmes que des hommes. Dans la multiplicité des représentations singulières, mais aussi dans des usages de la langue. Il ne s’écrit plus "des femmes, des hommes, et du désir" de la même manière qu’antérieurement, et cela a quelque rapport, avec l’entre-deux spécifique des femmes dans l’écriture.

S’y conjuguent, plus du côté des femmes,

l’incitation de Virginia Woolf à cheminer dans l’entier de l’écriture,

et un autre mouvement qui travaille la langue dans l’écriture de toutes les manières dans des influences réciproques qui s’interpénètrent et reflètent la mutation sociale de l’émancipation des femmes qui fait entrer l'écriture dans les agents et les effets de cette dernière.

L’ouvrage et l’acte artistiques disent ce qui ne peut se dire autrement qu’à travers eux. 

Dans le dépouillement de toute visée démonstrative ou illustrative; hors de l’intention dont l'écrire se défait au profit d’un faire qui résout en lui et par lui les contradictions qui le tiraillent, sans viser.


 

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