Rhétorique : Une ''figure de présence'', image qui tient lieu des choses elles-mêmes, que l'on voit quand on les entend, l'hypotypose

Publié le par Claire Antoine

L'hypotypose en peinture :Lawrence Alma-Tadema, La mort d'Hippolyte, 1860. (WIKIPEDIA)

L'hypotypose en peinture :Lawrence Alma-Tadema, La mort d'Hippolyte, 1860. (WIKIPEDIA)

                                                             (Sources variées, dont Wikipédia))
                                          Pour aborder la figure de l'hypotypose
                                                où pathos et logos se réunissent                                     
                            dans une perspective d'« herméneutique du visible » 
     qui comporte les procédures de constitution du "visible" de la métaphore à la perception
 
Rappel : herméneutique et symboles postulent  qu'il y a un ordre dans l'univers, qu'il y a une logique de l'analogie
L'herméneutique est "une pratique guidée par un art" ; une  interprétation critique, ( description identifiante) explicitation d'un sens caché ( nature intérieure).
 
Empreinte que laisse la place d'une matrice
l'ekphrasis 
description animée d'une œuvre d'art, est première dans la rhétorique,
elle utilise l'hypotypose qui réunit des procédés aboutissant à un effet
 d' evidentia (latine) / enargia (grecque)
(mettre sous les yeux pour provoquer une émotion) 
 
                                                                 =>, figure clé de la mimesis, 
              l'hypotypose est à considérer comme une figure macrostructurale du topos de la description
 
« Figure de présence » au sein d'un discours la description animée et comme vivante d'un sujet, d'une scène, d'un personnage réel ou fictif ou d'un objet d'art enfin. L’energeia, de la rhétorique grecque ou l’ evidentia latine. Figure clé de la mimésis.
L'hypotypose ὑποτύπωσις, « ébauche, modèle » : description réaliste, animée et frappante d'une scène dont on veut donner une représentation imagée,  comme vécue à l'instant de son expression.
La figure peut dépasser le cadre de la phrase et  se développer même sur plusieurs pages, prendre la forme d'une énumération de détails concrets...
Pour Quintilien, l'hypotypose est « l'image des choses, si bien représentée par la parole que l'auditeur croit plutôt la voir que l'entendre ».  Elle donne à voir une scène, ... les limites de la phrase n'existaient plus. et rappe l'imagination de l'interlocuteur.
 
                                 Des variantes, selon l'objet décrit ou la façon de le représenter :
La prosopopée peut concerner un personnage fictif, mort ou abstrait qui, à la différence de l'allégorie a la faculté de parole ou  la prosopographie, qui décrit de manière vivante le sujet dans son environnement et en action. « Je suis la pipe d'un auteur ; On voit, à contempler ma mine,(…) que mon maître est un grand fumeur. » Baudelaire
La topographie, description d'un lieu, réel ou imaginaire.  Elle expose lieux et circonstances.
L'éthopée consiste à peindre des personnages ( seuls ou en assemblée) sur le visage ou le corps desquels se lisent leurs passions. Peindre le "moral" par "le physique". Dans une « herméneutique du visible » : procédures de constitution du visible de la métaphore à la perception
La diatypose aussi,  hypotypose condensée, court récit enchâssé dans un discours. Digression du regard ou de la diégèse qui se porte, un temps, non plus sur le déroulement de l'action mais sur une petite scène visualisable.  Introduite par le narrateur au moyen de l'épiphrase, « addition », demi-parabase qui prend la forme d'une parenthèse ou d'une proposition incidente, voire d'une incidente dans une parenthèse. Quasi synonyme d'épiphonème ( qui lui ajoute un propos souvent sentencieux à un ensemble textuel qui semble terminé) et de parembole (proposition insérée dans un discours pour exprimer le point de vue personnel de l'auteur ou du narrateur), désigne « les exclamations indignées, les réflexions moralisatrices, les conclusions et idées générales dont les orateurs ou personnages fictifs commentent leurs propres discours ». 
L'allégorie
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L'hypotypose se suffit à elle-même et semble close et autonome par rapport au reste,
Il y a 3 catégories d'hypotypose : 
- l'une donne à voir et à sentir,
- la seconde par empathie, cherche à provoquer une identification,  frapper "les yeux de l'esprit" des lecteurs/auditeurs/spectateurs, pris dans un mouvement centripète,  qui rapproche, concentre, condence, fait entrer, sans renvoi à un au-delà du texte ( contrairement à l'apostrophe, centrifuge qui invite à prendre conscience d'un hors champ).
- et une troisième enfin par accentuation  "littérale" de l'effet de présence :  un support de l'harmonie imitative.
 
L'usage rhétorique de l'hypotypose repose sur l'idée qu'elle y est « un artifice de représentation de l'idée ».
En rhétorique, le sens visuel est en effet privilégié,  car  lié à la mémoire et permet de frapper l'esprit. Elle vise ainsi un effet ou une émotion.
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ex d'hypotypose chez Victor Hugo :
"Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur"
Ici les yeux du lecteur suivent le regard du narrateur. =>  imitation d'une scène réelle.
Une relation est établie entre l'extérieur et l'intérieur : la nature et les sentiments de celui qui la contemple.
La psychanalyse s'y intéresse, dans la mesure où elle renseigne sur le mécanisme analogique, à travers les notions de « régressivité » et de « contiguïté ». Hier et aujourd'hui en même temps mais séparés
 
L'hypotypose est utilisée pour identifier les descriptions fragmentaires où seulement les notations sensibles et les informations descriptives marquantes sont restituées, 
dans une esthétique proche de celle du kaléidoscope, 
ou du style impressionniste.
 
                  Pour créer l'illusion dans ce cadre énonciatif où  l'auteur/narrateur trahit son identité. 
                                                         Outils, dans le désordre :
- Présent de narration qui  rend la scène vivante et contemporaine de la lecture.
- Le rythme poétique et la versification qui accélèrent l'action.
- Le « je » du narrateur pas toujours exprimé compose la figure et convoque le pathos.
- La progression thématique lier les syntagmes entre eux, fluidifie la description
 - La dislocation mettant soudain en avant un élément.
- L'apostrophe
- La mise en relief , par l'utilisation de l'imparfait et du passé simple
- Les deictiques pour l'ancrage spatio-temporel,
La focalisation, interne ou omnisciente, qui donne une impression d'observation cinématographique
                                                      Et pour  créer l'image :
- L'ellipse qui condense le récit sur le fait à décrire.
- Les épithètes pour amplifier le réel
 
Et d'autres figures  encore : comme la palinodie (le narrateur semble revenir sur ses dires et ainsi les précise)
et l'épiphrase (intervention directe de l'auteur dans le discours)
 surtout des figures d'analogie comme la comparaison
      Les images qui permettent une identification à des choses connues ou esthétiques,
l'allégorie : l'objet ou la situation décrite deviennent comme vivants
la métaphore,
la personnification.
 ou des figures du rythme et de construction de phrase
La gradation vers le plus précis, 
L'hyperbole qui exagère 
l'antithèse qui crée le contraste
Les allitérations et assonances pour  l'harmonie imitative).
                                                  Pour accentuer l'effet de réel,
Réel hallucinatoire, avec des hypotyposes délivrées de tout espace de référence chez Michaut
Mystiques et panthéistes avec Paul Claudel
 Contemplatives pour Baudelaire, là où  il donne corps aux correspondances synesthésiques
 
La figure existe en musique aussi par exemple  chez Wagner qui  recherche l'art total  et donne à voir des scènes souvent mythologiques ou dramatiques pour une  description animée et dynamique, permise par la fusion de tous les Arts sur la scène, reliés par la composition musicale, 

Publié dans figure de rhétorique

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