L' Amour et ses ''varités'' selon Lacan. Notes. 2 liens -1) cairn.info article de Marie Pesenti-Irrmann : '' L'être aimée'' de l'hystérie avec Jacques Lacan; 2) hal.science, Bénédicte Abraham sur Les”Fragments d’un discours amoureux” de Roland Barthes
« L'être aimée » de l'hystérie Marie Pesenti-Irrmann Dans Figures de la psychanalyse 2014/1 (n° 27), pages 141 à 154
« Varités » de l’amour.
L’amour, cf Roland Barthes, ne peut s’approcher que ‘’par fragments.’’
les variations que Lacan aura composées sur l’amour, qui ne peut que se mi-dire,
et chacune de ces variations rend compte de la varité qui y est incluse.
- « l’amur » condense en un seul mot l’amour et le mur qui existe entre l’homme et la femme.
- « (a) mur » avec la parenthèse de l’objet a qu’il intègre dans le mot pour dire ce qu’il en est de l’amour et du non-rapport sexuel.
- « l’âmour », ce que ce terme doit à l’âme, l’amour en tant que hors sexe, en tant que « l’âme âme l’âme », l’âme définie ici « en tant que ce qui permet à l’être, l’être parlant pour l’appeler par son nom, de supporter l’intolérable de son monde
- « l’hainamoration », en tant que l’amour n’est pas un « velle bonum alicui », un vouloir du bien à l’autre, renomination de l’amour liée à la haine ;
- « la mourre » en deux mots, le jeu de la mourre
l’amour apparaîtra de plus en plus dans sa spécificité, proprement inthéorisable, qui fait trou dans le savoir.
L’amour se trouve alors défini comme un intermédiaire, un metaxu, intermédiaire entre Jouissance et Désir, intermédiaire entre Savoir et Vérité, Lacan reprenant à son compte une proposition de Diotime dans Le Banquet, quand elle fait de l’amour un daïmon, un démon, l’intermédiaire entre les dieux et les hommes
"La difficulté à suivre ce que Lacan dit sur l’amour a trait au fait que cela accompagne le développement qu’il va donner à deux concepts décisifs de la psychanalyse, à savoir ceux de désir et de jouissance.
Si, dans le séminaire Le transfert, Lacan hésite, contaminé qu’il est par les termes grecs qu’il trouve dans Le Banquet de Platon, d’éron, d’érastès, d’éroménon, entre ce qu’il en serait du désir et de l’amour, au fur et à mesure qu’il développera sa théorisation de la jouissance,
L’amour est alors défini comme un moyen, qu’il explicitera dans le séminaire L’angoisse avec cette formule : « que seul l’amour permet à la jouissance de condescendre au désir. "
L’amour, mis en exercice dans la cure, ne serait pas seulement comme au temps du séminaire Le transfert l’apprentissage de ce dont manque le sujet, « ce qui lui manque l’objet de son désir, il apprend à le reconnaître en tant qu’aimant ».
Bénédicte Abraham, Les”Fragments d’un discours amoureux”de Roland Barthes. Séminaire sur le structuralisme français, Jun2009, Dresde, Allemagne.
Quelques notes décousues
Les Fragments d’un discours amoureux (1977) sont le fruit d’un séminaire sur le « discours amoureux » que Barthes a animé pendant deux ans à l’Ecole pratique des Hautes Etudes...
"le moi ne discourt que blessé"
"Dans son sens étymologique, le terme « discours » renvoie plus à une action qu’à une parole ; le discours amoureux n’a-t-il pas ceci de particulier d’être une parole en actes ?
L’amoureux, comme le personnage de théâtre, est une personne agissante et parlante.
« Hors du discours qui le porte, l’amour existe-t-il ? » s'interroge Barthes ;
l’amour serait "une action tributaire d’un discours". Barthes veut donner ici un portrait structural de l’amour, c’est-à-dire qu’il veut donner à lire une place de la parole.
Son livre se veut une affirmation de l’amour, non une philosophie de l’amour. (« Je suis tragique ; j’accepte et j’affirme, hors du vrai et du faux, hors du réussi et du raté »).
L’amour est une pratique active, un affairement.
(cf. les deux sens grecs du verbe qui signifie "faire, agir" : " ta pragma" (les affaires) et "drama" (l'action dans son mouvement) : l'amour serait action et affairement, l'amour aurait quelque chose du théâtre (sans drame, sans action, sans conflit, pas de théâtre) qui divertit et chasse l'ennui.
Julia Kristeva : « L’amour, c’est le temps et l’espace où « je » se donne le droit d’être extraordinaire » « (...) qu’il soit philosophique, gnomique, lyrique ou romanesque, il y a toujours, dans le discours sur l’amour, une personne à qui l’on s’adresse, cette personne passât-elle à l’état de fantôme ou de créature à venir. Personne n’a envie de parler de l’amour, si ce n’est pour quelqu’un ».
(...) l’objet méthodologique central est la lecture, l’acte lui-même, une pensée du déchiffrement.
Il s’agit d’un livre sans concepts, presque sans idées, plus proche du romanesque que du traité des passions, déconcert[ant]
(...) les Fragments sont la métamorphose d’un cours en livre.
un texte à la fois primaire et secondaire
une tentative faite en vue de dégager « la nature langagière du sentiment amoureux »
discours amoureux et discours sur l’amour
L'auteur ou un autre qui renvoie à lui et l’amoureux universel
l'amour comme phénomène ou comportement linguistique et non pas vraiment comme sentiment.
approche non pas de nature psychique ou psychologique mais linguistique.
Barthes cherche à dégager des "lois" ou des règles universelles en amour.
Son livre voudrait être la réhabilitation du discours parlé par tous.
Montage de morceaux d’origine diverse : le Werther de Goethe, le Banquet de Platon, le Zen, la psychanalyse, certains Mystiques, Nietzsche, les lieder allemands), des lectures occasionnelles, des conversations d’amis, de sa propre vie »
- discours d’un amoureux en souffrance, comme coupé du monde réel
- le discours amoureux inclut aussi le langage des gestes, le son d’une voix, l’expression d’un regard.
Il envoie des messages de la langue mais aussi du corps. Barthes écrit : « Le langage est une peau : je frotte mon langage contre l’autre. Comme si j’avais des mots en guise de doigts, ou des doigts au bout de mes mots ».
"Ne peut-on penser que le discours amoureux ne pourrait se dire que de manière fragmentaire, qu’il ne serait constitué que de fragments d’un tout ?
Difficulté pour l’amoureux d’accéder à la totalité, à l’unité, à la fusion en amour.
Il faut aussi rappeler que, dans une conception romantique, le fragment est l’absolu de l’art, il est « l’abso-lutus » ou l'absence de liens, comme autistique, soliptique, coupé de tout lien avec les autres discours et parfois avec le réel.
« Tantôt le monde est irréel (je le parle différemment,je suis névrosé, j’irréalise), tantôt il est déréel (je le parle avec peine, je suis fou, je déréalise ) ;
Le discours amoureux est « horizontal » (sans transcendance),
« l’amoureux parle par paquets de phrases mais ne les intègre pas à un niveau supérieur, à une œuvre ».
Il ne peut pas en faire une œuvre achevée close sur elle-même.
Il y a encore quelque chose de fondamentalement fragmentaire dans la réalité amoureuse (dont la forme pathologique serait le fétichisme) : l’être aimé est « découpé », « fragmenté » en symboles qui renvoient à lui (photos, vêtements, objets …). Le discours amoureux présente aussi une perspective fragmentée de l’être aimé ;
le terme de « fragments » peut aussi renvoyer au fait que « tout le récit étant suspendu au seul personnage narrateur, qui ne voit le monde qu’en perspective, tel que le découpe son angle visuel, la vérité de son dire sera fragmentaire et douteuse » (Rousset).
( etc. À lire...)