169 - Donne-moi, mon Dieu, la grâce de Francis Jammes
Après une lecture du recueil Le deuil des primevères
Mon esprit est vide
Mon âme dans l'attente
Donne-moi, mon Dieu, la grâce de Francis Jammes
...d'être un âne aux petits sabots joints
tels de pauvres mains en prière
sur la route du Paradis
bête chérie, douce que tu prendrais en pitié
dans la limpidité de ton éternité.
Suis-je comme une cigale dans l'herbe ensommeillée
capable de te louer
par un cri qui jaillit dans la nuit de la ville ?
De dessous le tas de vêtements déchirés et puants
montent des cris menus, un peu rauques
Je me penche et croyant cueillir la fleur sauvage mauve qui s'est glissée dans les jours de la manche de la vieille chemise
Qui se faufile jusqu'à toi et dire je suis là depuis le bitume transpercé.
Je prends dans ma main ce qui crie
Sur lequel je me suis méprise.
La fleur est un rossignol des villes
blessé, vieux et blessé
ayant trop chanté
peut-être
peut-être est-ce ainsi
de trop chanter on meurt ?
Chez Francis Jammes
il meurt
Il ne sait pas, non plus, ce que sera la mort
Par l'Achéron dont il n'a pas de prescience
Il n' est jamais descendu, n'en est jamais revenu
Ne sait pas - peut-être un peu, maintenant, là tout de suite, au détour, quel chemin prendre pour y aller
Il ne bougera plus
Ouvre ta main, poète
Il sera sage
Et le poète pleure
Regardant dans sa main écartée aux doigts ouverts l’oiseau
Dont l’âme s’envole.
Frère, frère,
Le soleil
Guérit-il de son ardeur ?
J’ai souvent rêvé de revenir au début des choses
Les refaire mieux
M’en amuser autre
Leur donner un sens, davantage.
Qui aura la force des orties qui se balancent sur la fermeté compacte des nouvelles terres en mottes
Pour mon âme vide et tourmentée
De ne savoir aimer
Je veux entendre la pluie des chevaux au trot sur les trottoirs
Dormir à l’ombre de la lampe de chevet
Recroquevillée, j’entends le sourd et régulier battement de mon sang enfermé dans le circuit continu de ce corps dont je ne puis encore m'échapper.
Enfants, enfants
L’amour
Peut-il mourir du silence ?
Enfants, le jour où je mourrai
Cueillez de la lavande au jardin négligé
C’est ainsi que je veux en partant penser l’odorant bouquet
Que vous déposerez sur ma tombe aux petits cailloux blancs.
Vous la cueillerez au petit matin
Quand elle sera humide des fraîcheurs de la nuit
Quand les bruissements du jardin ne se font point sentir
Quand l’abeille se tait
Enfants,
Que le rossignol secoue à peine ses ailes
Et que l’écureuil penche sa tête au chéneau du toit rouge
Vous y mettrez aussi, chers enfants, de petites violettes.
Décembre 2016