Mardi-Poésie -- tension autobiographique/poétique -- avec Baudelaire : 'Au lecteur' suivi de 'l'ennemi'

Publié le par Claire Antoine

Charles Baudelaire par Étienne Carjat, vers 1862. ( trouvé sur Wikipédia)

Charles Baudelaire par Étienne Carjat, vers 1862. ( trouvé sur Wikipédia)

                                    Comment l'autobiographique existe-t-il en poésie ?                              Autobiographie poétique/poésie autobiographique/Référentialité et fictionnalité tiraillent le sujet poétique 

                                           Un homme  entre bien et mal, hypocrite et faible vaincu par l’Ennui                                         Poème liminaire en forme de préface. Pacte scellé avec entre le je/moi du poète et le je/moi des lecteurs

Au Lecteur
La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.

Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.

C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.

Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie.

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,

II en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !
Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde ;

C'est
l'Ennui ! L'œil chargé d'un pleur involontaire,
II rêve d'échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
- Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère !
 
puis "l'ennemi",  le Mal, tout puissant, universel.
Le poète fait entrer sa destinée personnelle " Ma jeunesse" "J'ai touché l'automne des idées" "Les fleurs nouvelles que je rêve" dans un cycle naturel universel,  par métaphore : car il est la terre "mon jardin"; "terres inondées" "sol lavé",
tout autant que le lecteur qu'il entraîne avec lui dans la révélation du nom de l'Ennemi commun : le Temps "qui nous ronge le coeur"
 
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
 
Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

- Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie ! 
 
Exercice  sur le thème du temps et métaphore animalière ou végétale :  des éphémères à l'éponge ou au laurier noble...
Faire entrer sa biographie dans le cycle naturel universel qui contient évidemment " l'hypocrite lecteur"
 Ma jeunesse ( passé simple révolu 
Aujourd'hui  je (passé composé et présent)
Demain ( qui sait  si ?)
Le Temps  nous ...
Puiser dans un répertoire de citations sur le temps qui passe pour conclure...
 
                                                 
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