Prise de quelques notes sur : "la publication est de toute façon une imposture..." Philippe Sollers, retranscription d'un entretien radiophonique sur ''Paradis'' avec Marcelin Pleynet, 1976 Lien pileface.com

Publié le par Claire

                                                          Remontée d’un texte qui m’avait intéressée en 2012

« D’une certaine façon, ça part de l’idée que personne ne lit rien, jamais.

Les gens font semblant. Tout ce qui se donne comme littérature dite moderne, avant-garde, expérimentation, etc., n’est absolument pas lu et d’ailleurs n’est pas fait pour être lu, tout le monde en est conscient. »

                                     

... « appareil qui prend en considération le fait que la publication est de toute façon une imposture.

Sur cette imposture de la publication de ce qui s’écrit est construit tout un marché que l’on appelle tout simplement l’édition, la presse, le spectacle en général qui décide que ce qui s’écrit est, un jour, publié.

Qu’on le veuille ou non, quelqu’un qui se laisse aller à ne pas essayer de contrôler

par tous les moyens

le mode même sous lequel il émet ce qu’il dit

est quelqu’un qui accepte d’être mort par rapport au contexte social dans lequel il se place. 

... personne n’a les moyens de contrôler la publication de ses textes et tout le monde est bien obligé de subir cette sorte de filtrage, de récupération et de décision de la part d’une instance qui est une instance de pouvoir et qui, au fond, force les gens à entrer dans les problèmes tout à fait artificiels du commencement, de la fin et du volume et de l’espace qu’on appelle un livre.

Je dirai que le premier travail de l’écrivain ne serait pas du tout d’écrire, de croire qu’il a quoi que ce soit à transmettre, mais de s’assurer tout simplement du support ... tout est désormais prêt pour évacuer sous la forme de produits finis quelque chose qui devrait se répéter et insister. L’auteur qui, soit par désir d’avoir un prix, de plaire à son éditeur, de s’affirmer lui-même dans son identité, ou encore pour des raisons « politiques », accepte de publier des livres, est là pris dans une mécanique à laquelle il ne réchappera pas et qui le châtrera peu à peu de son origine de langage. Alors là, c’est une tactique qui consiste à insister sur la répétition.

D’une certaine façon, ça part de l’idée que personne ne lit rien, jamais.

Les gens font semblant.

Tout ce qui se donne comme littérature dite moderne, avant-garde, expérimentation, etc., n’est absolument pas lu et d’ailleurs n’est pas fait pour être lu, tout le monde en est conscient.

Ce qui reste énigmatique est de savoir pourquoi elle est publiée, quand même, ça, c’est un problème. Alors disons que je prends ce problème de front, j’insiste, je répète, je varie la répétition et j’essaie de donner l’idée de quelque chose qui serait, non pas un livre, un volume, un rectangle, cubique, comme vous voudrez, mais un cercle, une courbure, une courbe, quelque chose qui n’implique donc ni commencement, ni fin et qui, en tout cas, tourne...

... il faut, en un sens, précipiter, ... l’écriture, lui faire connaître à l’intérieur même de son fonctionnement qui est répétitif, une répétition plus fine ..., multiplier les messages pour dire sans cesse la même chose, à savoir que ça ne parle que de l’impasse sexuelle dans laquelle est l’espèce; ça n’a pas à parler d’autre chose puisque parler, c’est automatiquement parler de ça ; si on parle, si on fait semblant de faire, je ne sais pas moi, de la philosophie, de la poésie, bien entendu, on va faire semblant de métaphoriser quelque chose mais ça, ce n’est pas parler, c’est faire semblant de parler. Si on parle, je crois que l’animal que nous sommes n’a rien d’autre à dire et dire sous la forme la plus précise qu’il le peut, il n’a à dire que l’impasse sexuelle et ses conséquences.

 

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