Sur Richard ROGNET, poète vosgien : Article de Patricia LARANCO

Publié le par Claire

 

 

Un article très intéressant et détaillé , signé par Patricia LARANCO, dont je copie/colle de larges extraits. J'espère qu'elle ne m'en tiendra pas rigueur. Sans la connaître, je la félicite et la remercie pour son travail de retranscription.

                        A lire évidemment dans son intégralité sur le  blog :

                   http://patrimages.over-blog.com/article-24272590.html

C'est le compte rendu de la rencontre poétique mensuelle du  Mercredi 22 Octobre 2008, à la "brasserie des poétes", le François-Coppée, aupremier étage du  1 Boulevard du Montparnasse, métro Duroc

L' animateur Jean-Paul Giraux accueille ... une valeur plus que sûre de la poésie française contemporaine, Richard Rognet, présenté par l'une de ses amies, Claudine Helft....

 Richard Rognet est un Vosgien à cent pour cent, né dans les Vosges et résidant, encore aujourd'hui, à Epinal, où il est à présent enseignant en retraîte. ..."bardé de prix". Traduit en de nombreuses langues,...de nombreuses publications chez de grands éditeurs, tels, par exemple, Gallimard, Bellefond, La Différence.

Pour Claudine Helft,... toute "grande poésie" tourne forcément autour de trois axes cardinaux qui sont : "l'enfance, la quête d'identité et le questionnement".  "un poète qui ne questionne pas n'est pas un poète".

A propos de l'oeuvre de Richard Rognet...  : "je suis frappée par le suivi dans le domaine de la pensée, voire du style". Elle désigne "Délire du Voyageur" comme étant "son livre le plus achevé"...empreinte de lyrisme et traversée par "le sens de la précarité de la vie". Des mots lui viennent à l'esprit : "silence à l'envers du récit", "déchirure" et "morsure", "ventre de la Mère".

Richard Rognet est "tout entier dans la respiration d'un temps qu'on interroge".

 Pour définir une très belle poésie "entre silence et mélancolie", une poésie qui "désigne ce qui se dérobe et interroge l'insaisissable".

Une poésie construite autour des "figures emblématiques" du voyageur et du visiteur.

Avec Richard Rognet, continue Claudine Helft : "vie et mort se taillent dans l'infini" et "la nature est à la fois reposoir et sortilège" avec les "joies d'infini et d'affermissement" que le cadre vosgien apporte au poète.

Par delà la richesse ("Il n'est pas une seule, mais des écritures de Richard Rognet"), sa présentatrice débusque "une volonté de maîtriser la langue complètement", et ceci, à présent, "avec plus de réserve, moins de passion, peut-être".

Richard Rognet de prendre la parole... : "je ne sais pas ce que je dis, mais je sais ce que je fais ; je travaille énormément la forme d'un livre à l'autre".

Il confirme ensuite sa "confrontation permanente aves la nature", cette "présence" qui s'avère être une "véritable source d'inspiration".

De ses "intrusions dans la mémoire", si fréquentes, il dit : "je retrouve l'enfant enfoui en moi". Explication directe, simple. Forte.

Aussitôt après, il signale que son prochain recueil sera "une chronique des instants tout simples qui deviennent des instants d'éternité". On commence à le cerner. A entrer dans sa poésie dense et somptueuse.

Richard Rognet lit des extraits tirés de ses recueils,... la nature vosgienne y est omniprésente.

"Le tremblement des doigts sur les souvenirs", "le traquenard de l'aube" qui "ne dit rien", mais "saigne", "le silence du sable inhabité [...] Silence en moi halte, blessure..."ombre de la parole jetée au vent", "enfance de gloire, de graminées"... "Un rameau dans ma main. Le temps s'y concentre" et "je nais de la blessure blanche dans le vent".

A ce stade, on découvre que sa poésie n'est pas solaire. On prend la mesure de la lucidité sombre, désespérée qui l'habite :

"A peine le temps de voir et tout s'éteint, tout se retire [...] on se retrouve en soi, défait [...] encoche où s'engouffre l'aigreur du monde"...

Elle atteint un "sommet 'inquiètude"... Tant il est vrai que "chaque mot prononcé creuse nos solitudes", et que le poète, avec une sorte de résignation implacable, avoue : "J'ai vieilli dans un lointain futur. Je ne fus jamais du présent".

Tous les poètes peuvent se reconnaître dans cette solitude-là. La faire leur.

Pour Richard Rognet, "l'enfance et la nature sont profondément liées" et le poète reconnait que, chez lui, l'on a affaire à un "questionnament perpétuel qui serait triste s'il n'était sauvé par l'amour de la nature" (donc, de la vie), un questionnement dont la réponse paraît être une manière de panthéisme admettant que dieu existe. "Ecologisme" assumé... et "mysticisme" tout à fait particulier seraient donc les deux socles de cette oeuvre.

 "Je suis très croyant mais pas très pratiquant" et "j'ai vécu à la campagne jusqu'à l'âge de seize ans, au rythme des saisons et de la vie catholique, ce qui était très stucturant".

Il ajoute que l'idée d'"énigme" est centrale dans ce qu'il écrit : "Il y a une énigme autour de la nature et il y en a une autour de l'être" et cette énigme a toujours "préoccuppé".

 Richard Rognet, qui n'hésite pas à professer que "le poème tourne autour de l'énigme", quand il n'assure pas que "le langage est créateur d'énigme".

                                      "l'énigme est partout présente" ?

Sa présentatrice aborde avec lui le problème du statut du mot. Comment l'appréhender ? Le mot est-il "dangereux" ou "créateur" ?

Richard Rognet se montre très clair : "Le poème crée le poète qui le crée" et

"une fois créé, provoque une sensation d'étrangeté indéniable".

Il insiste : "Le poème est énigme avant tout et c'est lui qui nous guide"; "être poète, c'est être dans l'instable, dans le mouvement, hors de soi". Quelle magnifique définition ! Elle fait penser au chamanisme.

Pour Richard Rognet, la paradoxe de l'entreprise poétique tient en ce qu'elle consiste à

"trouver une chose qui tient debout à la suite d'une démarche qui ne tient pas debout".

Selon Richard Rognet, le poète " se délivre de ce qu'il est à travers le cheminement de la mémoire".

En ceci, sa démarche s'apprente à celle du psychanalyste  :

"j'ai fait l'effort de soulever la mémoire, pour aller voir si j'y étais".

En effet, nous apprenons qu' "il y a des éléments biographiques qui sont les assises du poème". Richard Rognet est sensible à la filiation, à l'ancestralité, qu'il nomme "préhistoire de l'individu".

C'est même avec force qu'il proclame : "Je l'entends, ce coeur d'avant ma naissance".

On peut se demander si ... le poème n'a pas pour but (s'il en a un) de dépasser l'histoire de l'individu qui le compose, et aussi de dépasser les mots qu'il emploie pour s'alléger, s'échapper, embrasser la dimension cosmique qui, elle, nous dépasse complètement.

          "Hurle, poème.

Demande aux fourmis, aux brindilles d'entrer avec toi dans les mots [...]

Aie confiance en ce qui fuit l'homme".

Du poème, qui le fait "crier dans le matin avec un visage qui n'est pas le sien",

Richard Rognet nous dit :"et c'est moi tout entier qui m'arrache à moi-même".

Il ne le dissocie guère de la notion d'allègement, de purification : "Ah, ces minces papillons bleus qui s'inventent une prairie aussi légère qu'eux".

Sérénité devant la mort ? RR confie une anecdote de sa vie intime : "La première expérience de la mort que j'ai eue fut celle d'une camarade d'école" et "cette sérénité, c'est dû au rappel de la mort de cette petite". La mort est naturelle : "tu sens peser les siècles sur ton corps".

En veine d'anecdotes, Richard Rognet s'attarde sur un autre souvenir qui l'a beaucoup marqué : celui de "la fille-mère qui s'était suicidée en se jetant dans un étang". Cruauté de la campagne. Dans son esprit, du coup, l'étang et le "scandale" se trouvent à jamais liés : "l'étang est toujours quelque chose de glauque, de noir, de porteur de mort", précise-t-il. ...Abondant emploi du "tu" : "Pour moi, le tu, c'est une façon de me projeter à l'extérieur de moi-même pour pouvoir mieux m'observer, me questionner"...

               ...Distance pudique avec ce dont il parle... Ne pas se laisser  déborder : " le retour dans le souvenir d'enfance m'a permis d'atteindre  une certaine sérénité".  En être qui vit avec "la forêt tout près de son visage".  ... "Vivre...d'un nuage effiloché, d'une étreinte du vent dans les branches [...] s'oublier". Ascèse du poème...chercher "le silence en pointillés".

"De loin tu as vu que la feuille tombée était un oiseau mort [...] la feuille est restée un oiseau...un oiseau déposé au fond de ta mémoire"...

Effleurer, tout en allant profond ...aux frontières mêmes du silence, du rien.

La poésie de Richard Rognet est une poésie de "mémoire plus forte que ta vie".

Une poésie droit issue du contact physique avec les arbres (qu'il affirme adorer toucher), du contact visuel "ému" avec la "montagne vosgienne", et du contact jamais rompu avec la mémoire qui "regarde l'enfant qui te précède".

..le projet du poète est bel et bien de "toucher l'inaccessible, l'éternel dans la simplicité"

et il est vrai (la preuve) qu' "on peut aller très profond avec peu de choses", par exemple,

"les oiseaux que l'automne froisse de son oblique clarté"[...]

------------------------------------------------------------------------------------------------------------

 

Publié dans Activités diverses

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article