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Reprise
Eric Demey rédacteur de la chronique
Novlangue
Quinzaine active. Une sélection
bimensuelle d’événements à venir
Dans un monde ou le langage communicant est roi, la culture n’échappe pas à la novlangue.
Décryptage de quelques tics pour des spectacles
qui ne manquent pas de « représenter le monde ».
On rit pas mal en lisant les
programmes des lieux culturels.
De spectacles qui toujours « interrogent » en propositions « saisissantes » ou « déjantées »,
s’y reflète une novlangue codée et emphatique à laquelle parfois nous-mêmes n’échappons pas.
Pour mieux s’en détacher,
cette chronique se propose de relever quelques tics de langage des communicants
autour de spectacles que nous vous conseillons cette quinzaine.
Bordeaux : Sous la direction du metteur en scène Henri Jules Julien, l’acteur Victor Ponomarev et la pianiste Sophie Agnel s’emparent de Testimony (1),
imposante œuvre inachevée – riche de près de 500 poèmes – de Charles Reznikoff, poète américain mort en 1976, qui fut durant les années 1930 l’un des membres du Mouvement Objectiviste. Prenant sa
source dans un procès du début du XXe siècle, Testimony donne à entendre des voix qui sans cela auraient été oubliées.
Dunkerque : Fin du Corps Furieux à Dunkerque, avec en plus des spectacles de Julie Nioche et Cédric Orain, ces Larmes d’Eros (2) de Thierry Duirat-Elia et
Pascal Marquilly où, d’après l’oeuvre de Georges Bataille, Eros et Thanatos se télescopent allègrement dans une chorégraphie de danse–théâtre projetant en arrière-plan des images du passé et
d’actualité. En toute sobriété, le site nous promet « un voyage visuel et sensoriel stupéfiant ».
Lille : Muzzix (3) repart pour un tour de chauffe qui occupera différents lieux de l’agglomération du Grand Lille. En plus d’afficher une programmation haute en couleurs
(Konk Pack, le duo des M, Yes is a pleasant country…), le festival reste sensible à une volonté de sensibiliser un large public aux expériences mouvantes du jazz et des musiques expérimentales,
improvisées et contemporaines. D’où sa volonté de décentralisation et la mise en place d’un atelier d’improvisation dirigé par Olivier Benoît.
Lyon : L’écriture de Ximena Escalante, figure de proue du théâtre mexicain, se situe au croisement du réel et de l’onirisme, du mythe et de la modernité. Moi aussi
je veux un prophète (4) est la première étape d’un polyptique qui se poursuivra au Nouveau théâtre en avril et mai à travers des œuvres où, utilisant des figures de héros et héroïnes
universels, Ximena Escalante, auteure engagée dans la revendication sociale, évoque de manière critique la société contemporaine mexicaine.
Aux Subsistances, le week-end « Parlers d’ailleurs » (5) dévoilera notamment la nouvelle création des Lois de l’hospitalité mis en scène par Marie Vialle. Une pièce qui fait
parler des danseurs expatriés sur la manière dont on quitte une langue pour une autre. A découvrir aussi, une autre création, le Please Kill me de Mathieu Bauer qui visite le
rock’n’roll des mythiques Jim Morrison, Lou Reed et autre Iggy Pop.
Montpellier : Toujours fidèle à ses valeurs de défrichage, d’émancipation artistique et d’utopie urbaine, le festival 100% Montpellier (6) propose une édition 2011
éclectique. S’y télescoperont les Mécaniques poétiques d’Ez3kiel, détournement d’objets anciens réorchestrés en systèmes interactifs, les installations plastiques et sonores de
Cyrill Hatt et Alex Terror, des concerts (Marvin) des performances live audiovisuelle, des spectacles questionnant l’industrie musicale et une sélection d’art sonore proposée par
les Instants Vidéo.
Paris : Fabian Barba (7) a décidé de reproduire neuf solos de danse de Mary Wigman, chorégraphe expressionniste de l’entre-deux guerres. Le jeune danseur équatorien de 26
ans joue naturellement du décalage. C’est un homme, il a 26 ans, elle en avait 43 à leur création dans les années 1930. Nous sommes en 2011 et ce spectacle pose évidemment la question du
répertoire, de la mémoire, de la reproductibilité dans cet art éphémère qu’est la danse. Ce que le programme résume encore une fois très simplement : « Fabian Barba pose ainsi de façon
saisissante la question du répertoire, de l’identité et du passage du temps. »
On a beau s’y reprendre à plusieurs fois, on a du mal à distinguer la logique de ce Nouveau Festival (8) au Centre Pompidou. La communication officielle ose bien un : « L'édition 2011
est faite de propositions dont le trait commun est bien la relation singulière que chacune d'entre elles entretient au spectateur. » Hé hé. Quelle rigolade ! Et oui, relisez-bien
: « L'édition 2011 est faite de propositions dont le trait commun est bien la relation singulière que chacune d'entre elles entretient au spectateur. »
Plus que dans le trait commun, on est plutôt là dans le plus grand des plus grands dénominateurs communs. Passons. Car s’il empêche d’y voir clair, l’empilement de propositions hétéroclites
conduit aussi à multiplier les pépites. D’une rétrospective sur l’œuvre du pourtant jeune Michel Gondry (qui décline par ailleurs son éloge du cinéma de bricolage dans un atelier de création -
écriture, tournage, montage - pour le public) aux spectacles de Julie Nioche ou de Joris Lacoste et son Encyclopédie de la parole, en passant par un film de Peter Watkins et une conférence de
Bruce Bégout, chacun trouvera au moins une bonne raison de se rendre à Beaubourg lors de cette quinzaine.
A Pompidou toujours, en collaboration avec le magazine Books qui consacre son numéro de mars aux événements secouant les pays arabes, un débat (9) réunissant quelques
spécialistes de l’Histoire du monde arabe (dont l’inévitable Benjamin Stora) tentera de remettre l’actualité en perspective.
Les affaires reprennent au Théâtre de la Villette après une première partie de saison annihilée par des problèmes budgétaires. C’est autour du texte Funambule (10) de Genet,
écrit en 1957 et adressé à Abdallah Bentaga, un jeune funambule qui partagea la vie de l’auteur, que Cédric Gourmelon et Julien Fiséra proposent chacun un spectacle. Deux mises en scène pour un
texte, qui se suivent chaque soir en alternance, un audacieux pari en forme de double hommage : à Genet et à l’art vivant.
Un temps avant-gardiste, maintenant presque classique, encore davantage depuis qu’il a reçu les honneurs des programmes du baccalauréat, Philippe Myniana (11) est à l’honneur au Théâtre de la
Ville. Au cours des trois semaines à venir, aux Abbesses, ce sont cinq pièces inédites de cet auteur-détricoteur du langage et des mécanismes du théâtre qui seront représentées sous la houlette
de cinq metteurs en scène différents.
A l’Epée de Bois, c’est le théâtre de bouche de Ghérasim Luca (12), écrivain d’origine roumaine dont on avait pu (re)découvrir la langue dansante, inquiétante et moqueuse l’année dernière à la
Maison de la poésie, qui revient sous la houlette de Claude Merlin pendant deux semaines.
La Galerie Moretti & Moretti (13), pour finir, présente sous la curation d’Eva Peel une exposition collective « sur le thème de la lisière et des interstices sur lesquels se glissent
nos expériences de vie ». Thématique floue sur une musique agréable aux oreilles du monde culturel pour une exposition n’en sera pas moins intéressante, présentant le travail de huit jeunes
artistes venus de tous horizons « dont la préoccupation est de représenter le monde dans lequel nous vivons à travers différentes technologies : photographies, performances, œuvres
multimedia, musique live, vidéo ».