107 Corps Texte
Enfantement aquarelle Carant
Indicibilité dans le désir de
survivre.
Faim faim tout le temps
Mais je sais aussi refuser ma faim
Donc j'existe Donc je suis
Je mange donc je suis.
A nouveau grosse comme d'avant la parole de l'enfant étymologique.
Maintenant presque vieille et presqu'obèse.
Se maintenir sur ce presque - Ne pas chuter - Se bien tenir - Se retenir au
balancier.
Ensemble par la main mère et grand-mère maternelle.
Et je vis encore remplie, lourde inatteignable de plus en plus, presque.
Être une île et sa naufragée.
Survivre éveillée dans le secret avec ses secrets de gardienne de la vérité du
manque,
de l'énergie au tout fond du dedans de moi.
Tout de la décomposition des aliments rejoint les petites alvéoles de mon corps où ils sont
stockés pour affronter demain. Cellules atomiques que je garde en moi pour avoir de quoi soutenir un siège.
Energie captée prête à transmettre aux moments de la disette car il y aura manque. Il y a vide demain sera vide sans intérêt peut-être le goût des choses sera-t-il perdu.
Gardienne de l'énergie avec peur parfois peur du trop plein -
de l'explosion de l'éclatement
en mille morceaux éparpillés
Se retenir pour survivre
Le plus longtemps possible.
Attendre attendre tapie un oeil ouvert veiller
jusqu'au moment où ce qui viendra me fera moi. Je cherche parfois à retrouver dans l'épaisse forêt des mots d'autrefois des mots qui disent et font mal mal parfois en strophes ces événements de ruine et de mort qui ont déversé le cours des choses roulé boulé .
Rescapée inconnue des agonisantes d'avant jadis convoquées
malgré elles pour qu'elles soient entendues par ce qu'elles ont scellé et qu'elles m'ont cédé dans les profondeurs du temps et de la terre.
Je parle aussi je nais et vis avec les mots des autres
dans un état second de pythie projetée hors de mon corps mon corps organique oublié en état second de réception de ces mots écrits par d'autres et qui permettent de parler continuement sans
effort et de bouger comme dans l'eau de la mer soulagée de mon poids de mes bégaiements de mes inhibitions.
Entre veille et sommeil. Ouverte au monde par la
mise en sommeil de mes angoisses de mort.