Sur Marguerite Duras le dialogue/le récit : par Madeleine Borgomano Lien Persée

Publié le par Claire

                                                                          Petite prise de notes
Dans la thèse de  Madeleine Borgomano sur Marguerite DURAS  sur le site  http://revel.unice.fr/loxias
la revue Loxias est publiée par le CTEL ( université de Nice )

Dans l’œuvre de  Duras, le dialogue très présent, brouille les frontières des genres; zone de turbulences. En supprimant le narrateur, il en détruit l’autorité et explore les voies et les impasses de la communication. Dans les Parleuses, le dialogue, remède aux insuffisances du langage, devient événement.  Le Square, où les parleurs sont à égalité, met en scène les enjeux d’un « dialogue véritable ». Dans L’Amante anglaise, où la structure de l’enquête criminelle impose des rôles codifiés, le dialogue échoue. 
Dans Hiroshima mon amour, le dialogue est aussi mis en échec, quand il cherche à comprendre l’horreur du monde, mais, ses pouvoirs se manifestent dans la sphère privée, quand l’interrogatoire devient acte d’amour
et que l’interrogateur s’implique autant que celle qu’il questionne. Dans India Song,  les dialogues plus ou moins « enfouis » ne sont plus qu’équivalent du bruit ou du silence,
tandis que les voix se détachent des corps et que la turbulence gagne l’instance de l’énonciation.

 
Milieu vaste,  incertain et flottant... et la terre s’ouvre jusqu’aux abîmes...le  dialogue ne cesse de gagner du terrain aux dépens du « récit ».

Au point que même les textes non dialogués tentent un échange (avec le lecteur ?) cf  L’Amant :
"Que je vous dise encore, j’ai quinze ans et demi". 
"Sur le bac, regardez-moi. Je les ai encore. Quinze ans et demi".
"Ce n’est donc pas à la cantine de Ream, vous voyez, comme je l’avais écrit, que je rencontre l’homme riche à la limousine noire".
"Oui, que je dise…" 
Ces interjections esquissent un dialogue qui reste unilatéral. Le lieu de l’écriture se présente comme une zone de turbulences et de risques où s’affrontent des contradictions non résolues : « l’écriture est avant tout une impossibilité ».
La forme dialoguée, Duras l’utilise donc, en tant que signifiant, comme instrument » de brouillage des frontières génériques. « On » ne sait jamais très bien où l’on est  véritable captatio benevolentiae, qui témoigne d’une urgence de la parole communicative  " entre-deux » générique, où s’opèrent les glissements et mutations de toutes sortes. Laisser la parole aux personnages, c’est  faire le choix du présent et de l’inachèvement.
Dans la diégèse, l’usage du dialogue permet à Duras d’explorer les voies et les impasses de la communication et du rapport à l’autre, d’exhiber les « tentatives (fragiles) pour créer, par la parole, un espace autre par lui-même et en ce qu’il construirait une relation à l’autre », pour « faire exister un lieu qui décentre »

Il explore des territoires instables entre la parole orale et l’écriture, « le monde extérieur » et la littérature
Il aurait été facile - il était tentant - de restructurer l’ensemble, d’élaguer le touffu, de redresser la démarche de crabe, de polir et de policer. .. ce travail de mise en ordre aurait été un acte de censure ayant pour effet de masquer ce qui est sans doute l’essentiel : ce qui s’entend dans les nombreux silences, ce qui se lit dans ce qui n’a pas été dit [… ]

... selon, Jean-Louis Barrault ... Le texte écrit est « une chose qui est à plat ». Le texte parlé « prend ses trois dimensions, son volume, sa respiration, son magnétisme respiratoire, ses contractions musculaires »
et alors « vous quittez le pays de la littérature pour entrer dans le pays du théâtre. C’est-à-dire de la présence ».
 
C’est qu’il s’agit d’un vrai dialogue. Combien le dialogue est rare, nous nous en apercevons à la surprise que celui-ci fait naître en nous, nous mettant en présence d’une événement inhabituel, presque plus douloureux que merveilleux. […] Car le monde commun nous offre bien rarement la chance et la douleur d’un dialogue véritable.
Le Square appartient à ce type d’œuvres qui explorent des tréfonds, des gouffres, des abîmes, mais ne peut le faire qu’en feignant de faire autre chose. (à suivre sur le site)

 

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